Par cette décision en date du 13 février 2015, la Haute juridiction administrative a eu à se prononcer surla décision d’un établissement public de santé ayantprocédé au déclassement d’un bâtiment provenant d’un legs et qui l’avait proposé à la vente.Le conseil d’administration de l’hôpital avait donné pouvoir au directeur de signer tout document relatif à la vente de cebien à une société. Toutefois, ilavaitdécidé de conserver le bien et de le réaffecter au service public hospitalier. La société bénéficiaire de la promesse de vente a alors demandé au juge administratif d’annuler la décision litigieuse de réaffectation du bien au service public hospitalier. Le Conseil d’État a considéré que la délibération autorisant le directeur de l’établissement public de santé à signer les pièces relatives à la vente n’était pas créatrice de droits. Il a estimé « qu'il n'appartient pas, en tout état de cause, au juge administratif de se prononcer sur la question de savoir si le compromis de vente conclu entre l'hôpital et la société était caduc quand l'hôpital a décidé de renoncer à la vente ni sur la question de savoir si une vente parfaite était intervenue » et a rejeté la requête. |
Conseil d'État
N° 381412
8ème et 3ème sous-sections réunies
Mme Esther de Moustier, rapporteur
M. Benoît Bohnert, rapporteur public
lecture du vendredi 13 février 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par un jugement avant-dire droit du 20 septembre 2011, le tribunal de grande instance de Moulins s'est déclaré incompétent pour connaître de la validité de la délibération du 28 avril 2009 de l'hôpital local départemental X et a sursis à statuer dans l'attente d'une décision de la juridiction compétente.
La société Y a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'apprécier la légalité de la délibération n° 09-03 du 28 avril 2009 par laquelle le conseil d'administration de l'hôpital X a décidé de conserver le bâtiment dans le patrimoine de l'établissement et de le réaffecter au service public hospitalier et de déclarer cette délibération illégale.
Par un jugement n° 1300198 du 21 janvier 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de la société Y
Par une ordonnance n° 14LY00917 du 12 juin 2014, le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article R. 321-1 du code de justice administrative, la requête d'appel de la société Y tendant à ce que la délibération du 28 avril 2009 soit déclarée illégale.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par la requête transmise au Conseil d'Etat par le président de la cour administrative d'appel de Lyon, enregistrée le 21 mars 2014 au greffe de cette cour, la société Y demande :
1°) d'annuler le jugement du 21 janvier 2014 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) de constater le caractère irrégulier de la délibération du 28 avril 2009 par laquelle l'hôpital X a décidé de conserver le bâtiment ... dans le patrimoine de l'établissement et de le réaffecter au service public hospitalier ;
3°) de mettre à la charge de l'hôpital X la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Maxime Boutron, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que hôpital public X a décidé, par une délibération du 13 octobre 2005, de procéder au déclassement du bâtiment ... , qui provenait d'un legs et est situé sur le territoire de la commune de Saint-Pourçain-sur-Sioule, afin de le proposer à la vente ; que, par une délibération du 30 octobre 2007, le conseil d'administration de l'hôpital a donné pouvoir au directeur de l'établissement pour signer toutes pièces relatives à la vente du bien à la société Y ; que, par une délibération du 28 avril 2009, il a toutefois décidé de conserver le bâtiment ... et de le réaffecter au service public hospitalier ; que, saisi par la sociétéY, le tribunal de grande instance de Moulins a, par un jugement du 20 septembre 2011, sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction compétente " pour statuer sur la question préjudicielle de la validité de la décision du 28 avril 2009 numéro 09-3 ayant réaffecté le bâtiment en cause au service public hospitalier et l'ayant réintégré au domaine public " ; que la société Y fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;
Sur la délibération du 28 avril 2009 en tant qu'elle reviendrait sur une délibération de 2007 :
2. Considérant que la société soutient que, en tant qu'elle décide la renonciation à la vente de l'immeuble, la délibération du conseil d'administration de l'hôpital du 28 avril 2009 est illégale, dès lors qu'elle revient sur la délibération du 30 octobre 2007, qui était créatrice de droits ;
3. Considérant, en premier lieu, que la société soutient que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré du caractère créateur de droits de la délibération du 30 octobre 2007 ; que, toutefois, le tribunal administratif a jugé que l'accord auquel faisait référence la délibération du 30 octobre 2007 était constitué par l'avenant du 5 octobre 2007 intitulé " Prorogation et modification de la vente conditionnelle signée le 7 février 2006 " ; qu'il a relevé que cet avenant contenait des conditions suspensives dont l'une concernait la nécessité, pour le vendeur, d'obtenir une autorisation du tribunal tendant à la suspension de la clause d'inaliénabilité des biens faisant l'objet de la promesse de vente et prévoyait un délai de deux mois pour la réitération de la vente à compter de la levée des charges et conditions du legs Thuret ; qu'en statuant ainsi, le tribunal a suffisamment répondu au moyen soulevé devant lui ; que son jugement n'est ainsi entaché d'aucune irrégularité ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que la délibération du 30 octobre 2007, qui se borne à autoriser le directeur de l'hôpital à signer les pièces relatives à la vente de l'immeuble, ne saurait être regardée comme une décision créatrice de droits ; que, par suite, les moyens tirées de ce que la délibération du 28 avril 2009, en tant qu'elle aurait, selon la société requérante, abrogé la délibération du 30 octobre 2007, aurait dû être motivée en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public et aurait dû être précédée d'une procédure contradictoire en application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il n'appartient pas, en tout état de cause, au juge administratif de se prononcer sur la question de savoir si le compromis de vente conclu entre l'hôpital et la société était caduc quand l'hôpital a décidé de renoncer à la vente ni sur la question de savoir si une vente parfaite était intervenue ;
Sur la délibération du 28 avril 2009 en tant qu'elle décide la réaffectation de l'immeuble au service public :
6. Considérant que la société requérante ne peut en tout état de cause utilement soutenir que la délibération du 28 avril 2009, en tant qu'elle décide la réaffectation de l'immeuble au service public hospitalier, laquelle était légalement motivée par l'objectif de développer les activités à caractère sanitaire et social de l'hôpital, aurait illégalement procédé à son intégration au domaine public ; que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Y n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, qui n'est par ailleurs entaché d'aucune contradiction de motifs, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;
8. Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'hôpital X qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire doit aux conclusions présentées par l'hôpital au même titre ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Y est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'hôpital X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Y et à l'hôpital X.
Copie en sera adressée, pour information, au président du tribunal de grande instance de Moulins.