Voir pour commentaire : AJDA, 16 juin 2003, pages 1165-1167, par Carole Moniolle |
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 janvier et 2 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE PUYRAVAULT, représenté par son président en exercice domicilié en cette qualité à la maison de retraite "Le Chemin vert" à Puyravault (85450) ; le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE PUYRAVAULT demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt en date du 23 novembre 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 6 mars 1997 et la décision du 20 décembre 1994 du président du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE PUYRAVAULT refusant à Mlle X... le bénéfice de l'allocation d'assurance chômage ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lafouge, Conseiller d'Etat ;
- les observations de la SCP Vincent, Ohl, avocat du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE PUYRAVAULT et de la SCP Rouvière, Boutet, avocat de Mlle X...,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 351-1 du code du travail : " (.) les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement (.) " ; que l'article L. 351-3 du même code prévoit qu'une allocation d'assurance est attribuée aux travailleurs mentionnés à l'article L. 351-1 qui satisfont à des conditions d'âge et d'activité antérieure ; que selon l'article L. 351-12 " ont droit à l'allocation d'assurance dans les conditions prévues à l'article L. 351-3 : (.) 2° Les agents non titulaires des collectivités territoriales et les agents non statutaires des établissements publics administratifs autres que ceux de l'Etat (.) La charge et la gestion de cette indemnisation sont assurées par les employeurs mentionnés au présent article (.) " ; qu'en vertu de l'article L. 351-8, les mesures d'application de ce régime d'assurance sont définies par un accord qui doit être agréé ; que les stipulations de l'article 2 du règlement annexé à la convention du 1er janvier 1994 relative à l'assurance chômage agréée par arrêté du ministre chargé du travail prévoient que : " Les salariés involontairement privés d'emploi ou assimilés dont la cessation du contrat de travail résulte : (.) - d'une fin de contrat de travail à durée déterminée ; (.) peuvent prétendre à un revenu de remplacement (.) " ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 351-28 du code du travail : " Sont exclues, à titre temporaire ou définitif, du revenu de remplacement mentionné par l'article L. 351-1 les personnes qui : 1. Refusent sans motif légitime : a) Un emploi compatible avec leur spécialité ou leur formation antérieure et rétribué à un taux de salaire normalement pratiqué dans la profession et la région " ; qu'en vertu de l'article R. 351-29, le contrôle de l'application des dispositions de l'article R. 351-28 relève de la compétence des services extérieurs du travail et de l'emploi ; que l'article R. 351-33 dispose que : " Si le contrôle conduit à constater qu'un travailleur ne peut, légalement, bénéficier du revenu de remplacement prévu par l'article L. 351-1, le préfet fait connaître à l'intéressé (.) sa décision motivée de lui refuser l'attribution, le renouvellement ou le maintien du revenu de remplacement par application de l'article R. 351-27 ou R. 351-28 (.) " ; que s'il résulte des dispositions réglementaires précitées qu'il appartient exclusivement au représentant de l'Etat ou au chef des services extérieurs du travail et de l'emploi, titulaire d'une délégation régulière, de prendre la décision de refuser à un agent d'un établissement public local privé d'emploi le bénéfice du revenu de remplacement en se fondant sur le refus de l'agent d'accepter une offre d'emploi, ces dispositions ne sont pas applicables au cas de l'agent qui refuse la proposition qui lui est faite par son employeur de renouveler son contrat de travail à durée déterminée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mlle X..., titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée d'un an conclu avec le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE PUYRAVAULT (Vendée) et qui prenait fin le 14 septembre 1994, a refusé la proposition qui lui était faite par son employeur de renouveler ce contrat pour une durée de trois mois ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit en estimant que la décision du 20 décembre 1994 par laquelle le président du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE PUYRAVAULT a refusé à Mlle X... de lui verser des allocations d'assurance chômage aurait dû être prise par le préfet et était ainsi entachée d'incompétence ; que l'arrêt attaqué doit, dès lors, être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision administrative statuant en dernier ressort, peut " régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie " ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que l'agent mentionné à l'article L. 351-12 du code du travail, qui refuse le renouvellement de son contrat de travail, ne peut être regardé comme involontairement privé d'emploi, à moins que ce refus soit fondé sur un motif légitime ; qu'un tel motif peut être lié notamment à des considérations d'ordre personnel ou au fait que le contrat a été modifié de façon substantielle sans justification de l'employeur ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X... a commencé à travailler comme agent de service au CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE PUYRAVAULT depuis la création de celui-ci le 15 septembre 1990 jusqu'au 14 septembre 1992, en vertu d'un contrat emploi solidarité ; qu'elle a continué à travailler dans cet organisme dans le cadre de deux contrats de travail à durée déterminée d'une durée d'un an chacun, soit du 15 septembre 1992 au 14 septembre 1993 puis du 15 septembre 1993 au 14 septembre 1994 ; que le président du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE PUYRAVAULT a alors proposé à Mlle X... le renouvellement de son contrat de travail pour une durée de trois mois seulement ; que s'il n'était pas tenu de renouveler le contrat de l'intéressée pour la même durée, cette dernière justifiait, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à son ancienneté dans l'organisme et en l'absence de justification de l'employeur sur la réduction de la durée de son contrat de travail de douze mois à trois
mois, d'un motif légitime de refus ; qu'elle doit, dès lors, être regardée comme ayant été involontairement privée d'emploi ; que, dans ces conditions, en refusant à Mlle X... le bénéfice de l'allocation d'assurance chômage, le président du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE PUYRAVAULT a entaché sa décision du 20 décembre 1994 d'illégalité ; que Mlle X... est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 23 novembre 2000, le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 6 mars 1997 et la décision du président du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE PUYRAVAULT du 20 décembre 1994 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE PUYRAVAULT est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE PUYRAVAULT, à Mlle X... et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.