La maladie de Creutzfeldt-Jakob (M.C.J.) est une maladie considérée comme rare ; son incidence annuelle est inférieure à un cas par million d'habitants (pour plus de détails, voir la circulaire n° 100 du 11 décembre 1995). Il s'agit d'une encéphalopathie spongiforme humaine. La plupart des cas de cette maladie sont spontanés, parfois d'origine génétique. Toutefois, on a noté ces dernières années, l'apparition et la progression importante de formes iatrogènes, en rapport avec une contamination interhumaine (par inoculation cérébrale directe ou de proximité - greffes de dure-mères, électrodes intracérébrales, greffe de cornée - ou par inoculation périphérique - hormones pituitaires extractives : gonadotrophines ou hormone de croissance).
La surveillance de la M.C.J. repose sur un réseau mis en place en 1991 par l'I.N.S.E.R.M., géré par l'unité 360 et regroupant plusieurs groupes de recherche ainsi que des neurologues et neuropathologistes. Le but du réseau est de regrouper les données et d'analyser l'ensemble des cas de M.C.J. : entre 1992 et 1995, 211 cas ont été enregistrés dont 182 cas certains (confirmés par neuropathologie ou présence de la PrP anormale) ou probables (clinique et électroencéphalogramme caractéristiques) ; 84 p. 100 d'entre eux sont des cas sporadiques, 13 p. 100 sont génétiques et 3 p. 100 iatrogènes (par greffe de dure-mères) ; les 42 cas actuellement attribuables à l'hormone de croissance extractive ne sont pas inclus dans ces données. L'incidence annuelle (0,78 par million d'habitants) est stable sur cette période, l'âge moyen de survenue est de soixante-cinq ans et la durée moyenne de la maladie est de huit mois.
Cette situation épidémiologique est sensiblement équivalente à ce que décrit la littérature et aux données des quatre autres pays participant au réseau européen de surveillance de la M.C.J. (Allemagne, Italie, Pays-Bas et Royaume-Uni).
Parallèlement, il existe des encéphalopathies spongiformes transmissibles (E.S.T.) chez l'animal : tremblante du mouton, encéphalopathie spongiforme bovine (E.S.B.). Mais, jusqu'à présent, aucune contamination de l'animal à l'homme n'avait pu être suspectée.
La publication récente par le Royaume-Uni de dix cas d'une forme particulière de M.C.J. non observée jusqu'alors et pouvant être liée à l'E.S.B. soulève des questions d'une portée considérable. Ces cas tirent leur particularité :
- de l'âge de survenue (avant quarante et un ans) ;
- de l'absence de cause génétique ou iatrogène ;
- de la symptomatologie (troubles psychiatriques initiaux, électroencéphalogramme sans les anomalies observées dans la M.C.J. classique) ;
- de la durée d'évolution (entre six mois et vingt-deux mois) ;
- de l'aspect anatomique (plaques amyloïdes de type kuru et une spongiose prédominant dans les noyaux gris centraux et le thalamus avec, à l'immunocythochimie, une intense accumulation de PrP dans le cervelet).
Un cas similaire vient d'être décrit en France (à Lyon).
Cette nouvelle variante de maladie de Creutzfeldt-Jakob (N-M.C.J.) a conduit les spécialistes britanniques à envisager la possibilité d'un lien entre cette nouvelle forme et l'exposition à l'agent de l'encéphalopathie spongiforme bovine (E.S.B.). Cette hypothèse, non confirmée à ce jour, incite à une vigilance particulière et nécessite le renforcement du système de surveillance actuel de la M.C.J.
Compte tenu de l'importance essentielle que revêt une enquête épidémiologique, approfondie et systématisée, la déclaration obligatoire de la M.C.J. vient d'être décidée et annoncée par mes soins le 5 avril 1996.
Sans attendre la parution du texte concrétisant cette décision, je vous demande d'attirer l'attention des responsables des services de neurologie, de psychiatrie, mais aussi de long séjour de votre département, sur la nécessité de signaler tous les cas suspects et d'inciter ces médecins devant toute suspicion sérieuse à se mettre en contact, dans les plus brefs délais et sans attendre la confirmation du cas, avec INSERM U 360, Mme Alperovitch ou Mme Delasnerie-Lauprêtre, hôpital de la Salpêtrière, 75651 Paris Cedex 13, tél. : (1) 42-16-25-51 ; télécopie : (1) 42-16-25-41.
L'analyse minutieuse des antécédents du patient, l'évolution de la maladie, les résultats des examens complémentaires, et notamment l'anatomopathologie qui devra être pratiquée le plus systématiquement possible, tout en respectant la volonté des familles et les conditions de sécurité du personnel, permettront de confirmer la maladie en liaison avec les spécialistes du réseau de l'I.N.S.E.R.M.
Cette circulaire est destinée à l'ensemble des établissements de soins publics et privés, dont les centres hospitaliers spécialisés, afin d'être diffusée à tous les praticiens des services et consultations de médecine, neurologie, neurochirurgie, psychiatrie et gériatrie, incluant les services de moyen et long séjour.
Je vous demande de bien vouloir me tenir informé des éventuels problèmes rencontrés dans l'application de cette circulaire.
Date d'application : immédiate.
Direction générale de la santé, Sous-direction de la veille sanitaire, Bureau des maladies transmissibles.
Le ministre du travail et des affaires sociales à Mesdames et Messieurs les préfets de région (direction régionale des affaires sanitaires et sociales [pour information]) ; Mesdames et Messieurs les préfets de département (direction départementale des affaires sanitaires et sociales [pour mise en oeuvre]).
Texte non paru au Journal officiel.