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Conseil d’Etat, 17 novembre 2006, n°270863 (Mineure – Dossier médical – Communication aux titulaires de l’autorité parentale – Droit au secret de la patiente mineure)

Une mineure, accueillie au centre-médico psychologique d’une centre hospitalier spécialisé, s’est opposée au fait que sa mère soit tenue informée d’une partie des informations contenues dans son dossier médical. En application de l’article L. 1111-5 du Code de la santé publique, le directeur de cet établissement public de santé a accédé à la demande de confidentialité de la patiente mineure. Suite au refus de communication totale du dossier médical de sa fille, la mère a alors saisi la juridiction administrative qui a rejeté sa requête. Le Conseil d’Etat considère en effet que la mère de la patiente mineure avait reçu communication de l’intégralité des informations communicables en possession du centre hospitalier ; cet accès étant limité par la faculté d’opposition du mineur quant à la communication des informations le concernant aux titulaires de l’autorité parentale en vertu de l’article L. 1111-5 du Code de la santé publique.

Conseil d'Etat
statuant
au contentieux

N° 270863
Inédit au recueil Lebon
10EME ET 9EME SOUS-SECTIONS REUNIES
M. Martin, président
M. Edouard Geffray, rapporteur
Mme Mitjavile, commissaire du gouvernement
SCP VUITTON, VUITTON, avocats

lecture du vendredi 17 novembre 2006

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août 2004 et 19 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme X, demeurant ... ; Mme X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 29 juillet 2004 par laquelle le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 20 juillet 2004 du tribunal administratif d'Amiens prononçant un non-lieu à statuer sur sa demande en annulation de la décision du directeur du centre hospitalier interdépartemental de Clermont de l'Oise refusant de lui communiquer le dossier médical de sa fille ;

2°) statuant au fond, d'annuler le jugement du 20 juillet 2004 du tribunal administratif d'Amiens et la décision du directeur du centre hospitalier interdépartemental de Clermont de l'Oise ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 2000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique, statuant ses articles L. 1111-5 et L. 1111-7 ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée ;

Vu l'arrêté du 14 mars 1986 relatif aux équipements de lutte contre les maladies mentales comportant ou non des possibilités d'hébergement ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Geffray, Auditeur,

- les observations de la SCP Vuitton, Vuitton, avocat de Mme X,

- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions dirigées contre l'ordonnance du 29 juillet 2004 du président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Douai :

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 351-2 du code de justice administrative : « Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire … » ;

Considérant que Mme X a saisi la cour administrative d'appel de Douai d'une requête dirigée contre un jugement en date du 20 juillet 2004 du tribunal administratif d'Amiens déclarant sans objet sa demande tendant à l'annulation d'une décision du directeur du centre hospitalier interdépartemental de Clermont de l'Oise refusant de lui communiquer les informations médicales relatives à sa fille ; que le président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Douai, en rejetant comme irrecevable sa requête par application des dispositions combinées des articles R. 222-1, R. 811-1 et R. 222-13 du code de justice administrative au motif que la lettre de notification du jugement l'informait de manière exacte et complète de ce que ce jugement pouvait faire l'objet d'un recours en cassation devant le Conseil d'Etat, a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; qu'il y a lieu, par suite, de l'annuler et de statuer sur la requête ;

Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 20 juillet 2004 ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique : « Toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues par des professionnels et établissements de santé qui sont formalisées et ont contribué à l'élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou d'une action de prévention, ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en oeuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 1111-5 du même code : « Par dérogation à l'article 371-2 du code civil, le médecin peut se dispenser d'obtenir le consentement du ou des titulaires de l'autorité parentale sur les décisions médicales à prendre lorsque le traitement ou l'intervention s'impose pour sauvegarder la santé d'une personne mineure, dans le cas où cette dernière s'oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l'autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé. Toutefois, le médecin doit dans un premier temps s'efforcer d'obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Dans le cas où le mineur maintient son opposition, le médecin peut mettre en oeuvre le traitement ou l'intervention. Dans ce cas, le mineur se fait accompagner d'une personne majeure de son choix » ;

Considérant que Mlle X a été accueillie au centre-médico psychologique du centre hospitalier spécialisé de Clermont de l'Oise qui est une unité de coordination et d'accueil en milieu ouvert exerçant des actions de prévention, de diagnostic, de soins ambulatoires et d'interventions à domicile selon l'article 1er de l'arrêté du 14 mars 1986 susvisé ; qu'en relevant qu'il n'était pas établi d'une part, que Mlle X, laquelle avait donné, en application de l'article L. 1111-5 du code de la santé publique précité, son accord écrit à la communication à sa mère « d'une partie de son dossier », aurait séjourné dans cet établissement en raison d'une maladie mentale dont elle serait affectée et d'autre part, que le centre hospitalier de Clermont aurait cherché à dissimuler, en communiquant à Mme X le dossier de sa fille, des informations en sa possession, le tribunal administratif d'Amiens n'a ni fondé son jugement sur des faits matériellement inexacts ni dénaturé ces faits ; qu'il a pu légalement en déduire que Mme X avait reçu communication, postérieurement à sa demande au tribunal, de l'intégralité des informations communicables en possession du centre hospitalier spécialisé de Clermont de l'Oise au titre de l'intervention auprès de Mlle X du centre médico-psychologique et que, par suite, cette demande était devenue sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que le centre hospitalier spécialisé de Clermont de l'Oise ne saurait être regardé comme la partie perdante dans la présente instance ; que ces conclusions ne peuvent, dès lors, être accueillies ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Douai en date du 29 juillet 2004 est annulée.

Article 2 : La requête présentée par Mme X devant la cour administrative d'appel de Douai est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme X, au centre hospitalier spécialisé de Clermont de l'Oise et au ministre de la santé et des solidarités.