L’infection résultant d’une baisse des défenses immunitaires du patient, causée par une chimiothérapie, revêt un caractère endogène excluant tout caractère nosocomial et par là toute indemnisation. Une surinfection peut être favorisée par des interventions chirurgicales nécessaires, survenues par la suite, tout étant pratiquées dans les règles de l’art. Ainsi, l’aggravation de l’infection revêt aussi un caractère endogène écartant toute responsabilité hospitalière. |
Cour Administrative d'Appel de Paris
N° 05PA04922
Inédit au recueil Lebon
8éme chambre
M. ROTH, président
M. Jean-François TREYSSAC, rapporteur
Mme DESTICOURT, commissaire du gouvernement
RUEFF, avocat
lecture du lundi 8 octobre 2007
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 22 décembre 2005, 18 décembre 2006, 11 juin 2007 et 17 septembre 2007, présentés pour M. Omar X demeurant ..., par Me Rueff ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à la condamnation de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à l'indemniser des graves préjudices subis suite à la contamination infectieuse dont il a été victime lors d'interventions chirurgicales à l'hôpital Tenon ;
2°) de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui verser les sommes de 66 604, 54 euros et de 226 670 euros en réparation, respectivement, des préjudices économiques et des préjudices personnels, ainsi qu'une rente viagère, indexée semestriellement sur l'évolution du SMIC et destinée à couvrir le coût d'emploi d'une aide ménagère six heures par semaine ;
3°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la CPAM du Val-de-Marne et à la mutuelle complémentaire du personnel de la ville de Paris, de l'Assistance publique et des administrations annexes ;
5°) subsidiairement, d'ordonner un complément d'expertise avec mission de déterminer le devenir de chacun des types d'infection dont il a été victime, leurs conséquences et leur part dans l'amputation de sa jambe ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 2007 :
- le rapport de M. Treyssac, rapporteur,
- les observations de Me Cousin substituant Me Rueff pour M. X et celles de Me Tsouderos pour l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris,
- et les conclusions de Mme Desticourt, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a subi une exérèse non carcinologique d'une tumeur maligne de la cuisse droite qui a dû être complétée le 20 avril 2000 à l'hôpital Tenon compte tenu de sa haute malignité ; qu'à la suite de cette intervention, il a suivi deux cures de chimiothérapie dans ce même hôpital Tenon le 22 mai et le 19 juin 2000 ; que le 26 juin 2000, à la suite d'un choc septique, M. X a été admis en urgence au sein du service de réanimation chirurgicale de cet hôpital où il a été opéré le jour même alors qu'il présentait un syndrome infectieux avec hyperthermie et une collection palpable sous la cicatrice de la cuisse ; que les résultats des prélèvements bactériologiques effectués au cours de cette intervention ont permis de mettre en évidence un Eschiria Coli et un Candida ; qu'une antibiothérapie était alors immédiatement prescrite ; qu'au cours des huit semaines suivantes M. X a dû subir huit interventions afin de refaire les pansements et d'exciser la nécrose qui s'étendait ; que d'autres germes apparaissant, M. X a subi le 23 août 2000 une amputation de la jambe droite ;
Sur le moyen tiré de l'omission à statuer :
Considérant que M. X soutient que les juges de première instance n'ont pas examiné le moyen tiré de l'origine de la seconde surinfection dont il a été victime en juillet et août 2000 en contractant à l'hôpital Tenon des germes Eschiria Coli et Candida puis des stephylocoques dorés multirésistants et des pseudonomas aeruginova ; que le tribunal a effectivement omis de se prononcer sur ledit moyen ; qu'il s'ensuit que le jugement attaqué doit être annulé pour omission à statuer ;
Sur la responsabilité de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris :
Considérant en premier lieu qu'il ressort de l'instruction et des pièces du dossier, notamment du rapport d'expertise, que la première infection dont a été victime M. X s'est déclarée soixante-trois jours après l'intervention du 20 avril 2000, alors que, M. X avait subi préalablement deux interventions, les 24 et 20 avril 2000 ; que lors de sa réhospitalisation le 25 juin 2000, l'infection brutale dont a été victime M. X qui était resté apyretique jusqu'au 24 juin 2000, a revêtu le caractère d'un choc septique ; que les deux germes isolés lors de cette réhospitalisation l'Escherica Coli et le Candida sont, ainsi que le souligne l'expert, des hôtes fréquents du tractus digestif qui, du fait de la faiblesse des défenses immunologiques du patient, ont pu franchir la barrière intestinale et se fixer sur l'hématome de la cuisse ; qu'il s'ensuit que cette infection résulte d'une baisse des défenses immunitaires du patient et revêt un caractère endogène excluant tout caractère nosocomial ;
Considérant en deuxième lieu que c'est seulement à compter du 4 juillet 2000 que sont apparu des staphylocoques dorés, à compter du 19 juillet 2000 des staphylocoques épidermis et à compter du 29 juillet 2000 des pseudonomas aeruginova ; que du fait de l'aplasie due à la chimiothérapie qui a duré jusqu'au 1er juillet 2000, des nécroses tissulaires extensives ont nécessité des interventions qui ont été pratiquées dans les règles de l'art, favorisant la surinfection subie par M. X ; que les germes dont était porteur le patient, ainsi qu'il a été établi, étaient propres à M. X et n'avaient pas d'origine hospitalière ;
Considérant qu'il suit de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de prescrire une contre-expertise, que la surinfection subie par M. X revêt un caractère endogène et a été aggravée par une aplasie médullaire résultant de la chimiothérapie subie ; que M. X n'est en conséquence pas fondé à soutenir que la responsabilité de l'AP-HP doit être mise en cause tant au niveau de l'infection initiale décelée le 25 juin 2000, que de la surinfection survenue dix jours plus tard ;
Sur les conclusions à fins indemnitaires :
Considérant que dans la mesure où la responsabilité de l'AP-HP n'est pas établie, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par M. X, tendant à la condamnation de l'intimée à lui verser les sommes qu'il réclame au titre des différents préjudices qu'il prétend avoir subis ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X doivent dès lors être rejetées ; qu'il y a, par ailleurs, lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par l'AP-HP sur le même fondement ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 4 novembre 2005 est annulé.
Article 2 : La requête de M. X est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.