En l’espèce, une patiente a été transférée au sein d’un service de neurochirurgie d’un groupe hospitalier en état de coma à la suite d’une hémorragie cérébrale causée par une malformation artério-veineuse. Elle a subi par la suite deux interventions qui ont permis de conclure à la disparition de la malformation en cause. A la suite d’une artériographie de contrôle, un résidu de la malformation initiale a été détecté. Une intervention subie en 2001 a permis de le corriger mais a entraîné une cécité totale et définitive de l’œil droit du fait de la migration d’un produit injecté pour pratiquer l’embolisation d’une artère. La patiente et son époux ont alors saisi la juridiction administrative afin d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices. Le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi des requérants. S’agissant de la responsabilité sans faute, il rappelle que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue, mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité. L’une des conditions requises pour que la responsabilité sans faute du groupe hospitalier puisse être engagée n’étant pas satisfaite, à savoir le fait que le risque soit inconnu, le Conseil d’Etat rejette les conclusions présentées à cette fin par les requérants. S’agissant de la responsabilité pour faute, la Haute juridiction a considéré qu’aucune faute n’avait pu être retenue et a confirmé que la perte de l’œil consécutive à l’injection n’étant pas connue, les praticiens n’ont pu manquer à leur obligation d’information. Ainsi, un usager du service public hospitalier, victime de la réalisation d’un risque inconnu, ne peut faire reconnaître la responsabilité d’un établissement public de santé sur le fondement de l’obligation d’information et sur la jurisprudence Bianchi (CE, 9 avril 1993). |
Conseil d'État
5ème et 4ème sous-sections réunies
N° 297994
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
M. Daël, président
M. Xavier de Lesquen, rapporteur
M. Thiellay Jean-Philippe, commissaire du gouvernement
SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; LE PRADO, avocats
Lecture du vendredi 24 octobre 2008
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 octobre et 19 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 6 juillet 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 2 avril 2003 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a, sur leur demande, condamné le Groupe hospitalier Sud Réunion à leur verser une indemnité de 350 000 euros en réparation du préjudice résultant d'une opération subie par Mme A dans ce groupe hospitalier ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. et Mme et de Me Le Prado, avocat du Groupe hospitalier Sud Réunion,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a été transférée, le 3 octobre 1998, au service de neurochirurgie du Groupe hospitalier Sud Réunion en état de coma à la suite d'une hémorragie cérébrale causée par une malformation artério-veineuse ; qu'elle a été hospitalisée jusqu'au 26 octobre 1998 ; que la patiente a subi, le 8 décembre 1998 puis le 23 février 1999, deux interventions consistant en une artériographie suivie d'une embolisation, qui ont permis de conclure à la disparition de la malformation en cause ; qu'à la suite d'une artériographie de contrôle, un résidu de la malformation initiale a été détecté ; que si l'intervention effectuée le 7 août 2001 a permis de le corriger, elle a provoqué une cécité totale et définitive de l'oeil droit de Mme A, du fait de la migration d'un produit injecté pour pratiquer l'embolisation de l'artère méningée vers l'artère ophtalmique droite ; que Mme A, étant par ailleurs atteinte d'une importante déficience de l'oeil gauche pour des causes antérieures aux actes médicaux litigieux, s'est trouvée ainsi dans un état de quasi-cécité ;
Sur la responsabilité sans faute :
Considérant, que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue, mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;
Considérant qu'il résulte des pièces soumises au juge du fond, et notamment des constatations de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif, que la cour a relevé « qu'il résulte de l'instruction et notamment de ce rapport que la perte de l'oeil droit dont a été victime Mme A, de l'expérience de l'expert et des différentes lectures dans toutes les revues spécialisées, ne constitue pas une complication connue et que, si ledit rapport mentionne également qu'il s'agit d'une complication considérée par les différents spécialistes comme étant rarissime voire même exceptionnelle, il ne résulte pas de l'instruction que la complication dont demeure atteinte Mme A ait fait l'objet de recension dans des revues scientifiques de la spécialité ou soit documentée statistiquement » ; qu'en en déduisant que la perte de l'oeil droit dont a été victime Mme A ne pouvait être regardée comme un risque dont l'existence était connue des spécialistes qui ont pris en charge la patiente au sein du service de neurochirurgie du Groupe hospitalier Sud Réunion la cour n'a pas dénaturé les faits soumis à son examen ;
Considérant que, l'une des conditions requises pour que la responsabilité sans faute du Groupe hospitalier Sud Réunion puisse être engagée n'étant pas satisfaite, la cour a pu rejeter, sans commettre d'erreur de droit, les conclusions présentées à cette fin par M. et Mme A ; que dès lors que ce motif est de nature à justifier, à lui seul, le dispositif de l'arrêt rejetant les conclusions relatives à la responsabilité sans faute de l'établissement, l'autre moyen soulevé par M. et Mme A à l'encontre de cet arrêt, en tant qu'il statue sur ces conclusions, tiré d'une erreur de droit commise par la cour dans l'appréciation du caractère d'extrême gravité du dommage, est sans influence sur son bien-fondé ;
Sur la responsabilité pour faute, en ce qui concerne les conséquences de l'intervention du 7 août 2001 :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que la cour n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis en estimant que la complication dont a été victime Mme A ne peut être regardée comme étant connue des spécialistes et que par suite aucun défaut d'information ne pouvait être reproché aux praticiens ayant réalisé l'intervention du 7 août 2001 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 6 juillet 2006 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du Groupe hospitalier Sud Réunion, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent M. et Mme CHOTTIN au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme A est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A, au Groupe hospitalier Sud Réunion et à la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.