Une commune a conclu deux conventions pour une durée de vingt-cinq ans avec une Société X portant sur la modernisation et l’exploitation de trois parcs de stationnement souterrain et sur voirie. Le Maire de la commune a notifié par une décision du 25 juillet 2012 à la Société X la résiliation de ces conventions en raison de leur durée excessive. La Société X demande au Conseil d’Etat d’annuler l’ordonnance du juge des référés qui avait rejeté sa demande de suspendre la décision de la Commune et autorisait le Maire à résilier les deux conventions jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision et d’ordonner la reprise provisoire des relations contractuelles. Dans cette décision le Conseil d’Etat rappelle qu’une personne publique peut résilier unilatéralement une convention de délégation de service public au motif que sa durée est excessive et que pour ce faire, le recours préalable au juge n’est pas obligatoire. Le Conseil d’Etat considère en effet « qu’aux termes de l’article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales “ Les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l’investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d’amortissement des installations mises en œuvre (...) ; qu’eu égard à l’impératif d’ordre public imposant de garantir, par une remise en concurrence périodique, la liberté d’accès des opérateurs économiques aux contrats de délégation de service public et la transparence des procédures de passation, la nécessité de mettre fin à une convention dépassant la durée prévue par la loi d’une délégation de service public constitue un motif d’intérêt général justifiant sa résiliation unilatérale par la personne publique, sans qu’il soit besoin qu’elle saisisse au préalable le juge. » |
Conseil d'État
N° 365043
Publié au recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
Mme Laurence Marion, rapporteur
M. Bertrand Dacosta, rapporteur public
SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT ; SCP GASCHIGNARD, avocats
lecture du mardi 7 mai 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 et 23 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Société X., dont le siège est … ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1210077 du 21 décembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ordonner la suspension de la délibération du conseil municipal de la commune de Y. du 26 mars 2012 constatant la caducité de conventions portant sur l'exploitation du stationnement en ouvrages et sur voirie, prononçant la résiliation de ces conventions avec effet au 31 décembre 2012, et autorisant le maire à les résilier, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision et d'ordonner la reprise provisoire des relations contractuelles ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de reprise provisoire des relations contractuelles ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Y. le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laurence Marion, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la X., et à la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Y. ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le 4 août 1996, la commune de Y. a conclu deux conventions pour une durée de vingt-cinq ans avec la Société X. portant sur la modernisation et l'exploitation de trois parcs de stationnement souterrain et sur voirie ; que, après y avoir été autorisé par une délibération du conseil municipal du 26 mars 2012, le maire de Y. a notifié par une décision du 25 juillet 2012 à la Société X. la résiliation de ces conventions en raison de leur durée excessive ; qu'après avoir contesté, devant le juge du contrat, la validité de la mesure de résiliation, la Société X. a également saisi le juge des référés du tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à la suspension de l'exécution des décisions litigieuses et à la reprise provisoire des relations contractuelles ; que la Société X. se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 21 décembre 2012 ayant rejeté cette demande ;
2. Considérant qu'une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ; que de telles conclusions peuvent être assorties d'une demande tendant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l'exécution de la résiliation, afin que les relations contractuelles soient provisoirement reprises ;
3. Considérant, en premier lieu, que le juge des référés qui rejette une telle demande motive suffisamment son ordonnance en énonçant, après avoir analysé les moyens de la requête, soit dans les visas de l'ordonnance, soit dans ses motifs, qu'aucun de ces moyens ne paraît, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la mesure de résiliation et à justifier ainsi la reprise des relations contractuelles ; qu'en l'espèce, le juge des référés du tribunal administratif de Melun ayant analysé les moyens de la requête et estimé qu'ils n'étaient pas de nature à justifier la reprise des relations contractuelles, la Société X. n'est pas fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales " Les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l'investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en oeuvre (...) " ; qu'en jugeant que n'était pas, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée et à justifier ainsi la reprise des relations contractuelles le moyen tiré de ce que la durée des conventions litigieuses ne pouvait être regardée comme excessive au regard de ces dispositions, le juge des référés n'a, eu égard à son office, pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard à l'impératif d'ordre public imposant de garantir, par une remise en concurrence périodique, la liberté d'accès des opérateurs économiques aux contrats de délégation de service public et la transparence des procédures de passation, la nécessité de mettre fin à une convention dépassant la durée prévue par la loi d'une délégation de service public constitue un motif d'intérêt général justifiant sa résiliation unilatérale par la personne publique, sans qu'il soit besoin qu'elle saisisse au préalable le juge ; que par suite, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit en ne retenant pas comme propre à créer un doute sérieux le moyen tiré de ce que le maire de Y. ne pouvait constater la " caducité " des contrats litigieux et en prononcer la résiliation unilatérale ; qu'il n'a pas non plus inversé la charge de la preuve ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qui lui était soumis que le juge des référés aurait substitué un autre motif à celui retenu par la commune de Y. pour résilier les conventions ;
7. Considérant, enfin, que le juge des référés n'a pas entaché son ordonnance de dénaturation en ne regardant pas comme de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la mesure de résiliation le moyen tiré de l'insuffisante information des membres du conseil municipal ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la X. doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Y. ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la Société X. est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Y. présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société X. et à la commune de Y..