Un élève-infirmier militaire reçoit plusieurs injections du vaccin contre l’hépatite B entre 1992 et 1994. Il impute à ces vaccins obligatoires la sclérose en plaques dont il est atteint et qui a été diagnostiquée en 1995. Le rapport d’expertise conclut à l’absence de lien de causalité certain entre la vaccination obligatoire et la maladie dont le jeune homme est atteint, mais ne l’exclut pas. En première instance, le Tribunal administratif de Pau rejette sa demande d’indemnisation. La Cour administrative d’appel de Bordeaux, saisie de l’affaire, annule cette décision en estimant que le délai qui s’est écoulé entre la dernière injection et les premiers symptômes constituait un bref délai de nature à établir le lien de causalité entre la vaccination et l’apparition de la maladie. Le Conseil d’état valide l’appréciation de la Cour administrative d’appel de Bordeaux et énonce que celle-ci n’a pas commis d’erreur de droit en condamnant l’Etat à réparer le préjudice d’agrément résultant pour l’intéressé des conséquences de son affection après avoir relevé que ses handicaps le privaient de la possibilité de pratiquer les activités de loisirs auxquels il s’adonnait.
Conseil d'Etat
SECTION DU CONTENTIEUX.
5ème sous-section
MINISTRE DE LA SANTE ET DES SPORTS
c/ M. Brun
N° 324895
5 mai 2010
Inédit au Recueil LEBON
Vu le pourvoi, enregistré le 9 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA SANTE ET DES SPORTS ; le MINISTRE DE LA SANTE ET DES SPORTS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 23 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, après avoir annulé le jugement du 25 janvier 2007 du tribunal administratif de Pau, condamné l'Etat à verser à M. Frédéric Brun une indemnité de 201 371,54 euros et à verser une indemnité de 53 543,50 euros à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, en réparation des préjudices résultant de la sclérose en plaques apparue après sa vaccination obligatoire contre l'hépatite B ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. Brun et les conclusions de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale devant la cour administrative d'appel de Bordeaux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Considérant que, imputant à la vaccination obligatoire contre l'hépatite B qu'il avait reçue en sa qualité d'élève-infirmier militaire la sclérose en plaques diagnostiquée en février 1995 dont il est atteint, M. Brun a recherché la responsabilité de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique ; que le ministre de la santé et des sports se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a condamné l'Etat à indemniser M. Brun et la Caisse nationale militaire de sécurité sociale des préjudices résultant de cette maladie ;
Considérant que, pour juger établi un lien de causalité entre la vaccination obligatoire contre l'hépatite B reçue par M. Brun et l'apparition chez ce dernier d'une sclérose en plaques, la cour administrative d'appel a relevé qu'il avait reçu quatre injections les 25 septembre 1992, 23 octobre 1992, 30 novembre 1992 et 11 février 1994 et qu'il s'était plaint, dans les semaines ayant suivi le rappel, de violentes céphalées et d'altérations fugaces de l'acuité visuelle retracées lors d'une consultation médicale en juin 1994 et qui, alors inexpliquées, ont constitué de manière certaine les premiers symptômes de l'affection dont il est atteint ; qu'en déduisant de ces faits, qu'elle n'a pas dénaturés, que le délai qui s'était ainsi écoulé entre la dernière injection et les premiers symptômes constituait un bref délai de nature à établir le lien de causalité entre la vaccination et l'apparition de la sclérose en plaques, la cour ne les a pas inexactement qualifiés ; qu'elle n'a pas commis d'erreur de droit en condamnant l'Etat à réparer le préjudice d'agrément résultant pour l'intéressé des conséquences de son affection après avoir relevé que ses handicaps le privaient de la possibilité de pratiquer les activités de loisirs auxquels il s'adonnait ; qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi du ministre de la santé et des sports doit être rejeté ;
Sur les conclusions de M. Brun tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. Brun de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le pourvoi du ministre de la santé et des sports est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera 3 000 euros à M. Brun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la santé et des sports et à M. Frédéric Brun.
Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. François Vareille, chargé des fonctions de Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de M. Brun, - les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ; La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de M. Brun ;
Le Président : Mme Sylvie Hubac.