Le cadre juridique de la délivrance d'un certificat médical est strictement défini par les articles 28, 41 et 51 du code de déontologie médicale (voir annexe). Il en résulte que le médecin doit adopter un comportement impartial et mesuré.
Ainsi, un médecin commet une faute contraire à l'honneur professionnel lorsque, dans le cadre d'une procédure de divorce, il établit un certificat de complaisance faisant état d'un climat incestueux dans la famille du père sur les seules allégations de la mère, et alors même que l'enfant nie avoir été l'objet de gestes équivoques. |
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 mars et 23 juillet 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M X., demeurant (...) ; M X. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 21 janvier 1998 par laquelle la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins lui a infligé la sanction de l'interdiction d'exercer la médecine pendant trois mois ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié ;
Vu le décret n° 79-506 du 28 juin 1979 portant code de déontologie médicale ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Picard, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller , avocat de M X. et de la SCP Vier, Barthélemy avocat du Conseil national de l'Ordre des médecins,
- les conclusions de M Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en faisant grief à M X; d'avoir établi à l'intention de l'avocat d'une de ses clientes en instance de divorce deux certificats médicaux dans lesquels il ne se bornait pas à faire état de ses constatations et des déclarations d'une enfant âgée de 5 ans sur les attouchements sexuels dont elle aurait été l'objet de la part de son père, mais ajoutait que son petit frère devait être également protégé alors qu'il avait nié avoir été l'objet de gestes équivoques, prenait parti sur le droit de visite du père et, sur la seule foi des déclarations de la mère, avait accusé la famille paternelle d'avoir entretenu un climat incestueux, la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins n'a pas dénaturé le contenu des attestations médicales en cause ;
Considérant que la section disciplinaire a estimé qu'en délivrant de tels certificats à l'avocat de la mère des enfants examinés, en vue de leur production dans une procédure de divorce, M X. n'avait pas usé des moyens de protection de l'enfant que lui confèrent les dispositions, dans leur rédaction alors en vigueur, de l'article 62, alinéa 2, du code pénal et de l'article 45 du code de déontologie médicale aux termes duquel "lorsqu'un médecin discerne qu'un mineur auprès duquel il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour le protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection, mais en n'hésitant pas, si cela est nécessaire, à alerter les autorités compétentes s'ils s'agit d'un mineur de quinze ans" ; qu'elle a également considéré que l'intéressé n'avait pas agi en fonction d'une appréciation nuancée des constatations qu'il avait faites et des conséquences de ses actes sur la vie privée des personnes mises en cause et que ce comportement constituait une violation des dispositions des articles 46 et 49 du même code de déontologie qui interdisent respectivement au médecin de s'immiscer dans les affaires de famille et de délivrer des rapports tendancieux ou des certificats de complaisance ; que la section disciplinaire a ainsi exactement qualifié les faits reprochés à M X. ;
Considérant qu'en estimant que de tels manquements à la déontologie professionnelle étaient contraires à l'honneur et sont par suite exclus du bénéfice de l'amnistie, la section disciplinaire a fait une exacte application de la loi du 3 août 1995 ;
Décide :
Article 1er : La requête de M X. est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M X., au Conseil national de l'Ordre des médecins et au ministre de l'emploi et de la solidarité.
Décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale
Art. 28
La délivrance d'un rapport tendancieux ou d'un certificat de complaisance est interdite.
Art. 44
Lorsqu'un médecin discerne qu'une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en oeuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection.
S'il s'agit d'un mineur de quinze ans ou d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique il doit, sauf circonstances particulières qu'il apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives.
Art. 51
Le médecin ne doit pas s'immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients.