REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête enregistrée le 10 février 2000 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS, dont le siège est 3, avenue Victoria à Paris (75004) ; l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 14 décembre 1999 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 4 juillet 1997 et l'a condamnée à verser aux consorts X. pris conjointement une somme de 547 000 F (83 390 euros) et à M. X1., M. X2. et Mlle X3., une somme de 30 000 F (4 573 euros) chacun, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 1995 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mme X4., M. X1., M. X2. et Mlle X3. ;
3°) de condamner Mme X4., M. X1., M. X2. et Mlle X3. solidairement à lui verser la somme de 15 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aladjidi, Auditeur-;
- les observations de Me Foussard, avocat de l'ASSISTANCE PUBLIQUE DES HOPITAUX DE PARIS et de Me Blanc, avocat des consorts X.,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant que l'arrêt attaqué énonce les motifs de droit et de fait pour lesquels la cour administrative d'appel a estimé que la responsabilité pour faute de l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS était engagée à raison de la prescription à M. X1., qui souffrait d'hémophilie de type A, de produits sanguins concentrés non chauffés par les médecins d'un hôpital de l'AP-HP, à l'occasion de son hospitalisation pour des hématomes ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de l'arrêt attaqué doit être écarté ;
Sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'en jugeant que M. X1 avait été contaminé par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) lors des multiples transfusions de produits sanguins concentrés pratiquées entre le 30 janvier et le 24 septembre 1984 à un hôpital de l'AP-HP, la cour s'est livrée, sans les dénaturer, à une appréciation souveraine des faits et n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit ;
Considérant qu'en jugeant que les centres de traitement des hémophiles de l'ASSISTANCE-PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS connaissaient, à la date à laquelle les produits sanguins ont été administrés à M. X1., l'existence d'un risque de contamination des personnes atteintes d'hémophilie par le VIH, par voie de transfusion sanguine, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits, qui en l'absence de dénaturation, ne peut être discutée devant le juge de cassation ; qu'elle a également estimé, par une appréciation souveraine des faits, que les trois hématomes qui ont justifié les transfusions dont M. X1 a fait l'objet à un hôpital de l'AP-HP en 1984 ne revêtaient pas de gravité particulière et ne nécessitaient pas la prescription d'urgence de produits sanguins concentrés, de telle sorte que des traitements de substitution étaient possibles ; qu'elle a pu déduire de ces constatations de fait, et sans qu'il y ait lieu de rechercher la responsabilité personnelle des médecins prescripteurs sur le fondement de manquements aux dispositions du code de déontologie médicale, qu'alors même que les risques liés à la transfusion de produits fractionnés et concentrés n'étaient pas encore connus dans toute leur ampleur et que la date des transfusions prescrites de manière échelonnée à M. X1. entre le 30 janvier et en dernier lieu le 24 septembre 1984 est légèrement antérieure à la date du 22 novembre 1984 à partir de laquelle la responsabilité de l'Etat est engagée faute d'avoir interdit la délivrance de ces produits, le service médical hospitalier avait fait courir à M. X1. un risque injustifié engageant la responsabilité pour faute de l'ASSISTANCE-PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS ;
Considérant que la cour n'a pas entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation ni d'une erreur de droit en évaluant à deux millions de francs (304 898 euros) le préjudice subi par M. X1. à raison de sa contamination par le VIH ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 14 décembre 1999 ;
Sur les conclusions de L'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS et des consorts X. tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les consorts X., qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, soient condamnés à payer à l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS la somme que cet établissement public demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, d'autre part, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS à payer aux consorts X., une somme de 2 200 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS est rejetée.
Article 2 : L'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS versera conjointement à Mme X4., M. X1., M. X2. et Mlle X3. une somme de 2 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS, à Mme X4., à M. X1., à M. X2., à Mlle X3., à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, à l'Etablissement français du sang et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.