REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 3 mai 1978, et le mémoire complémentaire enregistré le 27 juin 1978, présentés pour Mme X., demeurant (...) et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
- 1) annule un jugement du 2 mars 1978 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité en réparation du préjudice que lui a causé son licenciement illégal ;
- 2) condamne l'Etat à lui verser une somme de 39.500 Francs avec les intérêts à compter du 15 décembre 1975 ;
Vu le décret du 22 juin 1972 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 9 du décret du 22 juin 1972 relatif au licenciement des agents civils non fonctionnaires des administrations de l'Etat "aucun licenciement ne peut être prononcé lorsqu'un agent se trouve en état de grossesse médicalement constatée et pendant une période de douze semaine suivant l'accouchement" et qu'aux termes du 3ème alinéa du même article, les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables si l'agent "arrive au terme d'un contrat à durée indéterminée" ;
Considérant que si le contrat passé le 7 janvier 1974 entre l'Etat et Mme X. était conclu pour une période d'un an à compter du 10 décembre 1973, il comportait une clause de renouvellement par tacite reconduction, par périodes de 12 mois ; que dans ces conditions, ce contrat, qui ne comportait pas un terme certain et fixe avec précision dès sa conclusion, n'avait pas le caractère d'un contrat à durée déterminée au sens des dispositions précitées du décret du 22 juin 1972 ; qu'il suit de là qu'en décidant, le 5 septembre 1974, de mettre fin aux fonctions de Mme X. à compter du 10 décembre 1974, alors que celle-ci se trouvait en état de grossesse médicalement constatée, le directeur du service régional de l'équipement de Lorraine a méconnu les dispositions de l'article 9 du décret du 22 juin 1972 ; que cette illégalité a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que Mme X. est, par suite, fondée à demander l'annulation du jugement en date du 2 mars 1978 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer les conséquences dommageables de son licenciement ;
Sur le préjudice :
Considérant que le préjudice subi par Mme X. comporte la perte des rémunérations qu'elle aurait perçues entre la date de son licenciement et l'expiration de la douzième semaine suivant son accouchement, ainsi que la différence entre l'indemnité de licenciement qu'elle aurait perçue à cette denrière date en application de l'article 7 de son contrat et de l'article 4 du décret du 22 juin 1972, et celle qu'elle a perçue lorsqu'il a été mis fin à ses fonctions, déduction faite des rémunrérations éventuellement perçues par elle pendant la même période ; considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme X. ait subi, en raison des conditions dans lesquelles elle a été licenciée, des troubles dans ses conditions d'existence ou une atteinte à sa réputation de nature à lui ouvrir droit à indemnité ; considérant que l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer le montant de l'indemnité due à Mme X. ; qu'il y a lieu de renvoyer celle-ci devant le ministre de l'environnement et du cadre de vie pour y être procédé à la liquidation de cette indemnité ;
Sur les intérêts :
Considérant que Mme X. a droit aux intérêts des sommes auxquelles elle peut prétendre à compter de la date de réception par l'administration de sa demande d'indemnité, à savoir le 15 décembre 1975
Décide
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 mars 1978, ensemble la décision implicite de rejet du ministre de l'équipement refusant d'accorder une indemnité à Mme X. sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à réparer les conséquences dommageables de la décision prononçant le licenciement de Mme X. à compter du 10 décembre 1974.
Article 3 : Mme X. est renvoyée devant le ministre de l'environnement et du cadre de vie, pour qu'il soit procédé, dans les conditions indiquées par la présente décision, à la liquidation de l'indemnité et des intérêts qui lui sont dus.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de mme X., devant le Conseil d'Etat et de sa demande devant le tribunal administratif de Nancy est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme X., et au ministre de l'environnement et du cadre de vie.