Le président d’une chambre disciplinaire de première instance a rejeté la plainte de deux médecins au motif que le conseil départemental n’avait pas organisé, dans le délai d’un mois, la conciliation prévue par l’article L. 4123-2 du Code de la santé publique. Or, la chambre disciplinaire nationale du Conseil national de l’ordre des médecins considère que le défaut d’organisation par le conseil départemental d’une conciliation est sans incidence sur le recevabilité de la plainte. Elle annule l’ordonnance du président de la chambre disciplinaire de première instance et renvoie l’affaire.
CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES MEDECINS
180 boulevard Haussmann – 75008 PARIS
N° 10136
Conseil national de l'Ordre des médecins c/Dr Patrick B
Audience du 26 février 2009
Décision rendue publique par affichage le 3 avril 2009
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE,
Vu, enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale le 28 octobre 2008, la requête présentée par le conseil national de l'Ordre des médecins représenté par son président en exercice à ce dûment habilité par une délibération du conseil national, en date du 23 octobre 2008, et tendant à l’annulation de l’ordonnance n° 08/88 du 30 septembre 2008 par laquelle le président de la chambre disciplinaire de première instance du Limousin a rejeté comme non recevable la plainte des Drs Marie-Josée et Bernadette P contre le Dr Patrick B ;
Le Conseil national soutient que l’absence de tentative de conciliation par le conseil départemental ne rendait pas la plainte irrecevable ; que, d’ailleurs, les plaignantes avaient, par téléphone, refusé toute conciliation ; que l’affaire doit être renvoyée à la chambre disciplinaire de première instance pour être jugée au fond ;
Vu l’ordonnance attaquée ;
Vu, enregistré comme ci-dessus, le 7 novembre 2008, le mémoire présenté par le conseil départemental de la Corrèze ; le conseil départemental soutient que la conciliation n’a pas eu lieu du fait de refus du Dr Marie-Josée P ;
Vu, enregistré comme ci-dessus, le 16 janvier 2009, le mémoire en défense présenté pour le Dr Patrick B, qualifié en médecine générale ;
Le Dr B déclare, à titre principal, s’en remettre à la sagesse de la chambre disciplinaire nationale sur la question de la recevabilité de la plainte, étant observé qu’il n’a pas été mis à même de se défendre sur les faits qui lui étaient reprochés ; que, subsidiairement, il conclut au rejet de la plainte des Drs P ; qu il soutient que les soins qu’il a prodigués le 27 février 2008 au père des plaignantes, victime d’un accident vasculaire cérébral, ont été diligents et appropriés ; que le transfert du patient au CHU de Limoges n’était pas justifié par son état ; qu’aucun manquement déontologique n’a été commis ;
Vu enregistrés, comme ci-dessus, les 16 décembre 2008 et 20 février 2009, les mémoires présentés par et pour les Dr Bernadette et Marie-Josée P ;
Les Dr P concluent à l’annulation de l’ordonnance, au renvoi de l’affaire devant la chambre disciplinaire de première instance du Limousin et, subsidiairement, à la condamnation du Dr B ; elles soutiennent que le défaut de conciliation par le conseil départemental ne rend pas la plainte irrecevable ; qu’au fond, les conditions d’intervention du Dr B révèlent une précipitation dans l’établissement du diagnostic et une négligence dans le suivi du patient, lors de son admission au centre hospitalier de Brive ; qu’il était impératif de faire transporter le malade au CHU de Limoges, équipé pour le traitement des accidents vasculaires cérébraux ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code de la santé publique, notamment son article L. 4123-2 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 26 février 2009 :
- Le rapport du Dr Calloc’h ;
- Les observations de Me Drouineau pour les Drs P et le Dr Bernadette P en ses explications ;
- Les observations de Me Burgot pour le Dr B, absent ;
Me Burgot ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;
APRES EN AVOIR DELIBERE,
Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 4123-2 du code de la santé publique : « Lorsqu'une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l'auteur, en informe le médecin, mis en cause et les convoque dans un délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte en vue d'une conciliation. En cas d'échec de celle-ci, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec l'avis motivé du conseil dans un délai de trois mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte, en s'y associant le cas échéant. » ; que si ces dispositions font, en principe, obligation au conseil départemental, saisi d’une plainte, d’organiser une conciliation entre son auteur et le médecin mis en cause, leur inobservation, dans le cas où le conseil départemental saisi d’une plainte la transmet à la chambre disciplinaire de première instance sans avoir au préalable tenté une conciliation, est sans incidence sur la recevabilité de la plainte ;
Considérant que, pour rejeter comme non recevable par l’ordonnance attaquée la plainte des Drs P contre le Dr B, le président de la chambre disciplinaire de première instance du Limousin s’est fondé sur la circonstance que la transmission de cette plainte à la chambre disciplinaire de première instance par le conseil départemental de la Corrèze qui ne s’y était pas associé n’avait pas été précédée, dans le délai d’un mois, de la conciliation prévue par l’article L. 4123-2 précité du code de la santé publique ; que le défaut d’organisation par le conseil départemental d’une conciliation étant, ainsi qu’il a été dit, sans incidence sur la recevabilité de la plainte, il y a lieu d’annuler l’ordonnance attaquée et, l’affaire n’étant pas en état, de la renvoyer devant la chambre disciplinaire de première instance du Limousin ;
PAR CES MOTIFS,
DECIDE
Article 1 : L’ordonnance n° 08/88 du 30 septembre 2008 du président de la chambre disciplinaire de première instance du Limousin est annulée.
Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la chambre disciplinaire de première instance du Limousin.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Dr Patrick B, au Conseil national de l'Ordre des médecins, au Dr Bernadette P, au Dr Marie-Josée P, au conseil départemental de la Corrèze, à la chambre disciplinaire de première instance du Limousin, au préfet de la Corrèze (DDASS), au préfet du Limousin (DRASS), au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Brive-La-Gaillarde, au ministre chargé de la santé.
Ainsi fait et délibéré par Mme Aubin, président de section au Conseil d’Etat, président ; MM. Blanc, Brouchet, Calloc’h, Munier, membres.
Le président de section au Conseil d'Etat,
président de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins
Marie-Eve Aubin
Le greffier en chef
Isabelle Levard