En l’espèce, un agent administratif stagiaire au sein d’un centre hospitalier intercommunal bénéficiait de la prime spéciale d’installation prévue à l’article 1er du décret n°89-563 du 8 août 1989 relatif à la prime spéciale d’installation attribuée à certains personnels de la fonction publique hospitalière. Cet agent s’est vu retirer par l’établissement de santé cette prime spéciale d’installation qui lui avait été versée, au motif que celle-ci n’était attribuée que sous condition de titularisation ultérieure. Or, la Haute juridiction administrative a considéré que « les articles 3, 4 et 5 du décret du 8 août 1989 précisent les cas où la prime spéciale d'installation doit être remboursée par le bénéficiaire qui ne remplit pas la condition, posée par l'article 3, d'être affecté pendant un an dans une des communes mentionnées à l'article 1er ; qu'en revanche, aucune disposition ne prévoit que l'agent stagiaire à qui la prime spéciale d'installation a été attribuée doit la reverser s'il n'est pas ensuite titularisé ; qu'ainsi, l'article 1er du même décret doit être interprété comme ne posant pas, pour les agents stagiaires à qui la prime spéciale d'installation a été attribuée, une condition de titularisation ultérieure qui devrait être remplie sous peine d'obligation de remboursement ».
Conseil d'État
5ème et 4ème sous-sections réunies
N° 329474
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
M. François Vareille, rapporteur
M. Thiellay Jean-Philippe, rapporteur public
SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN ; SPINOSI, avocats
Lecture du vendredi 4 mars 2011
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juillet et 5 octobre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL ROBERT BALLANGER, dont le siège est boulevard Robert Ballanger à Aulnay-sous-Bois (93602) ; le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL ROBERT BALLANGER demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 0406135 du 28 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamné à verser à Mlle Malika A la somme de 1 923,96 euros correspondant à la prime spéciale d'installation qui lui avait été attribuée puis retirée, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2004 et de la capitalisation des intérêts à compter du 31 juillet 2005 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mlle A ;
3°) de mettre à la charge de Mlle A la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 89-563 du 8 août 1989 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Vareille, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL ROBERT BALLANGER et de Me Spinosi, avocat de Mlle A,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL ROBERT BALLANGER et à Me Spinosi, avocat de Mlle A ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 8 août 1989 relatif à la prime spéciale d'installation attribuée à certains personnels de la fonction publique hospitalière : Une prime spéciale d'installation peut être allouée aux fonctionnaires hospitaliers qui, à l'occasion de leur accès à un premier emploi dans un établissement mentionné à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 susvisée, reçoivent, au plus tard, au jour de leur titularisation, une affectation dans l'une des communes de la région Ile-de-France ou dans l'une des communes énumérées à l'article 1er du décret du 11 septembre 1967 délimitant le périmètre de l'agglomération de Lille pour l'application de la loi relative aux communautés urbaines. / Seuls peuvent bénéficier de cette prime les agents nommés dans un grade ou dans un emploi dont l'indice afférent au 1er échelon est, au jour de la titularisation des intéressés, inférieur à l'indice brut tel que fixé pour les fonctionnaires de l'Etat ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL ROBERT BALLANGER, se fondant sur la circonstance que Mlle A, qui avait été nommée agent administratif stagiaire à compter du 3 juin 2002, n'avait pas été titularisée, a décidé en juin 2004 de recouvrer à son encontre une somme de 1 923,96 euros correspondant à la prime spéciale d'installation qui lui avait été versée en janvier 2003 ; qu'il se pourvoit en cassation contre le jugement du 28 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamné à verser cette somme à Mlle A après avoir jugé que le centre hospitalier avait illégalement retiré, postérieurement à l'expiration d'un délai de quatre mois, la décision créatrice de droits que constituait la décision d'attribution de la prime spéciale d'installation ;
Considérant que le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL ROBERT BALLANGER soutenait devant le tribunal administratif qu'il résultait des dispositions du décret du 8 août 1989, notamment de celles de son article 1er, que la prime spéciale d'installation n'était attribuée à un agent stagiaire que sous condition de titularisation ultérieure ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement ; que dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL ROBERT BALLANGER est fondé à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que les articles 3, 4 et 5 du décret du 8 août 1989 précisent les cas où la prime spéciale d'installation doit être remboursée par le bénéficiaire qui ne remplit pas la condition, posée par l'article 3, d'être affecté pendant un an dans une des communes mentionnées à l'article 1er ; qu'en revanche, aucune disposition ne prévoit que l'agent stagiaire à qui la prime spéciale d'installation a été attribuée doit la reverser s'il n'est pas ensuite titularisé ; qu'ainsi, l'article 1er du même décret doit être interprété comme ne posant pas, pour les agents stagiaires à qui la prime spéciale d'installation a été attribuée, une condition de titularisation ultérieure qui devrait être remplie sous peine d'obligation de remboursement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la circonstance que Mlle A, nommée agent administratif stagiaire à compter du 3 juin 2002 jusqu'au 1er janvier 2004, n'a pas été ensuite titularisée, n'était pas de nature à justifier la décision du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL ROBERT BALLANGER de recouvrer la somme de 1 923,96 euros correspondant à la prime spéciale d'installation qui lui avait été versée en janvier 2003 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu par le centre hospitalier qu'un autre motif pouvait justifier le remboursement de cette somme par Mlle A ; que dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par Mlle A, celle-ci est fondée à demander que le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL ROBERT BALLANGER soit condamné à lui verser une somme de 1 923,96 euros correspondant au montant de la prime spéciale d'installation qu'il lui avait versée et qu'il a ensuite recouvrée ;
Considérant que Mlle A à droit aux intérêts de la somme de 1 923,96 euros à compter du 31 juillet 2004, date d'enregistrement de sa demande au tribunal administratif ; que sa demande de capitalisation des intérêts, enregistrée le 31 juillet 2004, prend effet à compter du 31 juillet 2005, date à laquelle les intérêts sont dus pour une année entière, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Considérant que Mlle A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Spinosi, avocat de Mlle A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL ROBERT BALLANGER le versement à Me Spinosi de la somme de 3 000 euros ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mlle A, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement au CENTRE HOSPITALIER INTRECOMMUNAL ROBERT BALLANGER d'une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 28 avril 2009 est annulé.
Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL ROBERT BALLANGER versera à Mlle A la somme de 1 923,96 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2004. Les intérêts échus à la date du 31 juillet 2005 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL ROBERT BALLANGER versera à Me Spinosi, avocat de Mlle A, une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Spinosi renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL ROBERT BALLANGER est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mlle Malika A et au CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL ROBERT BALLANGER.