REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 septembre 2002 et 20 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme X, demeurant ... ; M. et Mme X demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 23 juillet 2002 par lequel la cour administrative de Bordeaux a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement en date du 30 septembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier général de Pau soit condamné à réparer les dommages subis par leur fille Imane, liés aux conditions de sa naissance dans ce centre hospitalier ;
2°) statuant au fond, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau, de déclarer fondée leur action indemnitaire et d'ordonner une expertise en vue de procéder à l'évaluation des différents préjudices subis ;
3°) de condamner à titre provisionnel le centre hospitalier général de Pau à leur verser une somme de 76 000 euros ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier général de Pau la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Gounin, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de M. et Mme X, de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier général de Pau et de la SCP Boutet, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Pyrénées-Atlantiques,
- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 369 du code de la santé publique devenu l'article L. 4151-3 : En cas d'accouchement dystocique (...) [les sages-femmes] (...) doivent faire appeler un médecin. ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque survient une dystocie pendant un accouchement se déroulant sous la surveillance d'une sage-femme, celle-ci a l'obligation d'appeler un médecin ; que l'absence d'un médecin dans de telles circonstances est constitutive d'un défaut dans l'organisation et le fonctionnement du service engageant la responsabilité du service public hospitalier, à moins qu'il ne soit justifié d'une circonstance d'extrême urgence ayant fait obstacle à ce que la sage-femme appelle le médecin ou que le médecin appelé ait été, pour des motifs légitimes, placé dans l'impossibilité de se rendre au chevet de la parturiente ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme X a été admise le 13 juillet 1995 au centre hospitalier général de Pau et y a donné naissance à une fille pesant 4,550 kilos ; qu'est survenue pendant l'accouchement une dystocie des épaules ayant conduit la sage-femme présente à effectuer seule une manoeuvre destinée à dégager les épaules de l'enfant ; que cette manoeuvre a entraîné pour celle-ci une atteinte physique se traduisant par une paralysie du plexus brachial la privant de l'usage de son membre supérieur droit ; qu'il ressort également du dossier qu'aucun médecin n'est venu prêter son concours à l'accouchement de Mme X en vue de pratiquer lui-même les gestes médicaux ou chirurgicaux adaptés à la gravité de la situation de cette patiente, en limitant ainsi les risques de voir l'enfant naître atteint d'un tel handicap ; qu'il n'était allégué devant les juges du fond ni qu'une circonstance d'extrême urgence ait fait obstacle à ce que la sage-femme appelle un médecin ainsi qu'elle y était légalement tenue, ni que le médecin de permanence ait été pour des motifs légitimes dans l'impossibilité de se rendre au chevet de Mme X ; que, dès lors, en estimant qu'aucune faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ne pouvait être retenue à l'encontre du centre hospitalier général de Pau eu égard aux conditions du déroulement de l'accouchement, la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique ; qu'il y a lieu par suite d'en prononcer l'annulation ;
Sur les conclusions incidentes présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Béarn et de la Soule :
Considérant que, par l'effet de la cassation prononcée par la présente décision, ces conclusions tendant aux mêmes fins que la requête sont devenues sans objet ; qu'il n'y a par suite pas lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier général de Pau la somme de 2 500 euros que demandent M. et Mme X au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 23 juillet 2002 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions incidentes présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Béarn et de la Soule.
Article 4 : Le centre hospitalier général de Pau versera à M. et Mme X une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme X, à la caisse primaire d'assurance maladie du Béarn et de la Soule, au centre hospitalier général de Pau et au ministre de la santé et des solidarités.