L’Assistance publique – hôpitaux de Paris a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) d’une demande de conseil relative au caractère communicable, aux compagnies d'assurance et aux établissements bancaires, des informations nécessaires à la recherche de bénéficiaires de contrats d'assurance vie en déshérence ou de comptes ou coffres-forts inactifs, compte tenu des dispositions des lois des 17 décembre 2007 et 13 juin 2014. La CADA estime « qu’il ne ressort d’aucune des dispositions nouvelles du code monétaire et financier et du livre des procédures fiscales introduites par la loi du 13 juin 2014 que le législateur ait entendu déroger aux conditions régissant l’accès aux informations constituant le dossier médical d’une personne décédée fixées tant par l’article L1110-4 du code de la santé publique que par l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978. La commission considère par conséquent que les demandes de documents ou d’informations émanant d’établissements bancaires ou d’assurance relatives à des personnes défuntes et à leurs éventuels ayants droit ne peuvent être satisfaites par un établissement hospitalier, la communication de ces éléments étant de nature à porter atteinte à la protection de la vie privée ». |
COMMISSION D’ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS
Conseil n° 20153587 du 24 septembre 2015
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 24 septembre 2015 votre demande de conseil relative au caractère communicable, aux compagnies d'assurance et aux établissements bancaires, des informations nécessaires à la recherche de bénéficiaires de contrats d'assurance vie en déshérence ou de comptes ou coffres-forts inactifs, compte tenu des dispositions des lois des 17 décembre 2007 et 13 juin 2014.
La commission note que l’article L312-19 du code monétaire et financier, dans sa version issue de la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 qui entrera en vigueur le 1er janvier 2016, dispose : « I. – Les établissements de crédit (...) ainsi que les établissements de monnaie électronique et les établissements de paiement (...) recensent chaque année les comptes inactifs ouverts dans leurs livres. / Un compte est considéré comme inactif : (…) 2° Soit, si son titulaire est décédé, à l'issue d'une période de douze mois suivant le décès au cours de laquelle aucun de ses ayants droit n'a informé l'établissement tenant le compte de sa volonté de faire valoir ses droits sur les avoirs et dépôts qui y sont inscrits. (…) Pour l'application du 2°, les établissements mentionnés au premier alinéa du présent I mettent en oeuvre, dans le respect de la loi n° 78- 17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, des traitements de données personnelles ayant pour finalité la recherche des titulaires décédés de comptes remplissant les conditions prévues au 1°. A cet effet, ils consultent chaque année, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les données figurant au répertoire national d'identification des personnes physiques et relatives au décès des personnes inscrites. / Lorsqu'un compte est considéré comme inactif, l'établissement tenant ce compte en informe par tout moyen à sa disposition le titulaire, son représentant légal, la personne habilitée par lui ou, le cas échéant, ses ayants droit connus de l'établissement et leur indique les conséquences qui y sont attachées en application du présent article et de l'article L. 312-20. ».
Dans sa rédaction issue de la même loi du 13 juin 2014, applicable le 1er janvier 2016, l’article L166 E du Livre des procédures fiscales, relatif à la recherche des bénéficiaires d’un contrat d’assurance sur la vie non réclamé, prévoit quant à lui qu’« Afin de répondre à la demande d'un organisme d'assurance qui recherche le bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie conformément au dernier alinéa de l'article L. 132-8 du code des assurances, les organismes professionnels mentionnés au II des articles L132-9-3 du même code et L223-10-2 du code de la mutualité obtiennent de l'administration fiscale les coordonnées des personnes physiques concernées. »
Cependant, la commission rappelle qu’aux termes de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 « II.-Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : - dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle ; ».
La commission relève de même que le dernier alinéa de l'article L1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article L1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès. La commission rappelle que le Conseil d’État, dans une décision du 26 septembre 2005, Conseil national de l'ordre des médecins, n° 270234, a interprété les dispositions de l'article L1110-4 du code de la santé publique comme ayant entendu autoriser l'accès des ayants droit aux seules informations nécessaires à l'objectif qu'ils poursuivent. En outre, la commission souligne que, par ces dispositions, le législateur a clairement entendu restreindre aux seules personnes qui peuvent se prévaloir de la qualité d'ayant droit, à l'exclusion de toute autre catégorie de tiers.
La commission note que, par la loi du 13 juin 2014, le législateur a souhaité améliorer les conditions de recherche des bénéficiaires de comptes bancaires inactifs ou de contrats d’assurance sur la vie non réclamés en rendant obligatoire la transmission, aux établissements bancaires ou d’assurance, par les notaires ou l’administration fiscale, d’informations administratives relatives aux ayants-droit. Elle estime toutefois qu’il ne ressort d’aucune des dispositions nouvelles du code monétaire et financier et du livre des procédures fiscales introduites par la loi du 13 juin 2014 que le législateur ait entendu déroger aux conditions régissant l’accès aux informations constituant le dossier médical d’une personne décédée fixées tant par l’article L1110-4 du code de la santé publique que par l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978.
La commission considère par conséquent que les demandes de documents ou d’informations émanant d’établissements bancaires ou d’assurance relatives à des personnes défuntes et à leurs éventuels ayants droit ne peuvent être satisfaites par un établissement hospitalier, la communication de ces éléments étant de nature à porter atteinte à la protection de la vie privée.