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Circulaire CRIM 99-16/F1 du 31 décembre 1999 : présentation générale de la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale.

La loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale représente le premier volet de la réforme de la justice pénale élaborée par le Gouvernement, dont les deux autres volets sont constitués par le projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes et le projet de loi relatif à l'action publique, qui sont actuellement en cours de discussion devant le Parlement.

Les modifications introduites par la nouvelle loi poursuivent un double objectif de simplification et d'amélioration à différentes phases de la procédure pénale. Ces dispositions sont regroupées dans cinq chapitres, respectivement consacrés aux alternatives aux poursuites et à la composition pénale (I), à la compétence du juge unique en matière correctionnelle (II), au jugement des contraventions (III), au déroulement des procédures pénales (IV) et à l'entraide judiciaire internationale (V). La présente circulaire a pour objet de commenter ces dispositions, à l'exception de celles du chapitre V sur l'entraide pénale internationale qui seront présentées dans une circulaire spécifique (1). La présentation des dispositions du chapitre Ier sur les alternatives aux poursuites et la composition pénale et de celles de l'article 28 conférant à certains agents des douanes des attributions de police judiciaire sera pas ailleurs complétée par des circulaires qui suivront la parution des décrets d'application actuellement en cours d'élaboration.

(1) Les dispositions de l'article 29, relatif aux 'emplois-jeunes', et 31, modifiant la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, qui ne relèvent pas de la procédure pénale, ne sont pas non plus commentées par la présente circulaire.

1. Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites et à la composition pénale

Le chapitre premier de la loi est l'aboutissement d'une évolution et d'une réflexion longuement mûrie sur la diversification du traitement des infractions par le recours aux alternatives aux poursuites, qui constituent une troisième voie entre les poursuites et le classement sans suite.

Les articles 41-1 à 41-3 du code de procédure pénale résultant de l'article 1er de la loi (l'ancien art. 41-1, par ailleurs modifié, cf. infra n° 2-2-3-1, devenant l'art. 41-4) consacrent la diversification des mesures traditionnelles d'alternatives aux poursuites et instituent la nouvelle procédure de composition pénale.

1.1. Diversification des mesures alternatives aux poursuites

Depuis de nombreuses années, des alternatives aux poursuites ont été élaborées par les magistrats du ministère public pour répondre au développement de la petite délinquance, et notamment de la délinquance qualifiée d'urbaine.

C'est l'origine de la médiation pénale, introduite dans l'article 41 du code de procédure pénale par la loi du 4 janvier 1993. La consécration législative de la médiation pénale a eu pour effet direct un important développement des mesures prononcées à partir de 1993 (22 187 en 1993, 27 214 en 1994, 33 648 en 1995, 38 918 en 1996, 48 145 en 1997 et 55 810 en 1998).

D'autres mesures, déjà mises en oeuvre par les parquets et qui ont démontré leur efficacité, apparaissaient devoir faire l'objet d'une reconnaissance dans les textes.

Ainsi, le nouvel article 41-1 du code de procédure pénale précise que, s'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de son auteur, le procureur de la République peut non seulement recourir à une médiation, désormais prévue par le 5° de cet article (1), mais également :

(1) Le dernier alinéa de l'article 41 est donc supprimé par coordination par l'article 2 de la loi.

1. Procéder auprès de l'auteur des faits à un rappel de la loi ;

2. L'orienter vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle ;

3. Obtenir de lui une régularisation de sa situation ;

4. Lui faire réparer le dommage résultant des faits.

L'article 41-1 précise que le recours à ces différentes mesures suspend la prescription de l'action publique.

Il prévoit également que le procureur de la République pourra recourir à ces mesures 'directement ou par délégation', ce qui renvoie à l'institution des délégués du procureur, auxquels les parquets ont de plus en plus fréquemment recours, bien qu'ils ne soient pour l'instant prévus par aucun texte (leur situation étant à cet égard similaire à celle autrefois rencontrée pour les médiateurs du procureur de la République, qui existaient depuis plusieurs années avant que la partie réglementaire du code de procédure pénale - art. R. 121 (3°) et art. D. 15-1 et suivants - ne vienne préciser, en 1992 puis en 1996, les conditions de leur rémunération puis de leur habilitation).

Cette consécration législative sera suivie par la publication prochaine d'un décret qui devra :
- fixer, au titre des frais de justice, une tarification spécifique pour les missions confiées aux délégués du procureur de la République (alors qu'ils sont aujourd'hui rémunérés sur la base des tarifs prévus pour les missions de médiation) ;
- prévoir les conditions d'habilitation des délégués du procureur de la République (dans des conditions similaires à l'habilitation des médiateurs).

1.2. Institution de la composition pénale

La composition pénale résultant de l'article 41-2 du code de procédure pénale constitue une forme originale d'alternative aux poursuites destinée à permettre à l'autorité judiciaire d'apporter à certaines formes de délinquance une réponse rigoureuse, sans pour autant qu'il soit nécessaire de saisir une juridiction répressive.

Dans le cadre de cette procédure, le procureur de la République, avec l'accord d'un magistrat du siège, pourra proposer à une personne majeure, auteur de certains délits limitativement énumérés, d'exécuter des mesures qui auront pour conséquence d'éteindre l'action publique (art. 41-2 du code de procédure pénale).

Les infractions concernées sont les suivantes :
- violences ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours ;
- violences aggravées ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à huit jours ;
- appels téléphoniques malveillants ;
- menaces, avec ou sans condition ;
- abandons de famille ;
- non représentation d'enfant (sauf si commise par un tiers à la famille) ;
- vol simple ;
- filouterie ;
- détournement de gage ou d'objet saisi ;
- destruction, dégradation ou détérioration de biens appartenant à autrui ;
- destruction, dégradation ou détérioration de biens publics ;
- menaces de destruction et fausses alertes ;
- outrage ;
- rébellion ;
- sévices graves envers les animaux ;
- détention, cession ou port sans autorisation d'armes des 1re et 4e catégories ;
- conduite sous l'empire d'un état alcoolique (1) ;
- usage de stupéfiants.
(1) Le législateur a prévu que l'exécution d'une composition pénale pour cette infraction entraînerait la perte des points du permis de conduire, exactement comme en cas de condamnation par le tribunal correctionnel (articles L. 11-1, L. 30 et L. 32 du code de la route, résultant de l'article 3 de la loi).

La procédure de la composition pénale pourra en outre être utilisée en matière contraventionnelle pour les violences et les dégradations légères (art. 41-3 du code de procédure pénale).

L'auteur de l'infraction se verra proposer d'exécuter l'une ou plusieurs des mesures suivantes :

1. Verser une amende de composition d'un montant maximum de 25 000 F pour les délits, ou de 5 000 F pour les contraventions, qui ne pourra excéder la moitié de l'amende encourue en cas de poursuites pénales ;

2. Remettre la chose qui a servi à commettre l'infraction ou qui en est le produit ;

3. Remettre au greffe du tribual son permis de conduire ou de chasser pendant quatre mois au plus en cas de commission d'un délit et deux mois au plus en cas de commission d'une contravention ;

4. Réaliser au profit de la collectivité un travail non rémunéré, pendant une durée maximale de soixante heures pour les délits et de trente heures pour les contraventions ;

Il devra aussi être proposé à l'auteur des faits de réparer le préjudice causé à la victime, s'il en existe une et si elle est identifiée, lorsque cette réparation n'a pas déjà eu lieu.

La proposition de composition pénale devra toujours émaner du procureur de la République. Mais celui-ci pourra la formuler soit par l'intermédiaire d'une personne habilitée, soit par celle d'un officier de police judiciaire. Dans ce dernier cas, le législateur a précisé que l'officier de police judiciaire auquel aura été transmis une décision écrite et signée du procureur, fera l'intermédiaire entre ce magistrat et l'auteur des faits. La proposition ne pourra être présentée à l'intéressé qu'après la clôture de la garde à vue.

L'acceptation de l'auteur des faits, qui sera informé qu'il peut consulter un avocat avant de donner son accord, sera recueillie par procès-verbal.

Afin de respecter les exigences posées par le Conseil constitutionnel (décision n° 95-360 DC du 2 février 1995 relative à la procédure d'injonction pénale), il a été prévu que la proposition devra être validée par le président du tribunal de grande instance ou son délégué (ou, en matière contraventionnelle, par le juge d'instance). La décision du magistrat du siège, non susceptible de recours, pourra intervenir après audition de l'auteur des faits et de la victime, assistés, le cas échéant, de leurs avocats. Ces auditions seront de droit à la demande des intéressés. Ce magistrat pourra ainsi refuser la validation - et les propositions du parquet deviendront caduques - s'il estime les mesures proposées trop sévères par rapport aux peines qui auraient pu être prononcées en cas de poursuites. Il pourra également refuser la validation s'il estime les mesures trop clémentes, compte tenu du fait que leur exécution éteint l'action publique.

La réussite de la procédure découlera de l'exécution par la personne de l'ensemble des mesures de la composition pénale. Comme l'indique l'avant-dernier alinéa de l'article 41-3, cette exécution entraînera l'extinction de l'action publique (l'article 6 du code de procédure pénale ayant été complété en conséquence par l'article 4 de la loi). La victime conservera toutefois le droit de saisir le tribunal correctionnel par citation directe pour demander des dommages-intérêts.

En cas d'échec de la composition pénale, résultant soit du refus par l'intéressé des mesures proposées, soit du refus du juge du siège de valider la composition, soit du défaut d'exécution des mesures, le parquet appréciera la suite à donner à la procédure.

Une circulaire d'application complémentaire sera diffusée à l'occasion de la publication du décret en Conseil d'Etat prévu par la loi pour déterminer les modalités d'application du nouvel article 41-2 du code de procédure pénale.

Le recours à la procédure de composition pénale par les parquets ne pourra en effet intervenir qu'après la publication de ce décret, qui devra compléter la loi sur des points essentiels, notamment en confiant aux délégués du procureur de la République habilités le soin de proposer des compositions pénales et en précisant les conditions du paiement volontaire des amendes de composition.

Il convient enfin d'indiquer que l'article 5 de la loi modifie les dispositions de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, et notamment son article 64-2, afin de permettre une prise en charge, au titre de l'aide juridictionnelle, des frais de mission de l'avocat intervenant au cours de la procédure de composition pénale (1).

(1) Une erreur matérielle dans la rédaction de cet article 5, qui renvoyait aux articles 42-2 et 42-3 et non aux articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale, a fait l'objet d'un rectificatif au Journal officiel du 20 octobre 1999, page 15647.

Cet article 5 procède également à la modification des références concernant la procédure de médiation, pour laquelle la loi du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit avait également modifié la loi du 10 juillet 1991 afin de permettre l'indemnisation de l'avocat intervenant à l'occasion d'une médiation pénale.

2. Dispositions améliorant et simplifiant la procédure pénale

2.1. Dispositions concernant les procédures de jugement

2.1.1. Amélioration des dispositions concernant le juge unique

La loi assouplit les critères des compétences respectives du tribunal correctionnel statuant dans sa formation de droit commun en collégialité et du tribunal correctionnel statuant, conformément aux dispositions dérogatoires du troisième alinéa de l'article 398 et de l'article 398-1 du code de procédure pénale, à juge unique.

2.1.1.1. Exclusion de la compétence du juge unique dans certains cas de récidive

Depuis la loi du 8 février 1995, est confié au tribunal correctionnel siégeant à juge unique le jugement de certains délits réputés les moins graves, pour lesquels la peine encourue est en tout état de cause inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement, et qui sont énumérés limitativement par l'article 398-1.

Dans sa rédaction actuelle, la liste prévue à l'article 398-1 comprend la plupart des infractions relevant de contentieux dits 'de masse' (délits routiers, vols simples, abandons de famille...) réprimées le plus souvent de peines d'emprisonnement inférieures ou égales à trois ans, mais aussi des infractions plus graves (violences aggravées, menaces, destructions de biens...) pour lesquelles la peine encourue peut atteindre cinq ans.

Compte tenu d'un éventuel état de récidive légale, le juge unique pouvait donc jusqu'à présent prononcer des peines atteignant dix ans d'emprisonnement, ce qui paraissait excessif.

En conséquence, l'article 7 de la loi exclut la compétence du juge unique pour les délits qui, compte tenu de l'état de récidive légale, font encourir à leur auteur une peine d'emprisonnement supérieure à cinq ans, faisant ainsi de ce seuil une limite absolue.

Le juge unique demeure en revanche compétent pour juger des délits commis en état de récidive légale, lorsque ces faits ne font pas encourir à leur auteur une peine supérieure à cinq ans d'emprisonnement.

En pratique sont concernées les infractions qui, parmi la liste prévue à l'article 398-1, sont nécessairement réprimées d'une peine inférieure à deux ans et demi d'emprisonnement conformément aux dispositions de l'article 132-10 du code pénal, c'est-à-dire, compte tenu de la structure de l'échelle des peines, d'une peine ne dépassant pas deux ans d'emprisonnement, ce qui est par exemple le cas de la conduite sous l'empire d'un état alcoolique (1).

(1) Les délits énumérés à l'article 398-1 pour lesquels la compétence du juge unique est exclue en cas de récidive légale sont les suivants :

Deux délits visés au 1° de l'article :

- retrait de la provision d'un chèque ou opposition frauduleuse à son paiement et émission de chèque en violation d'une injonction bancaire (art. 66 du décret-loi du 30 octobre 1935) ;

- émission de chèque en violation d'une interdiction judiciaire (art. 69 du même décret-loi).

Trois séries de délits prévues au 2° de l'article :

- homicide ou blessures involontaires commis par conducteur sous l'empire d'un état alcoolique (art. L. 1er-III du code de la route) ;

- usage de fausses plaques d'immatriculation (art. L. 9) ;

- usurpation du nom d'un tiers dans des circonstances susceptibles d'entraîner son inscription au casier judiciaire ou au fichier national des permis à points (art. L. 40).

Les infractions suivantes prévues au 4° :

- violences ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours (art. 222-11 du code pénal) ;

- violences aggravées par l'une ou plusieurs des circonstances visées aux 1° à 10° de l'article 222-12 ;

- violences aggravées par l'une ou plusieurs des circonstances visées aux 1° à 10° de l'article 222-13 ;

- menaces de mort (art. 222-17, al. 2) ;

- menaces sous conditions (art. 222-18) ;

- soustraction d'enfant à celui qui en a la garde (art. 227-8) ;

- soustraction d'enfant à celui qui en a la garde par parent déchu de l'autorité parentale (art. 227-10) ;

- vol simple (art. 311-3) ;

- vol aggravé par une seule circonstance aggravante (art. 311-4, al. 1er) ;

- détournement de gage ou d'objet saisi (art. 314-5 et 314-6) ;

- recel (art. 321-1) ;

- destruction de biens publics et tentative (art. 322-2 et 322-4) ;

- destructions de biens aggravées et tentative (art. 322-3 et 322-4) ;

- menaces de destruction, de dégradation ou de détérioration dangereuses pour les personnes (art. 322-13, al. 2).

Il découle donc des nouvelles dispositions l'obligation de renvoyer devant le tribunal correctionnel siégeant sous sa forme collégiale les délits les plus graves de la liste prévue par l'article lorsqu'ils sont commis en récidive et que cet état de récidive est retenu dans l'acte de poursuite (1).

(1) Il convient en effet de rappeler que, lorsque la récidive est révélée à l'audience par l'examen du casier judiciaire de l'intéressé, alors qu'elle n'était pas mentionnée dans la citation, la juridiction ne pourra, pas davantage qu'auparavant, tenir compte de l'état de récidive légale (sous réserve de l'hypothèse dans laquelle le prévenu accepte à l'audience que cet état de récidive soit pris en compte, ce qui n'est par définition pas envisageable dans le cas présent). Le juge unique restera en conséquence compétent dans une telle hypothèse.

Le non-respect de cette règle sera désormais sanctionné par la nullité.

2.1.1.2. Renvoi du juge unique à la collégialité

L'article 7 de la loi a complété l'article 398-2 du code de procédure pénale par un nouvel alinéa qui donne au juge la possibilité de renvoyer une affaire devant la collégialité, s'il estime qu'elle présente une complexité particulière. Même si elle ne devrait recevoir application que de façon exceptionnelle (car elle n'interdit bien sûr pas au juge unique de juger des faits complexes si ce dernier l'estime possible), cette disposition assouplit la procédure du juge unique, tout en constituant un renforcement des garanties pour les parties.

Ce renvoi pourra être ordonné d'office par le juge, ou à la demande des parties ou du ministère public.

La décision de renvoi de l'affaire à la collégialité constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours. Il en est évidemment de même de la décision du juge de refuser le renvoi qui lui a été demandé : compte tenu de l'absence de recours, il paraît qu'en pratique le refus de renvoi devrait faire l'objet d'un jugement avant dire droit rendu sur le siège, plutôt que d'une décision rendue en même temps que le jugement sur le fond.

Dans tous les cas, la décision du magistrat n'aura pas à être motivée autrement que par la référence à la complexité de l'affaire, qui est appréciée souverainement par le juge unique (2).

(2) En cas de refus de renvoi, la précision selon laquelle 'la nature des faits dont est saisi le tribunal ne justifie pas qu'il soit fait application des dispositions du dernier alinéa de l'article 398-2' paraît de même suffisante.

Le texte prévoit par ailleurs que le tribunal correctionnel, dans sa formation collégiale ainsi saisi, ne pourra pas décliner sa compétence au motif que les faits relèvent normalement du juge unique, l'application des nouvelles dispositions ne pouvant donc pas aboutir à un conflit négatif de compétence.

Enfin, il doit être indiqué que rien n'interdit au juge unique de siéger dans la formation collégiale devant laquelle il a renvoyé l'affaire. Son appréciation quant à la complexité du dossier ne peut en effet être considérée comme mettant en cause son impartialité au sens des dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. A cet égard, si l'organisation du tribunal le permet, rien n'interdit non plus que deux magistrats viennent compléter la formation du tribunal correctionnel le jour même de l'audience au cours de laquelle l'affaire aurait dû être examinée à juge unique.

2.1.2. Amélioration des dispositions concernant le jugement des contraventions

Les articles 8 et 9 de la loi modifient les articles 525, 529 et 529-6 du code de procédure pénale afin de rendre plus aisés et plus efficaces le jugement des contraventions et la procédure de l'amende forfaitaire.

2.1.2.1. Prononcé des peines complémentaires par ordonnance pénale

L'article 8 modifie les deuxième et troisième alinéas de l'article 525 afin de permettre au juge de police de pononcer des peines complémentaires par voie d'ordonnance pénale.

Jusqu'à présent, en effet, le président du tribunal de police ne pouvait décider par ordonnance pénale que la condamnation à l'amende ou la relaxe. S'il estimait utile de recourir aux peines complémentaires prévues aux articles 131-16 et 131-17 du code pénal (notamment la suspension du permis de conduire ou le retrait du permis de chasser), il devait renvoyer le dossier de l'affaire au ministère public.

Or, compte tenu de la surcharge des bureaux d'ordre et des officiers du ministère public, d'une part, et de la courte durée de la prescription en matière contraventionnelle, d'autre part, le renvoi d'une affaire à l'audience ordinaire aboutissait fréquemment au classement pur et simple de la procédure.

En permettant au juge de police de prononcer des peines complémentaires par ordonnance pénale, la loi offre à la fois au juge une plus grande souplesse et au justiciable la garantie d'une meilleure individualisation de la peine prononcée.

Cette disposition est d'application immédiate. En attendant l'adaptation du logiciel Cyclope par le ministère de l'intérieur, les officiers du ministère public pourront adresser des réquisitions, en complément de la disquette, sur lesquelles les peines complémentaires requises auront été ajoutées manuellement. Les tribunaux de police non informatisés inscriront la peine complémentaire prononcée sur la liasse actuellement utilisée. En ce qui concerne les tribunaux équipés du logiciel Minos, la version en cours de diffusion permet de prendre en compte les peines complémentaires prononcées par ordonnance pénale pour les 4 premières classes et celles requises et prononcées en 5e classe à l'appui des réquisitions produites par les chaînes pénales (ncp - mini-pénale - micro-pénale).

Bien évidemment, seules les peines complémentaires dont la liste est fixée par les articles 131-16 et 131-17 du code pénal et qui sont effectivement prévues par le règlement réprimant la contravention considérée pourront être prononcées.

Il convient toutefois d'indiquer, sous réserve de l'interprétation à venir de la Cour de cassation, que la peine complémentaire de travail d'intérêt général, même si elle est prévue pour certaines contraventions de cinquième classe, ne semble pas pouvoir être prononcée par voie d'ordonnance pénale, car elle exige, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 131-8 du code pénal, le consentement de la personne, consentement qui ne peut être recueilli qu'au cours de l'audience.

Par ailleurs, les nouvelles dispositions ne semblent pas permettre au juge de police statuant par ordonnance pénale d'appliquer par ordonnance pénale les dispositions de l'article 131-14 du code pénal qui permettent, pour les contraventions de la cinquième classe, de prononcer certaines peines alternatives à l'amende, dans la mesure où les nouvelles dispositions de l'article 525 ne visent que les peines complémentaires encourues.

En revanche, il semble que le juge de police a la possibilité de faire application des dispositions de l'article 131-18 du code pénal, en prononçant une ou plusieurs des peines complémentaires encourues à la place de la peine principale d'amende.

En définitive, le renvoi devant le tribunal statuant dans les formes ordinaires en audience publique reste évidemment possible, mais il ne pourra plus être motivé que par la nécessité, constatée par le juge, soit de procéder à un débat contradictoire, soit, pour les contraventions de la cinquième classe, de prononcer une peine alternative ou, si elle est encourue, la peine complémentaire de travail d'intérêt général.

C'est en pratique pour les contraventions au code de la route - ainsi que pour la contravention de défaut d'assurance automobile - pour lesquelles il peut paraître opportun de pononcer, si elle est encourue, une suspension du permis de conduire que les nouvelles dispositions présentent un intérêt tout particulier.

Enfin, en vertu des dispositions de l'article 768 (2°) du code de procédure pénale, il conviendra d'adresser au casier judiciaire un extrait des ordonnances pénales concernant des contraventions des quatre premières classes en cas de prononcé d'une peine complémentaire portant interdiction, déchéance ou incapacité (les ordonnances concernant les cinquièmes classes devant toujours être adressées au casier, même en l'absence de peine complémentaire).

2.1.2.2. Procédure de l'amende forfaitaire

L'article 9 de la loi clarifie le régime de l'amende forfaitaire.

La procédure de l'amende forfaitaire est applicable, depuis la loi du 3 janvier 1972, pour toute une série d'infractions énumérées aux articles 529 et 529-6, mais aussi pour certaines infractions prévues par des textes épars, telles les divagations prévues par le code rural ou par le code pénal (loi du 22 juin 1989), les contraventions en matière de bois, forêts et terrains à bâtir prévues par le code forestier (loi du 3 janvier 1991) ou encore les contraventions aux dispositions de la loi sur l'air (loi du 30 décembre 1996).

Une telle énumération, outre qu'elle présentait l'inconvénient d'être peu lisible, tant pour les praticiens que pour les justiciables, imposait une modification législative à chaque fois qu'il était envisagé d'étendre le champ de la procédure de l'amende forfaitaire. Aussi a-t-elle été supprimée.

Par souci de souplesse et de cohérence (puisque les contraventions sont édictées par le règlement), il est désormais renvoyé à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer la liste des contraventions des quatre premières classes susceptibles de faire l'objet de la procédure de l'amende forfaitaire ou de l'amende forfaitaire minorée.

De même, en conséquence des modifications apportées aux articles 529 et 529-7 et de la suppression de l'article 529-6, la procédure d'amende forfaitaire pourra désormais être appliquée aux contraventions pour lesquelles est également prévue une peine complémentaire.

Une circulaire viendra commenter de manière détaillée le nouveau dispositif lors de la publication du décret prévu par l'article 9, qui reprendra, en l'étendant, la liste des contraventions pouvant faire l'objet d'une amende forfaitaire. En tout état de cause, les nouvelles dispositions n'entreront en vigueur que lors de la publication de ce décret (art. 9, III). Dans l'attente de ce décret, les textes anciens continuent donc de recevoir application.

2.1.2.3. Suppression du droit d'appel spécifique du procureur général en matière contraventionnelle

L'article 10 de la loi, en abrogeant le dernier alinéa de l'article 546 du code de procédure pénale, supprime le droit général d'appel du procureur général en matière contraventionnelle.

Le droit d'appel du procureur général est ainsi aligné sur celui des autres parties, ce qui consacre la jurisprudence de la Cour de cassation (crim. 6 mai 1997, BC n° 170) fondée sur le principe de l'égalité des armes qui découle notamment de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2.1.3. Jugement d'un prévenu en son absence

L'article 18 de la loi répond au souci de mieux assurer le caractère contradictoire de l'audience devant le tribunal correctionnel, malgré l'absence du prévenu.

Il modifie ainsi l'article 411 du code de procédure pénale, qui autorise déjà un prévenu cité pour une infraction sanctionnée par une peine d'amende ou une peine d'emprisonnement inférieure à deux ans à demander au président du tribunal à être jugé en son absence, son avocat le représentant.

Désormais, lorsque les poursuites auront été engagées à l'initiative de la partie civile, le prévenu pourra toujours se faire représenter par son avocat, quelle que soit la peine encourue. Le droit donné à un particulier de mettre en mouvement l'action publique n'aura donc plus pour conséquence de lui permettre de contraindre la personne poursuivie à comparaître devant une juridiction.

Toutefois, le tribunal pourra toujours obtenir, s'il l'estime nécessaire, la comparution personnelle du prévenu à l'audience en le faisant réassigner.

2.1.4. Procédure de mise en état en cas de pourvoi en cassation

Les articles 19 et 20 de la loi tendaient à aménager la procédure de pourvoi devant la chambre criminelle de la Cour de cassation pour, d'une part, la rendre plus cohérente avec d'autres dispositions du code de procédure pénale et, d'autre part, tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'homme.

En premier lieu, a été modifié le premier alinéa de l'article 583 du code de procédure pénale relatif à l'obligation de mise en état en cas de pourvoi en cassation, afin d'élever de six mois à un an le seuil d'emprisonnement qui, sauf dispense, rend nécessaire cette mise en état, par cohérence avec le seuil d'emprisonnement permettant la délivrance d'un mandat de dépôt à l'audience (art. 465, al. 1er, CPP).

En second lieu,a été introduit dans le code de procédure pénale un article 583-1 afin de prendre en compte la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'homme qui, dans son arrêt rendu le 23 novembre 1993 dans l'affaire Poitrimol contre France, a condamné la France sur le fondement de l'article 6, paragraphes 1 et 3, de la convention, en considérant 'que l'irrecevabilité du pourvoi, pour des raisons liées à la fuite du requérant, s'analysait (...) en une sanction disproportionnée, eu égard à la place primordiale que les droits de la défense et le principe de la prééminence du droit occupent dans une société démocratique (...)', que 'la possibilité, pour l'accusé non comparant, de faire plaider en seconde instance sur le bien-fondé de l'accusation en fait comme en droit dépend dans une large mesure du point de savoir s'il a fourni des excuses valables pour justifier son absence' et que, 'dès lors, un contrôle juridique des motifs pour lesquels une cour d'appel a rejeté de telles excuses se [révélait] indispensable'.

Le nouvel article 583-1 prévoit ainsi que, lorsque la juridiction a condamné une personne en son absence après avoir refusé d'admettre l'excuse qu'elle avait invoquée, cette personne peut voir son pourvoi examiné par la Cour de cassation sans pour autant se mettre en état. Le texte précise toutefois que, dans ce cas, la chambre criminelle ne peut qu'être saisie de la régularité de la décision par laquelle l'excuse a été refusée par la juridiction de condamnation.

Ces nouvelles dispositions doivent toutefois être appréciées au vu de la décision rendue le 14 décembre 1999 par la Cour européenne des Droits de l'homme dans l'affaire Khalfaoui contre France, ainsi que d'un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 30 juin 1999 (BC n° 167).

En effet, la décision du 14 décembre, ci-jointe en annexe de la présente circulaire, précise et prolonge la jurisprudence Poitrimol précitée en considérant que, dans une procédure où une personne condamnée à quatre ans d'emprisonnement dont deux avec sursis pour agressions sexuelles avait été déchue de son pourvoi au motif qu'elle ne s'était pas mise en état et n'avait pas été dispensée de se soumettre à cette obligation, le requérant avait 'subi une entrave excessive à son droit d'accès à un tribunal et, donc, à un procès équitable', ce qui constituait une violation de l'article 6, paragraphe 1, de la convention.

Il résulte donc de cette décision que les dispositions de l'article 583, même modifiées par la loi du 17 juin 1999, ne sont pas conformes à la Convention européenne des Droits de l'homme. Il en est de même de la jurisprudence traditionnelle, bien qu'amodiée par le nouvel article 583-1, interdisant à une personne en fuite d'être représentée par un avocat ou d'exercer des voies de recours, jurisprudence que la chambre criminelle de la Cour de cassation semble au demeurant avoir abandonnée dans son arrêt précité du 30 juin 1999.

Les dispositions des articles 583 et 583-1 seront donc très prochainement modifiées pour tenir compte de la décision du 14 décembre 1999, dont il appartient à la Cour de cassation, dans l'attente de ces modifications, d'apprécier souverainement les conséquences qui doivent en être tirées.

En tout état de cause, il convient dès à présent que, dans le cas où ils seraient saisis de demandes de la Cour de cassation tendant à la mise en état de condamnés, les procureurs généraux prennent systématiquement des réquisitions favorables aux requêtes en dispense de mise en état qui seraient présentées par ces derniers, en se fondant sur la décision précitée de la Cour européenne des Droits de l'homme.

De même, en cas de réquisitions à des peines d'emprisonnement supérieures ou égales à un an contre des prévenus libres, les procureurs généraux devront précisément apprécier l'opportunité de requérir également le prononcé d'un mandat de dépôt ou d'un mandat d'arrêt, puisqu'aucune autre mesure de coercition ne pourra être utilisée, en cas de pourvoi en cassation, pour assurer l'exécution de la condamnation avant l'éventuel rejet de ce pourvoi par la chambre criminelle.

2.2. Dispositions concernant le déroulement des enquêtes et des instructions

2.2.1. Dispositions concernant les enquêtes

2.2.1.1. Limitation de l'enquête de flagrance

L'article 11 de la loi modifie les dispositions du deuxième alinéa de l'article 53 du code de procédure pénale, en adaptant sur deux points les règles relatives à l'enquête de flagrance.

Suppression de la flagrance par assimilation

Le deuxième alinéa de l'article 53 ne prévoit plus la flagrance par assimilation qui résultait des réquisitions du chef de maison, quelle que soit la date de commission du crime ou du délit pour lequel les enquêteurs étaient requis.

Désormais, c'est donc uniquement si les enquêteurs sont appelés par le chef de maison pour une infraction flagrante au sens du premier alinéa de cet article qu'une enquête de flagrance pourra être diligentée.

Limitation à huit jours de la durée de l'enquête de flagrance.

La durée de l'enquête de flagrance n'était jusqu'à présent pas réglementée, ce qui permettait à l'enquête de se poursuivre pendant un temps indéterminé dès lors que les enquêteurs procédaient à des actes ininterrompus. Sa durée est maintenant limitée à huit jours maximum.

Cette limitation - qui correspond aux pratiques judiciaires les plus fréquemment suivies - est justifiée par la volonté de cantonner le recours aux pouvoirs de contrainte contre les personnes (arrestations prévues par l'article 73) et contre les biens (perquisitions prévues par l'article 56) qui caractérisent l'enquête de flagrance.

Le point de départ du délai de huit jours doit être le jour du premier acte d'enquête, et non celui de commission de l'infraction, qui a pu intervenir auparavant. Tel serait, par exemple, le cas dans l'hypothèse d'un crime commis dans la soirée, mais dont les enquêteurs ne seraient avisés que le lendemain matin.

Le premier jour de l'enquête doit évidemment être compté dans le délai de huit jours. Une enquête commencée dans la journée du lundi pourra ainsi se poursuivre jusqu'au mardi suivant à minuit.

La conséquence de cette limitation est qu'à l'expiration du délai - sauf dans l'hypothèse de l'ouverture d'une information - l'enquête se poursuivra selon les règles de l'enquête préliminaire.

Pour éviter toute difficulté, il sera opportun que les enquêteurs prennent un procès-verbal de clôture de l'enquête de flagrance et de commencement de l'enquête préliminaire. L'absence d'un tel procès-verbal est toutefois sans conséquence juridique, dès lors que les actes exécutés postérieurement à l'expiration du délai peuvent être faits dans une enquête préliminaire (crim. 17 mai 1994, Dr. pénal 1994, chron. 69).

Il convient enfin de signaler que la limitation de la durée maximum de l'enquête flagrance ne semble pas de nature à remettre en cause la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation exigeant la continuité des actes d'enquête. Si après avoir accompli les premiers actes (recueil de plainte, transport sur les lieux, prélèvements, etc.), les enquêteurs ne traitent plus la procédure pendant plusieurs jours, il n'est pas possible de considérer que, par exemple, le huitième jour, l'enquête de flagrance peut reprendre pendant vingt-quatre heures.

2.2.1.2. Transport du juge d'instruction sur les lieux d'un crime ou délit flagrant

Jusqu'à présent, l'article 72 du code de procédure pénale prévoyait dans son premier alinéa que lorsque le juge d'instruction était présent sur les lieux d'un crime ou d'un délit flagrant, le procureur de la République ainsi que les officiers de police judiciaire étaient de plein droit dessaisis à son profit.

Par cette disposition directement issue du code d'instruction criminelle de 1808, le juge d'instruction, doté de la qualité d'officier de police judiciaire, se voyait offrir la possibilité de se saisir lui-même. La conséquence en était également que le juge d'instruction devait accomplir tous les actes de police judiciaire dans le cadre de l'enquête de flagrance.

La jurisprudence était venue limiter les conditions dans lesquelles ce transport entraînait le dessaisissement du procureur et des officiers de police judiciaire, afin d'éviter la nullité de la procédure (Colmar, 19 mars 1987, Gaz. Pal. 1987.2.605). Par ailleurs, en pratique le recours à ces dispositions n'était pas très fréquent. De très nombreux praticiens prônaient donc une suppression pure et simple de ces dispositions. L'article 72 avait ainsi été abrogé par la loi du 4 janvier 1993, mais avait été rétabli par la loi du 24 août suivant.

Est donc seul maintenu le dernier alinéa de l'article 72 qui permet au procureur de la République de requérir sur les lieux l'ouverture d'une information régulière dont est immédiatement saisi le juge d'instruction présent.

2.2.1.3. Amélioration des dispositions concernant les examens techniques et scientifiques

L'article 12 de la loi modifie sur trois points les dispositions des articles 60 et 77-1 du code de procédure pénale concernant les examens techniques et scientifiques auxquels il peut être procédé au cours des enquêtes de police judiciaire, en flagrance ou en préliminaire.

Ces modifications, qui répondent à des demandes anciennes et répétées des praticiens, rapprochent le statut juridique de ces examens de celui des expertises réalisées au cours d'une information, ce qui correspond à la pratique judiciaire, la loi confiant déjà la réalisation de ces examens à des experts inscrits sur les listes, ou à des personnes ayant prêté serment.

Tout d'abord, ces examents pourront être réalisés au cours de toute enquête, et pas uniquement dans le cas où 'ils ne peuvent être différés', le critère d'urgence ayant été supprimé des articles 60 et 77-1. Ces nouvelles possibilités d'action des enquêteurs en matière d'examen technique permettront, sous la direction du procureur de la République, des investigations plus approfondies au cours des enquêtes de police judiciaire, et notamment des enquêtes préliminaires.

En second lieu, les nouvelles dispositions du troisième alinéa de l'article 60 autorisent les personnes désignées pour réaliser ces examens à procéder à l'ouverture des scellés, selon des modalités identiques à celles prévues en ce qui concerne les experts au cours d'une information, dès lors que cette ouverture des scellés est mentionnée dans leur rapport écrit. Les conclusions de l'examen pourront toutefois être communiquées oralement aux enquêteurs en cas d'urgence.

Enfin, en application des nouvelles dispositions du quatrième alinéa de l'article 60, sur instruction du procureur de la République, l'officier de police judiciaire pourra donner connaissance du résultat de l'examen aux suspects et aux victimes. Ce renforcement du contradictoire au cours de l'enquête reste limité, car ces notifications ne seront nullement obligatoires, mais n'interviendront qu'à la demande du procureur de la République, et se feront en l'absence de l'avocat de la personne.

En pratique, ces notifications ne devraient intervenir que lorsque le parquet envisage des poursuites, et qu'il estime utile de faire recueillir les éventuelles observations des intéressés sur le résultat des examens, avant l'audience du jugement, pour favoriser le déroulement de celle-ci en évitant notamment qu'une demande d'expertise ne soit formulée à ce stade.

Il est enfin prévu par l'article 167 du code de procédure pénale, complété par l'article 12 de la loi, que le juge d'instruction devra donner connaissance aux parties du résultat des examens réalisés lors de l'enquête, sauf si cela a déjà été fait en application du quatrième alinéa de l'article 60. Telle est au demeurant la pratique la plus fréquemment suivie aujourd'hui par les juges d'instruction.

2.2.2. Dispositions concernant le déroulement de l'instruction

Quatre séries de modifications ont pour objectif de limiter la durée des procédures, en offrant, en cas de découverte de faits nouveaux, des solutions autres que le recours aux réquisitoires supplétifs (1), en évitant que l'extension de la saisine du juge d'instruction résulte de la seule volonté de la partie civile (2), en favorisant les disjonctions ou les renvois partiels (3), et en limitant les cas d'annulation des ordonnances de règlement (4).

2.2.2.1. Faits nouveaux au cours de l'instruction

L'article 14 de la loi procède à la modification de l'article 80 du code de procédure pénale relatif aux modalités de désignation du juge d'instruction, afin de préciser, en les complétant, toutes les possibilités procédurales qui s'offrent au procureur de la République lorsque des faits nouveaux sont portés à sa connaissance par le juge d'instruction.

Jusqu'à présent, l'article 80 du code de procédure pénale était muet sur cette question. Il en résultait que la délivrance d'un réquisitoire supplétif pour fait nouveau, dont la notion était purement prétorienne, était parfois considérée comme une quasi-obligation pour le ministère public.

Désormais l'article 80 indique précisément que dans une telle hypothèse le procureur de la République peut soit délivrer un réquisitoire supplétif, soit ouvrir une information distincte, soit saisir la juridiction de jugement, soit ordonner une enquête, soit classer sans suite ou procéder à une procédure d'alternatives aux poursuites, soit enfin transmettre la procédure au parquet territorialement compétent.

Au-delà de ce rappel des choix qui s'offraient d'ores et déjà au ministère public, il est de plus expressément prévu qu'en cas d'ouverture d'une information distincte, celle-ci pourra être confiée au même juge d'instruction.

Sera ainsi évitée, autant que possible, la délivrance de réquisitoires supplétifs, qui rendent plus complexes les dossiers déjà ouverts et retardent par voie de conséquence leur règlement, tout en permettant de confier le dossier à un magistrat qui a déjà une certaine connaissance du contexte.

Les nouvelles dispositions ne reviennent toutefois pas sur les règles de désignation des juges d'instruction prévues par l'article 83 du code de procédure pénale. Il appartiendra donc au parquet, dans son réquisitoire introductif, de viser l'article 80 en demandant au président du tribunal de bien vouloir désigner par ordonnance le juge d'instruction chargé de l'information à l'occasion de laquelle ces nouveaux fait ont été découverts, si nécessaire par dérogation au tableau de roulement établi par ce dernier. C'est donc le président du tribunal de grande instance qui choisira de suivre ou non la demande du parquet pour désigner le juge d'instruction à qui sera confiée la nouvelle procédure.

2.2.2.2. Dénonciation de faits nouveaux par la partie civile

Le dernier alinéa de l'article 80 du code de procédure pénale est également complété afin d'harmoniser la situation de la découverte de faits nouveaux par le juge d'instruction avec celle de la dénonciation de tels faits par la partie civile.

La Cour de cassation avait en effet estimé, dans un arrêté du 4 juin 1996 (BC n° 230), que dans ce cas, la saisine du juge d'instruction était automatiquement étendue. Cette solution revenait à permettre aux parties civiles de délivrer elles-mêmes des réquisitoires supplétifs. Elle présentait à ce titre le risque, dans les affaires ouvertes sur plainte avec constitution de partie civile, que l'information soit en quelque sorte confisquée par cette dernière et de rendre difficile, voire impossible sa clôture dans des délais raisonnables.

Désormais, les dénonciations des parties civiles devront être communiquées au procureur de la République, qui appréciera la suite à leur réserver comme en cas de découverte de faits nouveaux par le juge.

Si le procureur n'engage pas de poursuites, la partie civile pourra déposer une nouvelle plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction.

2.2.2.3. Règlement partiel ou disjonction

L'article 15 de la loi complète l'article 182 du code de procédure pénale, afin de faciliter le recours de disjonction ou de renvoi partiel, aujourd'hui peu utilisées.

Ces procédures présentent en effet un intérêt évident pour éviter la mise en examen prolongée de personnes qui sont en état d'être jugées. Les praticiens remarquaient toutefois qu'une difficulté constituait un frein à leur utilisation, car la personne auparavant mise en examen n'avait plus de statut particulier dans l'information qui se poursuivait, et au cours de laquelle elle était susceptible d'être entendue. C'est pourquoi les nouveaux textes prévoient que dans un tel cas cette personne aura le statut de témoin assisté.

2.2.2.4. Irrégularité de l'ordonnance de renvoi et constat des nullités de procédure par le tribunal correctionnel

Les parties ayant la possibilité de soulever des nullités de procédure devant la chambre d'accusation pendant toute la durée de l'information, l'ordonnance ou l'arrêt de renvoi saisissant le tribunal correctionnel, dès lors qu'elle est définitive, couvre les vices de procédure.

L'article 385 du code de procédure pénale prévoit par ailleurs que, lorsque l'ordonnance ou l'arrêt de renvoi est entaché de nullité pour ne pas avoir été communiqué aux parties dans les conditions prévues aux articles 183 ou 217, ou lorsque cette décision ne mentionne pas l'identité de la personne mise en examen, la qualification légale du fait imputé et les motifs pour lesquels il existe contre elle des charges suffisantes, le tribunal doit renvoyer la procédure au ministère public, qui saisit à nouveau la juridiction d'instruction afin que la procédure soit régularisée.

La Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 7 octobre 1997 (BC n° 327) qu'il résultait de ces dispositions que le tribunal correctionnel pouvait également constater la nullité de l'ordonnance de renvoi lorsque le délai de vingt jours prévu par l'article 175 du code de procédure pénale pour permettre aux parties de présenter leurs observations sur la clôture de l'information, et de déposer le cas échéant une requête en annulation, n'a pas été respecté.

Dans cette hypothèse, le tribunal doit donc renvoyer la procédure au ministère public pour qu'il ressaisisse le juge d'instruction, ce qui est la cause de retard supplémentaire.

Pour permettre aux parties de pouvoir être rétablies dans leurs droits sans retarder la procédure revenant sur la clôture de l'information, l'article 17 de la loi modifie l'article 385 du code de procédure pénale afin de prévoir que les parties peuvent soulever les nullités de l'information devant le tribunal correctionnel lorsque l'ensemble des conditions prévues par l'article 175 - et notamment le délai de vingt jours - n'auront pas été respectées (comme c'était d'ailleurs le cas avant la loi du 4 janvier 1993).

Cette solution préserve totalement les droits des parties, puisque ces dernières peuvent également présenter devant le tribunal des demandes d'actes, aucune irrecevabilité n'ayant jamais été édictée en ce domaine.

Les purges partielles des nullités qui ont pu éventuellement intervenir au cours de l'instruction, en application du premier alinéa de l'article 174 du code de procédure pénale, du fait de la saisine de la chambre d'accusation continuent évidemment de produire leurs effets devant le tribunal correctionnel.

2.2.3. Dispositions concernant la conservation des scellés

Les articles 21 à 24 de la loi apportent des modifications substantielles au régime de la conservation des objets placés sous main de justice, en permettant la mise en place d'une gestion rationnelle d'ensemble, tant après une décision définitive de la juridiction qu'au stade de l'enquête ou de l'instruction. Ces différentes dispositions sont, sauf exception, d'application immédiate.

2.2.3.1. Gestion des scellés après la clôture du dossier à l'occasion duquel les objets ont été saisis

L'article 21 de la loi modifie l'ancien article 41-1 du code de procédure pénale, devenu du fait de la création de la composition pénale l'article 41-4, qui est relatif au sort des objets placés sous main de justice lorsqu'aucune juridiction n'a été saisise ou que la juridiction saisie n'a pas statué sur la restitution des objets.

Il convient de rappeler que, dans cette hypothèse, la décision sur la restitution appartient au ministère public, qui peut, soit décider la restitution d'office ou sur requête des objets dont la propriété n'est pas sérieusement contestée, soit refuser la restitution si celle-ci est de nature à présenter un danger pour les personnes ou les biens.

Afin de réduire la durée de conservation de ces objets par les greffes, l'article 41-4 est modifié sur deux points.

Réduction du délai général de conservation

L'article 41-4 prévoit qu'en toute hypothèse, lorsqu'aucune restitution n'est intervenue, qu'elle ait été définitivement refusée ou qu'elle ait été impossible, les objets deviennent propriété de l'Etat, qui peut librement les aliéner, soit par destruction, soit par vente par l'intermédiaire du service des domaines. Le transfert de propriété intervient immédiatement après que la décision de non-restitution a acquis le caractère définitif si le bien présente un danger pour les personnes ou les biens, et, dans les autres cas, à l'issue d'un délai qui était jusqu'à présent fixé à trois ans à compter du classement de l'affaire ou du jour où la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence.

Cette situation, qui contribuait à grever très lourdement la ligne budgétaire 37-11 des frais de justice criminelle, entraînait d'importantes difficultés de gestion et de sécurité au sein des juridictions, au point d'être critiquée par la Cour des comptes, alors même que la restitution de la quasi-totalité des scellés s'avérait impossible en pratique, faute de pouvoir en identifier les propriétaires.

C'est pourquoi, en premier lieu, le délai de trois ans précédant le transfert de propriété à l'Etat est ramené à six mois. Bien évidemment, le point de départ de ce délai doit être vérifié avec une attention particulière par le greffier en chef, afin d'éviter qu'il ne soit procédé à la vente ou à la destruction de scellés dans des procédures toujours en cours.

La réduction de ce délai (1) dont l'impact a été évalué à près de 20 millions de francs d'économie pour les services judiciaires, va permettre de disposer d'une part importante des objets encombrant les services scellés des juridictions, et de mettre fin à un certain nombre de dépôts d'objets auprès de gardiens privés (2).

(1) Cette mesure est bien évidemment d'application immédiate, s'agissant d'une disposition de procédure pénale, et le nouveau délai de six mois s'applique donc à toutes les procédures, y compris celles terminées avant la publication de la loi du 23 juin 1999.

(2) Les nouvelles dispositions n'excluent toutefois pas que certains scellés soient conservés au-delà du délai de six mois, soit parce qu'un texte le précise (ainsi que les art. 100-6 et 706-54 du code de procédure pénale pour les enregistrements sonores ou audiovisuels des interceptions téléphoniques ou de l'audition des mineurs victimes - des délais de conservation spécifiques seront également institués prochainement pour les scellés contenant des échantillons de matériel biologique, afin de permettre la gestion du fichier national des empreintes génétiques), soit parce que le procureur de la République en décide ainsi, notamment en cas de non-lieu, s'il n'exclut pas la réouverture d'une nouvelle information avant l'expiration du délai de prescription

Institution d'un délai de deux mois après mise en demeure

Dans de nombreux cas, la restitution, pourtant décidée par la juridiction, n'est pas réalisée du fait de la négligence ou du désintérêt manifesté par le légitime propriétaire d'un bien ou son ayant droit, le plus souvent l'assureur subrogé dans les droits du propriétaire initial. Il était pourtant impossible de s'affranchir du délai de trois ans avant de disposer du bien. Désormais, en cas de carence du propriétaire pendant deux mois à compter d'une mise en demeure adressée à son domicile, le transfert du bien à l'Etat sera automatique.

Les nouvelles dispositions ne précisant pas les modalités de cette mise en demeure, celle-ci pourra se faire par lettre adressée par le greffe au propriétaire et lui demandant de se présenter au greffe afin de prendre possession de l'objet. Ce courrier devra évidemment préciser qu'il s'agit d'une mise en demeure et informer l'intéressé du délai limité au-delà duquel l'objet deviendra la propriété de l'Etat. La mise en demeure pourra figurer dans le courrier informant le demandeur de la décision de restitution.

2.2.3.2. Conservation des valeurs monétaires

L'article 22 de la loi transpose à l'enquête initiale la règle, prévue par le dernier alinéa de l'article 97 du code de procédure pénale, permettant au juge d'instruction de faire déposer à la Caisse des dépôts et consignations ou à la Banque de France les sommes d'argent, les lingots ou valeurs saisis au cours de l'information.

En application du sixième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale, le procureur de la République pourra faire déposer à la Caisse des dépôts et consignations ou à la Banque de France les espèces, lingots, effets ou valeurs dont la conservation en nature n'est pas utile à la manifestation de la vérité.

Ce texte s'appliquera principalement aux sommes saisies à raison de leur provenance, notamment si elles sont susceptibles d'avoir servi à commettre l'infraction ou si elles en ont été le produit (proxénétisme, trafic de stupéfiants, recel, etc.), et à ce titre peuvent être confisquées par la juridiction. En revanche, le texte ne pourra s'appliquer si la conservation des espèces est utile à la manifestation de la vérité (billets de banque portant des traces, des marques ou des inscriptions manuscrites par exemple) ni, évidemment, s'il s'agit de fausse monnaie.

En application des nouvelles dispositions, le procureur de la République autorisera les officiers de police judiciaire ayant procédé à la saisie à effectuer ce dépôt directement auprès de la Banque de France ou de la Caisse des dépôts et consignations sur le compte de dépôt ouvert au nom du greffier en chef 'ès qualités' (1).

(1) Cette même procédure peut également être suivie, sur instruction du juge d'instruction et dans le cadre de l'article 97 du code de procédure pénale, par les officiers de police judiciaire agissant sur commission rogatoire.

Le procès-verbal de ses diligences sera dressé par l'officier de police judiciaire, qui précisera le montant des sommes déposées, la date de dépôt, les références de la procédure. Il sera communiqué en copie au greffier en chef de la juridiction de l'affaire.

Si ce dépôt n'a pas été fait avant la clôture de l'enquête et la transmission de la procédure au parquet, le procureur de la République autorisera - sauf évidemment en cas d'ouverture d'une information - le greffier en chef à procéder auprès de la Banque de France ou de la Caisse des dépôts et consignations sur le compte de dépôt ouvert à son nom, au dépôt des sommes contenues dans les scellés qui auront été remis au greffe par les enquêteurs.

Bien évidemment, les sommes déposées à la Caisse des dépôts et consignations ou à la Banque de France doivent avoir été au préalable inventoriées et comptées.

A cette occasion, j'attire particulièrement votre attention sur l'absolue nécessité en matière de saisie de sommes d'argent, de respecter les dispositions générales du quatrième alinéa de l'article 56.

En effet, la possibilité de recourir en cas d'urgence à un scellé fermé provisoire est strictement encadrée par la loi et ne permet en aucun cas aux officiers de police judiciaire de transmettre au parquet une procédure comportant de tels scellés. Si les sommes d'argent ne peuvent être comptées et inventoriées immédiatement sur les lieux de leur saisie, notamment à raison de leur importance, elles doivent obligatoirement l'être, selon les modalités prévues aux articles 56 et 57, avant la clôture de la procédure d'enquête, un procès-verbal devant en outre en être dressé.

Le non-respect de ces dispositions, trop souvent constaté par le passé, a provoqué, outre des contentieux, d'importantes difficultés pratiques au moment de l'instruction préparatoire pour les services des greffes, qui ne peuvent plus être autorisés par le juge d'instruction à déposer les sommes tant que la procédure lourde et contraignante du quatrième alinéa de l'article 97 n'a pas été mise en oeuvre.

Il en est résulté depuis de nombreuses années une accumulation, dans les locaux mêmes des juridictions, de scellés fermés contenant d'importantes sommes en devises n'ayant jamais fait l'objet d'un inventaire, que les juridictions pénales ne peuvent dès lors confisquer et qui ne sont jamais restituées.

La situation revêt aujourd'hui un caractère particulièrement préoccupant à moins de trois ans du passage à l'euro et de la privation du cours légal pour tous les billets de banque français actuellement en circulation.

Il conviendra donc de rappeler aux officiers de police judiciaire les dispositions des articles 56 et 97 du code de procédure pénale et de veiller à ce que les sommes d'argent saisies lors des enquêtes - hors le cas évidemment de la fausse monnaie - ne demeurent jamais placées sous scellé fermé provisoire à l'issue de l'enquête.

Par ailleurs, l'obligation générale incombant aux juridictions répressives de statuer sur le sort des pièces à conviction en ordonnant leur restitution ou leur confiscation, devra être scrupuleusement respectée lorsqu'il s'agit d'espèces,lingots ou valeurs mobilières. Cette mesure permettra d'éviter que de nombreuses sommes d'argent ne soient conservées dans les locaux du greffe pendant de longues périodes, notamment lorsqu'il s'agit de décisions par défaut.

Lorsque les juridictions répressives n'auront pas statué sur le sort de valeurs placées sous scellés, il appartiendra au procureur de la République d'en ordonner le dépôt à la Caisse des dépôts et consignations ou à la Banque de France, dépôt qui sera effectué par le greffier en chef, sans attendre le délai de six mois, à l'issue duquel la propriété de ces valeurs pourra être transférée à l'Etat en application des dispositions précitées de l'article 41-4.

2.2.3.3. Gestion des scellés au cours de la procédure d'instruction

Dispositions générales

L'article 23 crée un nouvel article 99-2 du code de procédure pénale, qui permet au juge d'instruction, dans trois séries de cas, de décider, soit d'office, soit à la demande du ministère public, et avant toute décision juridictionnelle sur le fond, du sort des biens saisis, c'est-à-dire, selon les cas, de leur destruction ou de leur vente par les services du domaine, dès lors que la conservation en nature du bien n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité.

Première hypothèse : toute restitution est impossible (art. 99-2, al. 1er)

Dans cette hypothèse, qui concerne nécessairement des objets n'appartenant pas à la personne mise en examen, l'impossibilité de restituer provient soit de l'impossibilité d'identifier le légitime propriétaire, soit de la carence de ce dernier qui ne s'est pas manifesté dans un délai de deux mois après mise en demeure adressée à son domicile (délai déjà prévu par le nouvel article 41-4 (al. 3) pour les objets non réclamés après une décision définitive sur l'action publique).

Au-delà de la constatation de l'existence de l'une de ces deux conditions de fond, l'ordonnance du juge d'instruction n'a pas à contenir de motivation particulière en fait.

En tout état de cause, le juge dispose du choix entre la destruction de l'objet ou la remise aux services des domaines aux fins d'aliénation.

Deuxième hypothèse : le maintien de la saisie est de nature à diminuer la valeur du bien (art. 99-2, al. 2)

Dans cette deuxième hypothèse, le bien appartient à l'une des personnes mises en examen.

La décision doit être motivée tant en droit (le bien saisi est réputé avoir servi à commettre l'infraction ou en être le produit et la peine de confiscation est prévue par la loi pour l'infraction précise dont est saisie juge d'instruction), qu'en fait.

Il appartient notamment au juge de démontrer que la conservation par le service des scellés ou un gardien professionnel ne permet pas de garantir, au regard de la durée prévisible de la procédure, le maintien de la valeur du bien. Ce sera le cas pour la plupart des biens fongibles, et en particulier des véhicules automobiles, qui connaissent une dépréciation linéaire indépendamment de leur degré d'usure.

Le bien ne peut faire l'objet que d'une remise aux services des domaines en vue de sa vente, et non en vue de sa destruction (1).

(1) L'article 99-2, alinéa 2, du code de procédure pénale n'exclut pas pour autant l'application des dispositions de l'article 389 du code des douanes qui autorise l'administration à procéder elle-même, avec l'accord d'un juge, à la vente, avant jugement prononçant la confiscation, des moyens de transport et des marchandises périssables qui ont fait l'objet d'une saisie douanière.

Le produit de la vente est consigné pendant dix ans, afin d'être restitué à la personne si celle-ci n'est pas condamnée à la peine de confiscation.

Un décret en Conseil d'Etat viendra préciser les conditions d'application des dispositions de cet alinéa, qui feront alors l'objet d'une nouvelle circulaire.

Troisième hypothèse : les biens sont dangereux ou nuisibles ou leur détention est illicite (art. 99-2, al. 3)

Dans cette dernière hypothèse, les biens peuvent appartenir à toute personne, y compris à celle mise en examen. Il peut même s'agir de biens sans propriétaire (cas des résidus polluants abandonnés dont l'origine ne peut être établie).

Le caractère dangereux, nuisible ou illicite ne peut s'apprécier qu'au regard de dispositions législatives particulières, qui peuvent elles-mêmes renvoyer au règlement pour la détermination exhaustive des objets ou substances soumises à ce titre à des restrictions ou interdictions (ex. : pour les substances chimiques dangereuses, l'art. 4 de la loi n° 77-771 du 12 juillet 1977 ; pour les explosifs et autres substances meurtrières, l'art. 3 de la loi du 19 juin 1871 ; pour les biens de consommation non conformes aux règles de sécurité, l'art. L. 221-1 du code de la consommation, etc.). La décision du magistrat doit donc être motivée en droit sur l'existence d'une telle disposition.

La décision du juge d'instruction a alors pour seule finalité la destruction des biens. Le juge d'instruction n'a donc pas la possibilité de confier le bien à une autorité publique à d'autres fins que la destruction, comme c'est actuellement le cas pour le régime spécifique applicable aux armes, munitions et matériels de guerre.

Dispositions particulières applicables à la destruction des stupéfiants

L'article 24 insère dans le code de procédure pénale un article 706-30-1 destiné à répondre, en cas de destruction au cours de la procédure de substances stupéfiantes, aux exigences de garanties et de protection des droits de la défense posées par la Cour de cassation dans un arrêt du 13 juin 1996 (BC n° 252).

Avant de procéder à la destruction des produits, il devra être procédé à deux formalités préalables :
- le juge d'instruction devra conserver un échantillon du produit, aux fins d'une éventuelle expertise ;
- il devra être aussi procédé, en pratique sur commission rogatoire, à la pesée du produit. Cette pesée devra avoir lieu soit en présence de la personne qui détenait les substances (1), soit, à défaut, en présence de deux témoins requis comme en matière de perquisition.
(1) Si ces substances étaient détenues par plusieurs personnes, il suffit que l'une seule d'entre elles soit présente.

Si la personne qui détenait les substances est mise en examen, la pesée effectuée en sa présence pourra être réalisée par les seuls enquêteurs agissant sur commission rogatoire, dès lors que l'intéressé n'est pas entendu par ces derniers. La présence - ou plus précisement la convocation - de l'avocat n'est pas nécessaire, puisqu'il ne s'agit pas d'un interrogatoire, mais peut être souhaitable afin d'éviter toute contestation ultérieure. Le procès-verbal devra alors en faire état.

Le recours à deux témoins extérieurs est aussi possible, sans qu'il soit nécessaire de le justifier par l'impossibilité matérielle de faire venir la personne qui détenait les substances stupéfiantes (2).

(2) Les dispositions de l'article 706-30-1 sont à cet égard moins strictes que celles de l'article 57 sur les perquisitions.

Ces opérations devront faire l'objet d'un procès-verbal signé par la ou les personnes présentes. En cas de refus de signer, il en sera fait mention.

Ces opérations pourront également être diligentées au cours de l'enquête judiciaire, par un officier de police judiciaire, ou au cours de l'enquête douanière, par un agent des douanes des catégories A ou B. Bien que le texte ne le précise pas, il est nécessaire qu'elles aient lieu sur instructions ou avec l'accord du procureur de la République.

Il convient enfin d'observer que les nouvelles dispositions ne prévoient pas que les opérations de destruction devront être effectuées en présence d'un pharmacien inspecteur.

La présence d'un pharmacien inspecteur ne sera donc plus requise en cas de destruction de stupéfiants déposés au greffe intervenant à l'issue d'une procédure et effectuée à la diligence du greffier en chef conformément à la circulaire du 21 avril 1986 relative aux pièces à conviction. La circulaire précitée est sur ce point modifiée. Dans un tel cas, le greffier en chef est chargé sous sa responsabilité de certifier la destruction des produits stupéfiants et doit être impérativement accompagné d'un ou plusieurs agents de la force publique chargés d'assurer une mission de sécurité et de protection lors du transport et de la réalisation des opérations de destruction.

2.2.3.4. Entrée en vigueur et application pratique des dispositions concernant les scellés

L'ensemble des dispositions des articles 21 à 24 est, sauf exception, d'application immédiate. En effet, comme cela a été indiqué précédemment, le décret en Conseil d'Etat prévu par le législateur à l'article 99-2 du code de procédure pénale n'a vocation qu'à régler les conditions dans lesquelles seront restituées, après une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, les sommes consignées à la suite de la vente par les services des domaines d'un bien ayant appartenu à la personne poursuivie. Seules les dispositions du deuxième alinéa de l'article 99-2 font donc l'objet d'une application différée à la parution de ce décret.

Il apparaît dès lors urgent que les services des greffes procèdent à un inventaire précis des objets actuellement placés sous leur responsabilité ou gardés à l'extérieur de la juridiction.

Il serait en particulier souhaitable que des contacts soient pris avec les différentes administrations conservant en dépôt de très importantes quantités de substances stupéfiantes (c'est notamment le cas de certaines directions régionales des douanes).

Dans un second temps, il conviendrait d'établir dans chaque tribunal de grande instance des échéanciers permettant d'anticiper sur les transferts à venir de ces biens à l'Etat.

Il n'y aurait par ailleurs que des avantages à organiser dans les plus brefs délais des contacts avec les services des domaines afin de déterminer, au vu des inventaires qui auront été dressés, ce qui peut fait l'objet d'une vente aux enchères publiques. Pour les objets dont la valeur vénale aura été estimée négligeable ou inexistante, des contacts devront être pris pour en assurer le débarras, le transport et la destruction.

S'agissant plus particulièrement des nouvelles dispositions de l'article 41-4 (ex-41-1), les greffiers en chef dresseront dans les meilleurs délais un inventaire des objets dont la propriété est acquise à l'Etat, compte tenu du délai légal de six mois, et remettront ces derniers aux services des domaines ; les objets placés en gardiennage feront l'objet d'une remise prioritaire. Une circulaire relative à la mise en place d'un suivi des objets placés en gardiennage vous sera prochainement adressée, sous le timbre de la direction des services judiciaires.

En ce qui concerne les armes et munitions détenues par les services des scellés, qui font l'objet d'un régime spécifique, il convient d'indiquer qu'un avant-projet de modification du décret sur les modalités de destruction des armes, munitions et matériels de guerre est actuellement en préparation.

2.3. Dispositions diverses

2.3.1. Amélioration de l'indemnisation due à la suite d'une procédure de révision

L'article 25 modifie l'article 626 du code de procédure pénale afin de préciser les conditions et le domaine de l'indemnisation à laquelle les personnes ayant obtenu la révision d'une décision pénale peuvent prétendre en réparation du préjudice subi du fait de leur condamnation.

Le nouveau texte précise que doit être indemnisé le préjudice purement matériel et moral (1).

(1) Une modification similaire figure dans les dispositions du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et des droits des victimes qui modifient les règles d'indemnisation des détentions provisoires abusives (art. 149 du code de procédure pénale), qui ne sont pas concernées par les nouvelles dispositions de l'article 25.

Par ailleurs, pour simplifier et accélérer la procédure d'indemnisation, la juridiction ayant prononcé la décision d'où résulte l'innocence de la personne pourra désormais allouer directement à celle-ci l'indemnisation pour le préjudice subi.

Il s'agit donc d'un retour à la procédure qui existait avant la loi du 23 juin 1989, dans la ligne d'un souhait de la Cour de cassation dans son rapport annuel pour 1996.

Toutefois, à la différence de la procédure applicable avant 1989, c'est à l'intéressé qu'il appartiendra de déterminer s'il demande à la juridiction statuant sur le fond de l'indemniser, ou s'il préfère ensuite saisir la commission d'indemnisation des détentions provisoires.

2.3.2. Procédure de renvoi d'une juridiction à une autre au sein de la cour d'appel

L'article 26 introduit dans le code de procédure pénale un article 667-1 permettant le renvoi d'une affaire d'une juridiction à une autre dans le ressort d'une même cour d'appel, sur décision du premier président, en cas d'impossibilité de réunir un tribunal correctionnel à raison d'incompatibilités touchant un ou plusieurs magistrats de la juridiction.

Il pourra notamment s'agir des incompatibilités résultant de ce qu'un des magistrats devant participer à la collégialité de jugement aura précédemment été amené à connaître de l'affaire en qualité de juge d'instruction.

Le nouveau texte encadre de deux manières cette procédure de renvoi.

En premier lieu, la juridiction de renvoi doit être limitrophe (ce qui limite le choix, dans certains ressorts de cours d'appel, et pour certains tribunaux de grande instance, à une seule juridiction).

En second lieu - et cette disposition n'a évidemment de sens que dans les cas où il existe plusieurs juridictions limitrophes - une ordonnance annuelle non modifiable devra désigner par avance, pour chacun des tribunaux du ressort, le tribunal limitrophe susceptible de recevoir les affaires délocalisées.

Bien que la date à laquelle cette ordonnance doit intervenir chaque année ne soit pas précisée par la loi, il convient de considérer que cette ordonnance doit être prise en début d'année judiciaire, ce qui correspond à l'interprétation qui est habituellement donnée à la notion d'année en matière d'administration judiciaire.

Ainsi, à la première ordonnance élaborée, devra se substituer une ordonnance identique prise au début de l'année 2000.

2.3.3. Généralisation de l'utilisation de la télécopie pour les notifications aux avocats

L'article 27 de la loi, qui institue dans le code de procédure pénale un nouvel article 803-1 prévoyant que la télécopie pourra être utilisée en lieu et place de la lettre recommandée ou de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception, pour toute notification aux avocats dans le cadre de la procédure pénale, constitue une généralisation des dispositions du deuxième alinéa de l'article 114 qui permettent ce mode de convocation de l'avocat par le juge d'instruction.

A ce titre, cette nouvelle disposition s'inscrit dans le cadre des mesures destinées à maîtriser la croissance des frais de justice criminelle, et son impact budgétaire a été évalué à près de 10 % de l'ensemble des frais postaux, soit à environ 5 millions de francs en année pleine.

2.3.4. Participation des agents des douanes à des missions de police judiciaire

Afin que l'autorité judiciaire puisse bénéficier des compétences acquises par l'administration des douanes dans la lutte contre des formes particulières de délinquance économique et financière, comme la fraude communautaire, l'article 28 de la loi permet la participation des agents des douanes à des missions de police judiciaire.

Le texte insère un nouvel article 28-1 dans la section IV du chapitre Ier du titre premier du code de procédure pénale relative aux fonctionnaires et agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire.

Dépourvus de pouvoirs d'initiative, les agents des douanes dûment habilités pourront recevoir des réquisitions aux fins d'enquête des procureurs de la République et des commissions rogatoires des juges d'instruction pour rechercher et constater notamment les infractions au code des douanes, à la législation sur les contributions indirectes et celles se rapportant aux contrefaçons de marque.

Par ailleurs, s'agissant des trafics de stupéfiants, le texte prévoit que des équipes mixtes temporaires composées d'officiers de police judiciaire et d'agents des douanes dûment habilités pourront être constituées par l'autorité judiciaire.

Les nécessités d'une formation appropriée des agents des douanes ont conduit le législateur à prévoir une entrée différée de cette mesure, soit le premier jour du 7e mois suivant sa publication.

De surcroît, la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions nécessite un important dispositif réglementaire. En particulier, un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités de désignation, d'habilitation et de direction des agents des douanes chargés de certaines missions de police judiciaire.

Dans ces conditions, l'article 28-1 du code de procédure pénale et ses textes d'application donneront lieu ultérieurement à commentaires dans le cadre d'une circulaire spécifique.

En dépit de leur aspect technique, les différentes dispositions de la loi du 23 juin 1999, qui pour la plupart ont pour origine des demandes adressées ces dernières années à la Chancellerie par les juridictions, présentent une utilité particulière en ce qu'elles améliorent les conditions pratiques du fonctionnement du service public de la Justice en matière répressive. Elles offrent ainsi aux juridictions les moyens de préparer dans de meilleures conditions la mise en oeuvre des dispositions de la prochaine loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et des droits des victimes, notamment celles relatives au juge de détention provisoire ou au respect du délai raisonnable.

Je vous serais dans ces conditions obligée de bien vouloir veiller à la plus large diffusion possible de la présente circulaire, et de m'aviser, sous le timbre de la direction des affaires criminelles et des grâces, des difficultés qui pourraient résulter de l'application des dispositions qui y sont commentées.

Vous voudrez bien également m'adresser pour le 31 mai 2000, un rapport sur les conditions de mise en oeuvre des dispositions immédiatement applicables de la nouvelle loi - qui sont récapitulées en annexe - et sur leurs premiers effets.

Le garde des sceaux, ministre de la justice, ELISABETH GUIGOU