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Conseil d'Etat, 16 mars 2005, Centre hospitalier régional et universitaire de Rennes (faute médicale - accouchement - absence de recours à un accouchement par césarienne)

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 12 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE RENNES, représenté par son directeur général en exercice, domicilié au siège de l'établissement, sis 2, rue de l'Hôtel-Dieu à Rennes (35033) ; le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE RENNES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 13 mai 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'ordonnance de référé du tribunal administratif de Rennes du 30 juin 2003, qui l'a condamné à verser une rente annuelle de 7 600 euros à M. et Mme Brahim A., en qualité d'administrateurs légaux de leur fils Sami, en réparation des conséquences dommageables de l'accouchement de Mme A., et une somme de 10 000 euros, chacun, en réparation de leur préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence ;
2°) statuant en qualité de juge des référés, de rejeter la demande de M. et Mme A. tendant au versement d'une provision ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;

Considérant que l'article R. 541-1 du code de justice administrative dispose que : "Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A. ont demandé réparation au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE RENNES des préjudices résultant pour leur fils Sami des graves séquelles physiques et neurologiques dont il est atteint à la suite de sa naissance dans cet établissement public hospitalier le 12 mai 1999 ; qu'ils ont également demandé la condamnation de cet établissement à leur verser une provision d'un montant de 30 000 euros en réparation de leur préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence, ainsi qu'une provision de 100 000 euros en leur qualité d'administrateur légal de leur fils Sami ; que, par une ordonnance du 30 juin 2003, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, statuant sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, a condamné le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE RENNES à verser à M. et Mme A. une rente annuelle de 7 600 euros en leur qualité d'administrateurs légaux de leur fils Sami, ainsi qu'une somme de 10 000 euros chacun en réparation de leurs préjudices propres ; que, par un arrêt du 13 mai 2004, dont le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE RENNES demande l'annulation, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de cet établissement tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes en date du 30 juin 2003 ;

Considérant que la cour administrative d'appel a constaté que, lors de l'accouchement de Mme A. déclenché le 12 mai 1999, la phase de travail de la parturiente qui avait débuté aux environs de 9 heures s'était caractérisée, entre dix heures et treize heures trente, par la stagnation de la dilatation du col utérin, accompagnée d'une modification du rythme cardiaque fœtal ; qu'elle a ensuite relevé que si, selon la littérature médicale jointe au rapport d'expertise et contrairement à l'interprétation qu'en a donnée l'expert, une durée de trois heures sans progression de la dilatation ou avec une vitesse de dilatation inférieure à un centimètre par heure, était généralement regardée comme un délai minimum incompressible devant précéder la décision de recourir à un accouchement par césarienne, la façon dont se déroulait le travail de Mme A., caractérisé par l'absence de dilatation du col utérin pendant plus de trois heures, l'impossibilité de prévoir le terme de cette période de stagnation de la dilatation, laquelle pouvait occasionner une souffrance fœtale, les modifications du rythme cardiaque fœtal et l'existence de contractions non maîtrisées pouvant provoquer une anoxie fœtale, auraient dû conduire l'équipe obstétricale à pratiquer une césarienne à partir de treize heures trente, en dépit des risques inhérents à ce type d'intervention ; que la cour a enfin relevé qu'en laissant se prolonger une période de stagnation de la dilatation jusqu'à ce que le col utérin de Mme A. se dilate brutalement à quinze heures trente et en décidant de poursuivre l'accouchement par les voies naturelles, au cours duquel une perte du signal cardiaque de l'enfant est survenue entre seize heures trente cinq et seize heures quarante cinq, l'équipe médicale avait privé le jeune Sami de toute chance d'échapper aux séquelles d'une extrême gravité dont il souffre ; qu'en déduisant de ces faits, qu'elle a souverainement appréciés sans les dénaturer, l'existence d'une obligation non sérieusement contestable à la charge du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE RENNES, la cour administrative d'appel de Nantes, dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE RENNES n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

DECIDE :
Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE RENNES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL ET UNIVERSITAIRE DE RENNES, à M. et Mme Brahim A., à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.