Par cet arrêt, le Conseil d’Etat considère que les ministres signataires de l’arrêté du 24 mars 1967 relatif aux conditions d'attribution de primes de service aux personnels de certains établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics ne disposaient de la compétence pour instaurer une prime de service en faveur des agents contractuels servant dans des établissements publics hospitaliers dès lors que ces agents sont placés sous une autre autorité que la leur. La haute juridiction administrative estime ainsi que l’article 1er de cet arrêté était, dès l’origine, entaché d’incompétence en tant qu’il dispose que les primes de service qu’il instaure sont également applicables aux agents des services hospitaliers recrutés à titre contractuel par les établissements publics hospitaliers. |
Conseil d'État
1ère et 6ème sous-sections réunies
N° 312446
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
M. Vigouroux, président
M. Alain Boulanger, rapporteur
Mlle Courrèges Anne, commissaire du gouvernement
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocats
Lecture du lundi 23 mars 2009
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 janvier et 21 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE MONTEREAU, dont le siège est 1 bis, rue Victor Hugo à Montereau-Fault-Yonne (77130) ; le CENTRE HOSPITALIER DE MONTEREAU demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 20 novembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 5 juillet 2006 du tribunal administratif de Melun annulant la décision du 17 novembre 2005 du directeur de ce centre hospitalier refusant d'attribuer la prime de service aux agents contractuels et la décision implicite du 15 décembre 2005 de rejet du recours gracieux du syndicat CGT des personnels du centre hospitalier de Montereau et enjoignant au directeur du centre hospitalier de proposer à la commission administrative paritaire l'attribution aux agents concernés de la prime de service dans un délai de trois mois, d'autre part, au rejet de la demande de ce syndicat présentée devant le tribunal administratif de Melun ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du syndicat CGT des personnels du centre hospitalier de Montereau la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu l'arrêté du 24 mars 1967 relatif aux conditions d'attribution de primes de service aux personnels de certains établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Boulanger, chargé des fonctions de Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du CENTRE HOSPITALIER DE MONTEREAU et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du syndicat CGT des personnels du centre hospitalier de Montereau,
- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du CENTRE HOSPITALIER DE MONTEREAU et à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du syndicat CGT des personnels du centre hospitalier de Montereau ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 24 mars 1967 : « Dans les établissements d'hospitalisation, de soins ou de cure publics (...), les personnels titulaire et stagiaire ainsi que les agents des services hospitaliers recrutés à titre contractuel peuvent recevoir des primes de service liées à l'accroissement de la productivité de leur travail dans les conditions prévues au présent arrêté » ; que pour confirmer, par l'arrêt attaqué, le jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé les décisions par lesquelles le directeur du CENTRE HOSPITALIER DE MONTEREAU a refusé à l'ensemble des agents contractuels de cet établissement le bénéfice d'une prime de service, la cour administrative d'appel de Paris s'est fondée sur l'applicabilité à ces agents des dispositions de l'arrêté du 24 mars 1967 rappelées ci-dessus ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 813 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur à la date de la signature de l'arrêté du 24 mars 1967 : « Des arrêtés concertés des ministres de la santé publique et de la population, de l'intérieur et des finances et des affaires économiques (...) détermineront les conditions dans lesquelles les personnels soumis au présent statut pourront, à titre exceptionnel, bénéficier d'avantages en nature et recevoir des primes et indemnités, notamment pour travaux pénibles ou insalubres et pour travaux supplémentaires » ; que les ministres signataires de l'arrêté du 24 mars 1967 tenaient de ces dispositions la compétence pour instaurer une prime de service en faveur des agents titulaires ou stagiaires relevant du statut défini à l'article L. 792 du même code ; qu'ils tenaient par ailleurs de leur pouvoir général d'organisation de leurs services la compétence pour instaurer, dans le cadre des lois et règlements alors en vigueur, une prime de service en faveur des agents contractuels placés sous leur autorité dans ces services ; qu'ils ne pouvaient en revanche compétemment instaurer une telle prime pour des agents contractuels servant dans des établissements publics hospitaliers dès lors que ces agents sont placés sous une autre autorité que la leur ; qu'ainsi, l'article 1er de l'arrêté du 24 mars 1967 était, dès l'origine, entaché d'incompétence en tant qu'il dispose que les primes de service qu'il instaure sont également applicables aux agents des services hospitaliers recrutés à titre contractuel par les établissements publics hospitaliers ; qu'il ne peut dès lors, dans cette mesure, recevoir légalement application ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en estimant que les dispositions de l'arrêté du 24 mars 1967 étaient applicables aux agents contractuels du CENTRE HOSPITALIER DE MONTEREAU, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi, son arrêt doit, pour ce motif, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions de l'arrêté du 24 mars 1967 n'étaient en tout état de cause, dès l'origine, pas légalement applicables aux agents contractuels des établissements publics hospitaliers ; qu'il suit de là que c'est à tort que, pour annuler les décisions litigieuses du directeur du CENTRE HOSPITALIER DE MONTEREAU, le tribunal administratif de Melun s'est fondé sur l'unique moyen articulé devant lui par le syndicat CGT des personnels du centre hospitalier, tiré de l'application des dispositions de cet arrêté ; que, dès lors, son jugement doit être annulé et, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le CENTRE HOSPITALIER DE MONTEREAU, la demande du syndicat CGT des personnels du centre hospitalier de Montereau, tendant à l'annulation des décisions de refus du directeur du CENTRE HOSPITALIER DE MONTEREAU et à ce qu'il soit enjoint au CENTRE HOSPITALIER DE MONTEREAU de verser la prime de service aux agents contractuels de l'établissement, doit être rejetée ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE MONTEREAU qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par le syndicat CGT des personnels du centre hospitalier de Montereau et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat CGT des personnels du centre hospitalier de Montereau le versement au CENTRE HOSPITALIER DE MONTEREAU d'une somme de 3 000 euros au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 20 novembre 2007 est annulé.
Article 2 : Le jugement du 5 juillet 2006 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 3 : La demande présentée par le syndicat CGT des personnels du centre hospitalier de Montereau devant le tribunal administratif de Melun et ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Paris et le Conseil d'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le syndicat CGT des personnels du centre hospitalier de Montereau versera au CENTRE HOSPITALIER DE MONTEREAU une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER DE MONTEREAU et au syndicat CGT des personnels du centre hospitalier de Montereau.
Copie en sera adressée pour information à la ministre de la santé et des sports et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.