Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 novembre 2002 et 31 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Juliette S., agissant en sa qualité de fille et unique héritière de Mme W., demeurant (...) ; Mlle S. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 2 octobre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, réformant le jugement en date du 22 février 2000 du tribunal administratif de Paris, n'a que partiellement fait droit à la requête de Mme W. tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à réparer les conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale que celle-ci a subie le 16 janvier 1995 à l'Hôpital Saint-Antoine ;
2°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser les diverses sommes réclamées, assorties des intérêts et des intérêts capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris le versement d'une somme de 2 300 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, notamment son article 98 ;
Vu la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Considérant qu'aux termes de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002, dans la rédaction que lui a donnée l'article 3 de la loi du 30 décembre 2002 : "Les dispositions du titre IV du livre 1er de la première partie du code de la santé publique issues de l'article 98 de la présente loi, à l'exception du chapitre 1er de l'article L. 1142-2 et de la section 5 du chapitre II, s'appliquent aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, qui sont intervenues pour préciser les modalités d'entrée en vigueur de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002 et qui ne contreviennent pas aux stipulations du premier alinéa de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le nouveau régime de responsabilité institué par les articles L. 1142-1 et suivants du code de la santé publique s'applique aux accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés à compter du 5 septembre 2001, même s'ils font l'objet d'une instance en cours ; qu'il n'est en revanche pas applicable aux procédures en cours relatives à des accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés avant cette date ; que l'examen artériographique auquel est imputé le dommage subi par Mme W. a été pratiqué le 16 janvier 1995 ; qu'il s'ensuit que la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit en ne faisant pas d'office application, dans le litige dont elle était saisie, du régime de responsabilité institué par la loi du 4 mars 2002 et en n'appelant pas en cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Paris, en estimant que la faute commise par les praticiens de l'hôpital Saint-Antoine, en n'informant pas Mme W. des risques que présentait l'embolisation pratiquée le 16 janvier 1995, n'avait entraîné pour celle-ci que la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé et que la réparation du dommage qui en était résulté, devait être fixée seulement à une fraction des différents chefs de préjudice subis, n'a pas commis d'erreur de droit ; que c'est par une appréciation souveraine des faits que la cour, qui n'était pas tenue de répondre expressément à l'allégation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris selon laquelle Mme W. ayant accepté de subir une nouvelle embolisation en décembre 1995, était nécessairement informée des risques qu'elle encourait lors de la première intervention de janvier 1995, a estimé que la preuve de ce que la patiente avait été informée du risque d'accident, n'était pas rapportée ;
Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, "si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément" ; que la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit en imputant la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris sur l'indemnité correspondant à la perte de chance d'éviter un préjudice corporel, à l'exception de la part d'indemnité de caractère personnel ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle, dans les circonstances de l'espèce, à ce que soit mise à la charge de Mlle S. la somme que demande l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, à ce que soit mise à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme que demande Mlle S. au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens et à ce que soit mise à la charge de Mlle S. la somme que demande la caisse primaire d'assurance maladie de Paris au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mlle S. est rejetée.
Article 2 : Le pourvoi incident et les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mlle Juliette S., à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et au ministre de la santé et de la protection sociale.