En l’espèce, un détenu a subi un examen endoscopique au sein d’un établissement de santé au cours duquel un agent du service pénitentiaire était présent. Sur le fondement de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative, il saisit le juge des référés tendant à enjoindre au ministre de la justice d’examiner le dispositif de sécurité pour la réalisation, en milieu hospitalier, d'un examen médical qui respecte la confidentialité des soins et le droit au respect de la dignité humaine. Le juge des référés rejette la requête en relevant qu’il appartient à l’administration pénitentiaire de définir au vu du profil pénal du détenu les modalités adaptées tant en terme de respect de la confidentialité des soins médicaux que des mesures de sécurité destinées à prévenir tout incident. Le requérant a alors formé un pourvoi en cassation qui a été rejeté par le Conseil d’Etat. La Haute juridiction administrative considère en effet que, dans de telles conditions, une nouvelle extraction ne serait pas de nature à provoquer un traitement inhumain et dégradant en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il estime ainsi que la présence d'un agent des services pénitentiaires dans la salle d'examen ne suffisait pas, dès lors que la confidentialité des soins était respectée, à provoquer une telle situation à l'encontre de la dignité du détenu.
Conseil d'État
6ème et 1ère sous-sections réunies
N° 324555
Inédit au recueil Lebon
M. Stirn, président
M. Stéphane Hoynck, rapporteur
M. Guyomar Mattias, commissaire du gouvernement
SPINOSI, avocat
Lecture du vendredi 24 juillet 2009
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Pierre A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 12 janvier 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête tendant, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, à ce qu'il soit enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice d'examiner le dispositif de sécurité à mettre en place à l'hôpital, permettant d'assurer la réalisation de l'endoscopie programmée dans le respect du secret médical et du droit au respect de la vie privée, de rappeler au personnel de l'escorte pénitentiaire l'obligation de respecter la confidentialité des soins, et à ce qu'il soit enjoint de prendre toute mesure conservatoire qui se révèlerait indispensable à la préservation de la confidentialité des soins et du droit au respect de la dignité humaine ;
2°) statuant en référé, de faire droit à la demande présentée au juge des référés de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Hoynck, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Spinosi, avocat de M. A et de la section française de l'observatoire international des prisons,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat de M. A et de la section française de l'observatoire international des prisons ;
Considérant que par une ordonnance du 12 janvier 2009, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de M. A, détenu au centre de détention de Val-de-Reuil, tendant, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, à ce qu'il soit enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de mettre en place un dispositif de sécurité à l'occasion d'un examen médical à assurer en milieu hospitalier qui respecte la confidentialité des soins et le droit au respect de la dignité humaine ; que M. A se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;
Considérant que la section française de l'observatoire international des prisons a intérêt à l'annulation de l'ordonnance attaquée ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. ;
Considérant que pour rejeter la demande de M. A, le juge des référés a estimé que la circonstance que le requérant avait fait l'objet le 8 juillet 2008 d'une extraction de l'établissement pénitentiaire où il est détenu, en vue de la réalisation d'un examen endoscopique dans un établissement de santé et qu'au cours de l'examen médical en cause un agent du service pénitentiaire serait demeuré présent pour des raisons de sécurité liées à l'agencement du lieu ne suffisait pas à établir la nécessité de prononcer la mesure sollicitée ; qu'en statuant ainsi, après avoir relevé qu'il appartenait à l'administration pénitentiaire, laquelle s'était d'ailleurs engagée à prendre des mesures concrètes destinées à préserver le secret médical et l'intimité du patient, de définir au vu du profil pénal de M. A des modalités adaptées tant en terme de respect de la confidentialité des soins médicaux lors d'une nouvelle endoscopie qu'il devait subir prochainement que des mesures de sécurité destinées à prévenir tout incident, le juge des référés, qui a suffisamment motivé son ordonnance, a porté sur l'utilité de la mesure sollicitée une appréciation souveraine exempte de dénaturation ; qu'en n'estimant pas que dans de telles conditions une nouvelle extraction serait de nature à provoquer un traitement inhumain et dégradant en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le juge des référés n'a pas davantage dénaturé les faits de la cause, la présence d'un agent des services pénitentiaires dans la salle d'examen ne suffisant pas, dès lors que la confidentialité des soins est respectée, à provoquer une telle situation à l'encontre de la dignité du détenu ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ; que contrairement à ce qui est soutenu, le rejet de sa demande de référé mesures utiles par le juge des référés du tribunal administratif de Rouen et du présent pourvoi en cassation contre cette ordonnance n'entraînent par eux-mêmes aucune méconnaissance du droit au recours de M. A, garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'un intervenant n'ayant pas la qualité de partie à l'instance, les conclusions de la section française de l'observatoire international des prisons tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention de la section française de l'observatoire international des prisons est admise.
Article 2 : Le pourvoi de M. A est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la section française de l'observatoire international des prisons tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre A et à la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ainsi qu'à la section française de l'observatoire international des prisons.