Revenir aux résultats de recherche

Conseil d’État, 23 juillet 2014, n° 352407 (Médecin expert – Établissement public de santé – Litige – Procédure contentieuse)

Par cette décision, la haute juridiction administrative considère que l’appartenance d’un médecin de l’AP-HP ne fait pas obstacle à sa désignation comme expert dans un litige où l’établissement public de santé est partie. En effet, dans un considérant de principe, il est précisé « qu'eu égard, d'une part, aux obligations déontologiques et aux garanties qui s'attachent tant à la qualité de médecin qu'à celle d'expert désigné par une juridiction et, d'autre part, à la circonstance que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris gère 37 hôpitaux et emploie plus de 20 000 médecins, l'appartenance d'un médecin aux cadres de cet établissement public ne peut être regardée comme suscitant par elle-même un doute légitime sur son impartialité, faisant obstacle à sa désignation comme expert dans un litige où l'AP-HP est partie ». Cette décision s’appuie ainsi sur la distinction des activités exercées au sein de cet établissement public de santé pour écarter la récusation d’un expert et d’un sapiteur qui ont été désignés pour se prononcer sur les causes d’un décès au sein d’un groupe hospitalier de l’établissement public de santé.

 

 

Conseil d'État

N° 352407   

5ème / 4ème SSR

Mme Dominique Chelle, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP MONOD, COLIN, STOCLET, avocats

lecture du mercredi 23 juillet 2014

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 septembre et 5 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X., demeurant... ; M. X.  demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA04264 du 28 mars 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé l'ordonnance n° 1010698 du 23 juin 2010 de la présidente de la 6ème section du tribunal administratif de Paris, a rejeté sa demande tendant à la récusation de Mme A. et de M. B., désignés respectivement en qualité d'expert et de sapiteur par ordonnance du juge des référés de ce tribunal administratif avec mission, notamment, de se prononcer sur les causes du décès de Mme Z. à l'hôpital Y.  ;

2°) réglant au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) la somme de 4 000 euros à verser à la SCP Monod-Colin au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 juillet 2014, présentée pour M.X.  ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Chelle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. X. ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-6 du code de justice administrative : " Les experts ou sapiteurs mentionnés à l'article R.621-2 peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges (...) " ; qu'aux termes de l'article L.721-1 du même code : " La récusation d'un membre de la juridiction est prononcée, à la demande d'une partie, s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité " ;

2. Considérant que, par une ordonnance du 23 novembre 2009, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a prescrit, à la demande de MM. X. , une expertise médicale portant sur les conditions du décès de Mme Z. lors de son hospitalisation à l'hôpital Y. à Paris ; que les opérations d'expertise ont été confiées à Mme A. et à M. B., en qualité respectivement d'expert et de sapiteur ; que, le 31 mai 2010, MM. X. ont présenté une demande de récusation de l'expert et du sapiteur ; que, par une ordonnance du 23 juin 2010, la présidente de la 6e chambre du tribunal, a prononcé un non-lieu à statuer au motif que le rapport d'expertise avait été déposé le 2 juin ; que, par l'arrêt du 28 mars 2011 contre lequel M. X. se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a annulé la décision du premier juge au motif que l'achèvement des opérations d'expertise n'avait pas privé de son objet la demande de récusation des experts puis, statuant par la voie de l'évocation, a rejeté cette demande comme non fondée ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

3. Considérant que l'action en récusation d'un expert ne porte ni sur des droits et obligations de caractère civil, ni sur une accusation en matière pénale au sens des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, en s'abstenant d'examiner la demande de récusation des consorts X. sur le fondement de ces stipulations, alors qu'elles étaient mentionnées dans la requête dont elle était saisie, la cour n'a pas entaché son arrêt d'irrégularité ; que son arrêt est, par ailleurs, suffisamment motivé ;
 

Sur le bien-fondé de l'arrêt :

4. Considérant, en premier lieu, que la cour, dont l'arrêt n'est pas entaché de contradiction de motifs, n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu, mis à la charge des requérants la preuve de la partialité de l'expert et du sapiteur mais s'est attachée à déterminer, comme il lui appartenait de le faire, s'il existait des raisons sérieuses de douter de leur impartialité ;

5. Considérant, en second lieu, qu'eu égard, d'une part, aux obligations déontologiques et aux garanties qui s'attachent tant à la qualité de médecin qu'à celle d'expert désigné par une juridiction et, d'autre part, à la circonstance que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris gère 37 hôpitaux et emploie plus de 20 000 médecins, l'appartenance d'un médecin aux cadres de cet établissement public ne peut être regardée comme suscitant par elle-même un doute légitime sur son impartialité, faisant obstacle à sa désignation comme expert dans un litige où l'AP-HP est partie ; que la cour administrative d'appel, devant laquelle n'était pas alléguée l'existence de liens particuliers d'ordre professionnel entre l'expert ou le sapiteur et les médecins qui avaient pris en charge Mme Z. , a constaté que ni Mme A. , praticien attaché au groupe hospitalier …, ni M.B., praticien attaché à l'hôpital … , n'exerçaient leurs fonctions au sein de l'hôpital Y., mis en cause par les consorts X.  ; qu'en jugeant, dans ces conditions, que la situation professionnelle de Mme A. et de M. B. ne justifiait pas leur récusation, elle n'a commis ni erreur de droit, ni erreur de qualification juridique ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'en estimant qu'il ne ressortait pas des termes du rapport d'expertise, qui ne se bornait pas à reprendre l'argumentation de l'AP-HP et qui dans sa partie " Discussion " répondait aux questions posées dans l'ordonnance du 23 novembre 2009 de façon claire et argumentée, que l'expert et le sapiteur auraient fait preuve de parti pris, la cour n'a pas commis d'erreur de qualification juridique des faits ;

7. Considérant, enfin, qu'en écartant comme inopérants à l'appui d'une demande de récusation des moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'expertise, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X. n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de M. X. est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X.  à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.