REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 18 août 1999, présentée pour M. et Mme Robert X, agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leurs deux enfants mineurs Dylan et Coralie, et pour Mlle Laetitia X, tous domiciliés ... ;
Les CONSORTS X demandent à la cour :
- d'annuler le jugement du 22 juin 1999 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Toulouse soit condamné à réparer les conséquences dommageables liées à la malformation de l'avant-bras gauche dont est atteint leur fils Dylan ;
- de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse, d'une part, à leur verser les sommes suivantes :
* à M. et Mme X : 100 000 F chacun à titre personnel, et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, 50 000 F pour Coralie et 1 263 700 F pour Dylan ;
* à Mlle Laetitia X, 50 000 F,
avec intérêts à compter de la présente demande, d'autre part, à supporter les frais d'expertise ;
- de condamner le centre hospitalier à leur verser la somme de 10 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu le code de justice administrative, ensemble le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 2003 :
- le rapport de Mlle Roca ;
- les observations de Maître Godard, substituant Maître Cara, avocat du centre hospitalier universitaire de Toulouse ;
- les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier universitaire de Toulouse ;
Considérant que Mme X, qui était suivie depuis le quatrième mois de sa grossesse par les médecins du service de gynécologie du centre hospitalier universitaire de Toulouse et à qui aucune anomalie du foetus n'avait été signalée lors des échographies réalisées, a donné naissance le 12 juin 1994 à un enfant de sexe masculin, Dylan, atteint d'une malformation dénommée agénésie transversale au tiers supérieur de l'avant-bras gauche ; que M. et Mme X, agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leurs deux enfants mineurs, Dylan et Coralie, et Mlle Laetitia X, enfant majeur, demandent réparation au centre hospitalier universitaire de Toulouse des conséquences dommageables liées à cette malformation ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er-I de la loi n° 2002-203 du 4 mars 2002 susvisée, applicable au présent litige : Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance. La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer. Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernière relève de la solidarité nationale... ;
* En ce qui concerne l'enfant Dylan
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport du premier expert désigné par le tribunal administratif, que la malformation dont est atteint l'enfant est sans lien aucun avec une faute éventuelle quelconque des médecins du centre hospitalier ; que cette affection trouve son origine dans la maladie dite des brides amniotiques, survenue très probablement au cours du deuxième mois de la grossesse ; que, ainsi que l'ont indiqué les premiers juges, il n'est pas allégué ni établi qu'il existait une mesure thérapeutique susceptible d'être mise en oeuvre avant la naissance et de nature à atténuer voire à supprimer la malformation dont il s'agit ; que, par suite, M. et Mme X ne sont pas fondés à demander au centre hospitalier universitaire de Toulouse réparation des préjudices subis par leur enfant à titre personnel du fait de ladite malformation ;
* En ce qui concerne les CONSORTS X :
Considérant qu'à l'appui de leurs conclusions tendant à être indemnisés des troubles subis dans leurs conditions d'existence, les CONSORTS X soutiennent que l'absence de diagnostic de la malformation de l'enfant lors des examens prénataux les a privés de toute information préalable qui leur aurait permis de demander en temps utile le bénéfice de l'avortement thérapeutique légal, ou, pour le moins, de mieux se préparer à la venue d'un enfant handicapé ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-12 du code de la santé publique alors en vigueur : L'interruption volontaire d'une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins attestent, après examen et discussion... qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ;
Considérant qu'à supposer que l'attitude des médecins du centre hospitalier universitaire de Toulouse qui ont pratiqué les examens prénataux puisse être regardée comme fautive, l'agénésie transversale au tiers supérieur de l'avant-bras gauche dont est atteint l'enfant Dylan ne peut être regardée comme une affection d'une particulière gravité au sens de l'article L. 162-12 précité du code de la santé publique ; qu'il n'est pas établi en quoi la connaissance de cette affection avant la naissance aurait permis aux CONSORTS X de faire face à ce handicap dans de meilleures conditions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les CONSORTS X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande ; que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire de Toulouse, qui n'est pas partie perdante, soit condamné à verser aux CONSORTS X d'une part, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne d'autre part, une somme au titre des frais que ceux-ci ont respectivement engagés, non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner les CONSORTS X à verser une somme au centre hospitalier en application de ces mêmes dispositions ;
Décide :
Article 1er : La requête des CONSORTS X, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne et les conclusions du centre hospitalier universitaire de Toulouse tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.