La ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées à Mesdames et Messieurs les préfets de département (directions départementales des affaires sanitaires et sociales [pour exécution]) ; Mesdames et Messieurs les préfets de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales [pour information])
Date d'application : dès publication.
Référence : circulaire du 10 janvier 2001.
Annexes : protocole signé à Béziers et à Mâcon.
La loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs a introduit des dispositions visant à tenir compte de la situation et des besoins particuliers des mineurs victimes.
Ainsi ont été généralisés l'expertise médico-psychologique, l'enregistrement audiovisuel des déclarations de l'enfant, son accompagnement par un tiers pendant l'audition, la désignation d'un administrateur ad hoc en cas d'opposition d'intérêt entre le mineur et l'un de ses représentants légaux.
Cet ensemble de mesures tend à garantir que le recueil de la parole de l'enfant s'effectue dans des conditions adaptées à sa particulière vulnérabilité et que la procédure judiciaire n'inflige pas à l'enfant blessé un traumatisme supplémentaire.
L'évolution des pratiques, l'équipement des locaux des commissariats, des gendarmeries et des tribunaux ont permis une évolution positive, qui peut pourtant encore être améliorée.
En effet, un certain nombre de sites, comme Besançon, Saint-Nazaire, Béziers ou Mâcon, ont initié des pratiques innovantes en prévoyant l'accueil de l'enfant victime au sein même de l'hôpital, lieu protecteur et rassurant, où sont effectués les différents actes judiciaires et où les soins nécessaires peuvent être prodigués.
Cette prise en charge globale suppose l'implication active des services intervenant dans la procédure judiciaire, mais aussi celle des différents acteurs de la protection de l'enfance.
Dans le cadre du groupe de coordination départemental de protection de l'enfance que vous avez mis en place, je vous demande de préparer l'élaboration d'un protocole, en concertation avec les services de l'Etat concernés, le procureur de la République et les magistrats de la jeunesse, pour organiser l'accueil des mineurs victimes d'agressions sexuelles et de maltraitance au sein d'un service de l'hôpital. Il n'y aurait que des avantages à associer à ce dispositif le président du conseil général.
Pour soutenir la signature de ces conventions et participer au financement initial de ces actions, le ministère a dégagé une enveloppe spécifique de crédits d'un montant de 250 000 euros en 2002 destinée aux porteurs de projets.
Je vous invite donc à saisir l'administration centrale (direction générale de l'action sociale, bureau enfance et famille) pour proposer une action dans ce domaine. Chaque convention peut bénéficier d'une subvention dans la limite de 10 000 euros.
Les crédits correspondants vous seront délégués après validation du projet.
Vous trouverez ci-joint, à titre d'exemple, les protocoles signés à Béziers et à Mâcon.
Vous voudrez bien me rendre compte de l'application de cette circulaire (sous le timbre direction générale de l'action sociale, bureau enfance et famille).
Ségolène Royal
Préambule
Si toutes les victimes d'infractions pénales doivent bénéficier d'une prise en charge de la part de l'institution judiciaire, certaines catégories d'entre elles méritent une attention particulière en raison de la faiblesse de leurs moyens de défense ou de leur vulnérabilité due à plusieurs facteurs tels que : fragilité physique, psychologique ou psychique, fragilité du statut social ou juridique.
Tel est le cas des enfants victimes de violences ou d'abus sexuels.
En effet, les mineurs constituent une population fragile, dépendante, désarmée devant les agressions qu'ils peuvent subir de la part d'adultes, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la sphère familiale.
Cette fragilité en fait des cibles privilégiées pour les auteurs d'infractions à caractère sexuel et ceci est d'autant plus grave que les traumatismes subis dans l'enfance peuvent non seulement compromettre la santé immédiate de l'enfant mais encore avoir des répercussions importantes sur son avenir psychologique, affectif et sur son devenir relationnel et social.
La nécessité d'un traitement judiciaire particulier des mineurs victimes de violences ou d'abus sexuels s'impose désormais à tous les professionnels.
1. Il est important d'éviter à l'enfant victime d'abus sexuels des traumatismes psychiques répétés liés à la multiplication d'auditions à toutes les phases de la procédure pénale au delà de ce qui est strictement nécessaire à la manifestation de la vérité.
2. Il convient de faciliter l'expression de cet enfant qui s'exprime parfois à l'aide d'éléments non verbalisés. A cet égard, le recours à un protocole d'audition spécifique faisant intervenir aux côtés de l'enquêteur, un professionnel de l'enfance, peut y contribuer.
3. L'enfant victime d'une infraction à caractère sexuel est un enfant souffrant avant d'être un enfant plaignant et il y a lieu de lui apporter une prise en charge interdisciplinaire et notamment médicale, psychologique et sociale dans un lieu qui puisse lui assurer une protection et un soin effectif.
4. Ce protocole fait appel au caractère complémentaire des compétences des professionnels concernés et permet de conjuguer la prise en compte de la souffrance de l'enfant et les besoins spécifiques de l'enquête et de l'instruction.
Les parties signataires :
- le président du tribunal de grande instance de Béziers ;
- le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Béziers ;
- le président du conseil général de l'Hérault ;
- le directeur du centre hospitalier de Béziers ;
- le directeur départemental de la sécurité publique de l'Hérault ;
- le commandant du groupement de gendarmerie de l'Hérault ;
- l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale de l'Hérault ;
- le président de l'association d'aide aux victimes ;
- le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Béziers.
Les critères permettant le recours à la prise en charge spécifique du mineur :
- mineurs de 18 ans ;
- victime de viol, agression sexuelle, atteinte sexuelle, corruption de mineur ou pornographie enfantine ;
- faits perpétrés en tout ou partie de manière récente ou faits dont la révélation entraîne un traumatisme chez la victime ;
- faits commis en tout ou partie dans le ressort judiciaire du tribunal de grande instance de Béziers ou mineur ayant son domicile dans ce ressort ;
- il n'y a pas lieu de tenir compte de la qualité de l'auteur.
Conditions
1. L'accueil des enfants se réalisera à l'intérieur d'une structure d'accueil spécialisée, en l'occurrence le service de pédiatrie de l'hôpital de Béziers ;
2. Cette structure permettra de conjuguer la prise en compte de la souffrance de l'enfant et les besoins de l'enquête ou de l'information judiciaire ;
3. Conformément à l'article 706-53 du code de procédure pénale, l'audition ou la confrontation du mineur victime, sera réalisée sur décision du procureur de la République ou du juge d'instruction, le cas échéant à la demande du mineur ou de son représentant légal, en présence d'un psychologue ou d'un médecin spécialiste de l'enfance ou d'un membre de la famille du mineur ou d'un administrateur ad hoc ou d'une personne chargée d'un mandat du juge des enfants ;
4. Un véritable partenariat institutionnel fondé sur la complémentarité des divers professionnels concernés sera mis en place. Une formation spécifique sera assurée aux divers intervenants, notamment sur le plan local ;
5. Ces pratiques seront développées dans le respect tant des libertés individuelles de chacun et notamment du mineur, de ses représentants légaux et des différents intervenants dans le cadre de la procédure pénale, que des droits de la défense. C'est ainsi que l'audition filmée ou sonore du mineur, prévue par l'article 706-52 du code de procédure pénale, ne pourra avoir lieu que dans le strict respect des dispositions légales et avec le consentement du mineur ou, s'il n'est pas en état de le donner, celui de son représentant légal, étant précisé que le procureur de la République ou le juge d'instruction pourra toujours décider de ne pas procéder à un tel enregistrement.
Capacités d'accueil de la structure :
Le centre hospitalier de Béziers s'engage à s'organiser de manière à ce que son service de pédiatrie puisse recevoir, chaque jour, 24 heures sur 24, les mineurs victimes d'infractions à caractère sexuel.
Modalités de la saisine :
Le mineur victime est orienté ou conduit vers le service de pédiatrie de l'hôpital de Béziers notamment par sa famille, l'éducation nationale, les services de la solidarité départementale, un médecin de ville, l'association d'aide aux victimes « ADIAV », les services de police ou de gendarmerie, le parquet.
La décision d'hospitalisation du trimeur victime est toujours prise par le centre hospitalier.
Dans l'hypothèse où le mineur victime doit faire l'objet d'une ordonnance de placement provisoire, notamment pour être protégé de son milieu familial, le représentant officiel de l'hôpital alerte, sans délai, le magistrat de permanence du parquet qui prend sa décision en urgence.
La durée de l'hospitalisation du mineur victime est appréciée par le centre hospitalier.
En cas de nécessité, le procureur de la République ouvre une procédure d'assistance éducative devant le juge des enfants.
Toutes les mesures de protection nécessaires à la santé, la sécurité, la moralité et l'éducation du mineur victime sont prises dans le cadre de cette procédure.
Dans le cadre de cette hospitalisation, il est procédé :
- à un bilan médical, psychologique, psychiatrique, social et scolaire du mineur victime ;
- aux examens ou expertises médico-légale, psychologique et psychiatrique du mineur victime ordonnés par le procureur de la République ou le juge d'instruction ;
- aux auditions ou confrontations du mineur victime par l'enquêteur en présence d'un psychologue ou d'un médecin spécialistes de l'enfance ou d'un membre de la famille du mineur ou d'un administrateur ad hoc ou d'une personne chargée d'un mandat du juge des enfants conformément à la décision du procureur de la République ou du juge d'instruction ;
- aux auditions filmées ou sonores du mineur victime avec le consentement de l'intéressé ou, s'il n'est pas en mesure de le donner, celui de son représentant légal.
La famille du mineur est étroitement associée à la prise en charge du mineur et précisément informée de ses modalités et finalités.
Le centre hospitalier de Béziers s'engage à s'organiser de manière à ce que son service de pédiatrie puisse recevoir, chaque jour, 24 heures sur 24, les mineurs victimes d'infractions à caractère sexuel, procéder aux bilans, examens et expertises sur les plans médico-légal, psychologique, psychiatrique, social et scolaire et permettre les auditions et confrontations dans les conditions prévues par les articles 706-52 et 706-53 du code de procédure pénale ;
- l'éducation nationale, le département de l'Hérault ;
- direction de la solidarité départementale, l'association d'aide aux victimes « ADIAV », les services de police et de gendarmerie, le Parquet, s'engagent à orienter, conduire ou faire conduire vers le service de pédiatrie de l'hôpital de Béziers les mineurs victimes d'infractions à caractère sexuel ;
- l'association d'aide aux victimes « ADIAV » s'engage à prendre toutes les dispositions d'organisation susceptibles de faciliter la défense des intérêts des mineurs victimes d'infractions à caractère sexuel, notamment par une prise de contact avec ces mineurs et leur famille dans les locaux de l'hôpital de Béziers ;
- l'éducation nationale, représentée au service de pédiatrie de l'hôpital de Béziers par un enseignant, s'engage à assurer le bilan scolaire ainsi que le soutien scolaire des mineurs victimes d'infractions à caractère sexuel admis dans ce service de pédiatrie ;
- le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Béziers, s'engage, dans le cadre des permanences de son barreau, à mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour faciliter la prise en charge sans délai de la défense juridique et judiciaire des mineurs victimes d'infractions à caractère sexuel.
Un comité de pilotage des représentants des organismes signataires sera constitué. Cette instance s'attachera à l'élaboration et à la mise en oeuvre des procédures puis à leur évaluation.
Ce comité se réunira tous les trois mois.
La présente convention est signée pour une durée d'une année.
Fait à Béziers, le 20 janvier 1999.
Le président du tribunal de grande instance de Béziers, P. d'Herve
Le président du conseil général de l'Hérault, A. Vezinhet
Le procureur de la République, près le tribunal de grande instance de Béziers, R. Morey
Le directeur du centre hospitalier de Béziers, S. Vilalta
Le directeur départemental de la sécurité publique de l'Hérault, R. Kuhn
Le lieutenant-colonel commandant le groupement de la gendarmerie de l'Hérault, B. Host
L'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale de l'Hérault, G. Coissard
Le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Béziers, D. Freset
La présidente de l'association d'aide aux victimes « ADIAV », A. d'Hauteville
Pour le président Mario Bettati : M. Brousse
Madame le garde des sceaux, ministre de la justice, Elisabeth Guigou
Ce protocole a été signé en présence de C. Bouquet
Pour l'association « La voix de l'enfant »
Convention relative au fonctionnement d'une unité d'accueil médico-judiciaire pour les mineurs victimes d'abus sexuels et de violences
Entre :
Le Ministère de la Justice, représenté par Monsieur le procureur de la République prés le Tribunal de Grande Instance de Mâcon,
Le centre hospitalier de Mâcon, représenté par son directeur,
La Voix de l'Enfant, représentée par sa directrice,
La caisse primaire d'assurance maladie de Saône-et-Loire, représentée par son directeur.
Article 1er
Dans le cadre de la réglementation applicable, il est mis en oeuvre, au sein du service d'accueil et de traitement des urgences du centre hospitalier de Mâcon, une unité d'accueil médico-judiciaire pour les mineurs victimes d'abus sexuels et de violences.
Cette unité est placée sous la responsabilité du chef de service des urgences.
Article 2
L'unité d'accueil a pour missions, sur réquisitions du parquet, d'assurer l'accueil des enfants et d'organiser les auditions, dans les conditions prévues par la loi, avec les professionnels désignés par le procureur de la République.
Article 3
Si des examens médicaux ou des soins sont nécessaires, le procureur prévient le service des urgences qui organise l'accueil de l'enfant, grâce à des protocoles préétablis et validés par les signataires de la convention.
Information de l'enfant et de sa famille du déroulement des examens médicaux, des soins et de la procédure judiciaire ;
Accompagnement de l'enfant par un(e) infirmier(e) lors de toutes les phases médicalisées (surveillant(e) ou infirmier(e) expérimenté(e) et formé(e) à ce type de prise en charge).
Si un examen gynécologique est nécessaire, une des salles d'examens du service d'accueil et de traitement des urgences est prévue pour ce faire. Pour un examen général, un pédiatre peut être appelé.
Hors l'examen médical somatique, il peut être prévu un entretien avec un psychologue ou psychiatre, pour mettre en confiance l'enfant et faciliter son expression verbale.
Article 4
Une décision d'hospitalisation du mineur victime peut être prise soit par le centre hospitalier en accord avec le représentant légal, ou par le Parquet par ordonnance provisoire de placement en cas de désaccord du représentant légal, si l'intérêt de l'enfant l'exige.
Article 5
Le centre hospitalier de Mâcon s'engage à s'organiser de manière à ce que le service d'accueil et de traitement des urgences puisse recevoir, chaque jour, 24 heures sur 24, les mineurs victimes d'infractions à caractère sexuel ou de violences, procéder aux bilans, examens et expertises sur les plans médico-légal, psychologique, psychiatrique, social et permettre les auditions dans les conditions prévues par la loi.
Article 6
Un comité de coordination des représentants des organismes signataires sera constitué. Cette instance s'attachera à l'élaboration et à la mise en oeuvre des procédures puis à leur évaluation.
Ce comité se réunira au terme de 6 mois la première année de fonctionnement. Une évaluation sera effectuée ensuite chaque année.
Article 7
L'unité d'accueil médico-judiciaire, dont la réalisation a été initiée par la Voix de l'Enfant, fonctionnera grâce à des crédits spécifiques qui seront alloués à l'hôpital par des financeurs extérieurs dont font partie notamment la Caisse primaire d'assurance-maladie et la Voix de l'Enfant.
Article 8
La présente convention est signée pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction. Elle pourra faire l'objet d'avenants sur proposition du comité de coordination.
Fait à Paris le, 4 février 2002
Le directeur du centre hospitalier de Mâcon, M. Bernard
Le procureur de la République, M. Coste
L'inspecteur d'académie, M. Lardy
Le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de Saône-et-Loire, M. Carré
Le commandant du groupement de gendarmerie de Saône-et-Loire, Lieutenant-Colonel Geraud
Le directeur départemental des polices urbaines, M. Bernard
Ce protocole a été signé en présence de :
Le président de la voix de l'enfant, Docteur Aiguesvives
La directrice de la voix de l'enfant, Mme Brousse
Mme la ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, S. Royal