Le conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa de l’article 909 du code civil qui vise à interdire à un patient de consentir un don ou un legs aux membres des professions de santé (professions médicales et de la pharmacie, ainsi qu’aux auxiliaires médicaux) qui lui ont prodigué des soins au cours de la maladie dont il décèdera.
La requérante reproche à cette interdiction d’être trop générale et de porter atteinte au droit de disposer librement de son patrimoine. Elle estime que d’une part, la capacité de la personne malade à consentir une libéralité n’est pas prise en compte et que d’autre part, il devrait être possible d’apporter la preuve de l’absence de vulnérabilité ou de dépendance du patient.
Le Conseil constitutionnel rappelle que, saisi d’une atteinte portée au droit de propriété et non d’une privation de ce droit, il opère son contrôle sur le fondement de l’article 2 de la Déclaration de 1789, en vertu duquel il est loisible au législateur d’apporter aux conditions d’exercice du droit de propriété des personnes privées des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi. Le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions avaient ainsi pour conséquence de limiter la capacité des personnes atteintes d’une telle maladie à disposer librement de leur patrimoine. Il en a déduit qu’elles portaient atteinte au droit de propriété, dont le droit de disposer librement de son patrimoine est un attribut essentiel. Il lui revenait dès lors d’apprécier si cette atteinte était justifiée par un objectif d’intérêt général et si, au regard de l’objectif poursuivi, elle présentait un caractère proportionné.
Sur le premier point, le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions en cause poursuivaient bien un but d’intérêt général. Il a en effet relevé qu’« en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu assurer la protection de personnes dont il a estimé que, compte tenu de leur état de santé, elles étaient placées dans une situation de particulière vulnérabilité vis-à-vis du risque de captation d’une partie de leurs biens par ceux qui leur prodiguaient des soins ».
Sur le second point, le Conseil a constaté, d’une part, que « l’interdiction contestée ne vaut que pour les libéralités consenties pendant le cours de la maladie dont le donateur ou le testateur est décédé ». Il a relevé, d’autre part, qu’« elle ne s’applique qu’aux seuls membres des professions médicales, de la pharmacie et aux auxiliaires médicaux énumérés par le code de la santé publique, à la condition qu’ils aient dispensé des soins en lien avec la maladie dont est décédé le patient ». Ce faisant, il a mis en exergue le fait que le champ d’application de l’interdiction critiquée était strictement limité non seulement dans le temps, mais également au regard des personnes auxquelles elle s’applique et en fonction de la nature des soins prodigués.
Le Conseil constitutionnel en déduit que « l’atteinte au droit de propriété qui résulte des dispositions contestées est justifiée par un objectif d’intérêt général et proportionnée à cet objectif ». Les dispositions du premier alinéa de l’article 909 du code civil ne méconnaissant aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel les a déclarées conformes à la Constitution.