La commune Z. a lancé un appel d'offres ouvert pour la passation d'un marché public à bons de commandes comportant un lot n° 36 « Fournitures de flexibles, raccords, tuyauterie hydraulique pour tous types de véhicules, engins et remorques de la mairie Z. ». La société X. a soumissionné pour ce lot. Son offre a été écartée comme irrégulière par la commission d'appel d'offres réunie le 30 juin 2010. Lors de la réunion suivante du 7 juillet 2010, la même commission a retenu l'une des trois autres entreprises soumissionnaires. Par courrier du délégué pour les marchés publics en date du 15 juillet 2010, la société X. a été informée du rejet de son offre par la commission d'appel d'offres et de l'attribution du marché à la société Y.. La société X. a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de la commission d'appel d'offres rejetant son offre et, à titre subsidiaire, la condamnation de la commune Z. à lui verser la somme de 31 140 euros. La société X. a relevé appel du jugement en date du 13 juin 2012 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande. La requête de la société X. a été rejetée sur le fondement de l’articulation du recours pour excès de pouvoir et du recours « Tropic ». En effet, le marché pour lequel la société requérante a soumissionné a été conclu par la commune Z. et la société Y. le 5 août 2010. Quelles que soient les indications relatives aux voies et délais de recours figurant dans le courrier du délégué pour les marchés publics en date du 15 juillet 2010 notifiant à la société X. le rejet de son offre, la demande présentée par cette dernière au tribunal administratif le 13 septembre 2010, postérieurement à la signature du marché, était irrecevable en tant qu'elle tendait à l'annulation pour excès de pouvoir de ce rejet, détachable du marché. |
CAA Bordeaux, 25 février 2014, req. n° 12BX02145
Vu la requête enregistrée le 9 août 2012 présentée pour la société X. dont le siège social est situé … par Me de Sermet, avocat ;
La société X. demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003391 du 13 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande, à titre principal, d'annulation de la décision notifiée le 15 juillet 2010 par laquelle la commission d'appel d'offres de la ville Z. a rejeté l'offre qu'elle avait présentée en vue de l'attribution du lot n° 36 d'un marché public de fourniture de pièces détachées pour véhicules et sa demande subsidiaire de condamnation de cette même commune à lui verser la somme de 35 140 euros, ramenée à 31 140 euros, en réparation du préjudice subi du fait du rejet illégal de son offre ;
2°) d'annuler la décision de la commission d'appel d'offres précitée ;
3°) de condamner la commune Z. à lui verser la somme de 31 140 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du rejet illégal de son offre ;
4°) de mettre à la charge de la commune Z. la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2014 :
- le rapport de M. Jean-Pierre Valeins, président assesseur ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
- les observations de Me Vidaling, avocat de la société X. ;
- les observations de Me Borderie, avocat de la commune Z. ;
1. Considérant que la commune Z. a lancé un appel d'offres ouvert pour la passation d'un marché public à bons de commandes comportant un lot n° 36 " Fournitures de flexibles, raccords, tuyauterie hydraulique pour tous types de véhicules, engins et remorques de la mairie Z. " ; que la société X. a soumissionné pour ce lot ; que son offre a été écartée comme irrégulière par la commission d'appel d'offres réunie le 30 juin 2010 ; que lors de la réunion suivante du 7 juillet 2010, la même commission a retenu l'une des trois autres entreprises soumissionnaires ; que par courrier du délégué pour les marchés publics en date du 15 juillet 2010, la société X. a été informée du rejet de son offre par la commission d'appel d'offres et de l'attribution du marché à la société Y. ; que la société X. a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de la commission d'appel d'offres rejetant son offre et à titre subsidiaire la condamnation de la commune Z. à lui verser la somme de 31 140 euros ; que la société X. relève appel du jugement en date du 13 juin 2012 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
2. Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; qu'à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu'il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n'est, en revanche, plus recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables ;
3. Considérant que, ainsi saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission d'appel d'offres :
4. Considérant que le marché pour lequel la société requérante a soumissionné a été conclu par la commune Z. et la société Y. le 5 août 2010 ; que, quelles que soient les indications relatives aux voies et délais de recours figurant dans le courrier du délégué pour les marchés publics en date du 15 juillet 2010 notifiant à la société X. le rejet de son offre, la demande présentée par cette dernière au tribunal administratif le 13 septembre 2010, postérieurement à la signature du marché, était, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, irrecevable en tant qu'elle tendait à l'annulation pour excès de pouvoir de ce rejet, détachable du marché ; que ce faisant, le tribunal administratif n'a pas pour autant privé la requérante de tout recours dès lors qu'il a examiné par ailleurs la légalité de la décision de la commission d'appel d'offres à fin de se prononcer sur le bien-fondé des conclusions indemnitaires présentées par la requérante ;
Sur les conclusions indemnitaires :
5. Considérant qu'aux termes des dispositions du 1° du I de l'article 35 du code des marchés publics en vigueur : " (...) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation (...) " ; que le III de l'article 53 du même code dispose que : " Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées (...) " ;
6. Considérant que lors de sa réunion du 30 juin 2010, la commission d'appel d'offres de la commune Z. a écarté l'offre de la société X. comme étant irrégulière au motif suivant : " Manquent les tarifs publics Normydro et Vitillo " ; que, par courrier du 15 juillet 2010, il a été précisé à cette entreprise par le délégué pour les marchés publics de la commune que son offre " ne contenant pas de tarif public Normydro et Vitillo, conformément à l'article 5.3 du règlement de consultation ", elle a été estimée irrégulière et écartée pour ce motif par la commission d'appel d'offres ; que par lettre en date du 9 août 2010, l'adjoint au maire de Z. précisait de nouveau à la société requérante que son offre avait été jugée irrégulière par la commission d'appel d'offres " au regard de l'article 5.3 du règlement de consultation. En effet, les catalogues de prix annexés à votre dossier de réponse ne font pas référence aux marques mentionnées dans la fiche de simulation. De ce fait, mes services ont dû constater l'absence des catalogues publics demandés " ;
7. Considérant qu'en vertu du point 3 de la section V du règlement de consultation, l'entreprise soumissionnaire devait fournir, notamment, le catalogue et ou le tarif de ses pièces détachées ainsi que le cahier des clauses techniques particulières comprenant une fiche de simulation permettant à la collectivité de comparer les propositions de prix des entreprises sur un échantillon de fournitures limité ; que selon cette fiche de simulation, le soumissionnaire devait indiquer, pour chacun des dix types de flexibles ou tuyaux figurant sur cette fiche, la désignation du constructeur ou de la marque proposée, la référence du constructeur proposée, le prix public de la marque ou du constructeur, le pourcentage de remise effectué par le soumissionnaire sur ce prix, le prix unitaire remisé, le montant remisé hors taxes pour deux unités ainsi que le montant total toutes taxes comprises des flexibles et tuyaux ; que la fiche de simulation renseignée par la requérante, si elle précisait le constructeur ou la marque proposée pour chaque fourniture, n'indiquait pas le prix public pour huit des dix des fournitures énumérées par la commune ; qu'aucun catalogue du constructeur ou de la marque proposée dans la fiche de simulation où le prix public aurait été indiqué n'accompagnait la fiche de simulation ; que ce prix public ne figurait pas non plus dans la liste des fournitures proposées par le soumissionnaire ; que, dans ces conditions, l'offre de la société X. qui du fait du caractère incomplet des renseignements figurant sur sa fiche de simulation, méconnaissait les exigences figurant au point 3 de la section V du règlement de consultation, était irrégulière au sens des dispositions précitées du 1° du I de l'article 35 du code des marchés publics et devait donc être éliminée ainsi que le prévoient les dispositions du III de l'article 53 de ce même code ; qu'en écartant l'offre de la requérante comme irrégulière sans procéder ensuite à l'application des critères d'attribution du marché et sans comparer l'offre de la requérante aux offres régulières des sociétés concurrentes, la commission d'appel d'offres n'a pas entaché d'illégalité la procédure de dévolution du marché en cause ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société X. n'ayant pas été illégalement évincée du marché en cause, elle ne peut obtenir ni la condamnation de la commune Z. à lui verser une indemnité en réparation du dommage qui lui aurait été causé du fait de cette éviction, ni, dans le cas où elle entendrait présenter de telles conclusions, l'annulation ou la résiliation du marché ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société X. n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune Z., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la société X. et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société X. une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune Z. et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : La requête de la société X. est rejetée.
Article 2 : La société X. versera à la commune Z. la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.