En l’espèce, un praticien hospitalier affecté dans le service de chirurgie polyvalente d’un centre hospitalier a fait appel d’un jugement rendu par le tribunal administratif de Limoges qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du ministre de la Santé et des Solidarités le suspendant de ses fonctions pour une durée de six mois. La Cour administrative d’appel indique qu’il ressort de l’instruction que ce professionnel de santé a adopté de manière habituelle, à l'égard du personnel essentiellement féminin, un comportement agressif et déplacé, marqué par des propositions licencieuses et des propos tour à tour obscènes, dévalorisants ou menaçants et que le trouble occasionné par cette attitude contraire à la dignité a porté atteinte à la sérénité et à la qualité du travail d'équipe et a ainsi gravement perturbé le bon fonctionnement du service public hospitalier. La cour considère qu’en prononçant sa suspension, alors même que les poursuites pénales engagées contre ce dernier pour harcèlement sexuel et moral avaient d'ores et déjà été classées sans suite, ces incriminations ne paraissant pas suffisamment caractérisées, le ministre de la santé et des solidarités n'a pas pris une mesure étrangère à l'intérêt du service ni fait une appréciation manifestement erronée des faits portés à sa connaissance.
Cour Administrative d'Appel de Bordeaux
N° 06BX02521
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre (formation à 3)
Mme FLECHER-BOURJOL, président
Mme Florence DEMURGER, rapporteur
M. VIE, commissaire du gouvernement
COMBE, avocat
lecture du vendredi 14 novembre 2008
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 12 décembre 2006, présentée pour M. Said X demeurant ..., par Me Combe ;
M. X demande à la cour :
1° d'annuler le jugement n° 0600642, en date du 12 octobre 2006, par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de la santé et des solidarités du 30 mars 2006 le suspendant de ses fonctions de praticien hospitalier pour une durée de six mois ;
2° d'annuler ledit arrêté ;
3° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2008 :
- le rapport de Mme Demurger, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Vié, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, praticien hospitalier affecté dans le service de chirurgie polyvalente du centre hospitalier de Saint-Junien (Haute-Vienne), relève appel du jugement, en date du 12 octobre 2006, par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de la santé et des solidarités du 30 mars 2006 le suspendant de ses fonctions pour une durée de six mois ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 6152-77 du code de la santé publique, issu de l'article 69 du portant statut des praticiens hospitaliers : « Dans l'intérêt du service, le praticien qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire peut être immédiatement suspendu par le ministre chargé de la santé pour une durée maximum de six mois (...) » ;
Considérant qu'eu égard à sa nature même, la suspension d'un praticien hospitalier, décidée à titre conservatoire dans l'intérêt du service, ne figure pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté ne mentionne pas expressément que les faits reprochés à M. X sont suffisamment graves pour justifier qu'il soit suspendu de ses fonctions est inopérant ;
Considérant que, si les poursuites disciplinaires dont M. X a fait l'objet ont été engagées par le ministre chargé de la santé dès le 20 avril 2005, sans que le conseil de discipline ait examiné son cas dans le délai de quatre mois prescrit par l'article R. 6152-76 du code de la santé publique, cette circonstance est dépourvue d'incidence sur la légalité de l'arrêté contesté ; qu'il en va de même, en tout état de cause, de la circonstance que le comité médical, chargé de délivrer un avis sur la demande de mi-temps thérapeutique présentée par le requérant, victime d'un accident du travail survenu le 25 janvier 2005 et depuis lors en congé de maladie, a tardé à se prononcer sur son aptitude à la reprise de son activité ; qu'en ne décidant de suspendre M. X de ses fonctions de praticien hospitalier que le 30 mars 2006, à l'issue de ce congé de maladie, le ministre de la santé et des solidarités n'a méconnu aucune disposition législative ou réglementaire et ne saurait être regardé comme ayant prononcé à l'encontre de l'intéressé une « sanction disciplinaire déguisée » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de deux médecins inspecteurs de la santé publique chargés d'une enquête administrative sur le fonctionnement du service de chirurgie polyvalente du centre hospitalier de Saint-Junien, ainsi que de multiples courriers ou attestations établies par des membres du personnel soignant de ce service, que M. X a adopté de manière habituelle, à l'égard de ce personnel essentiellement féminin, un comportement agressif et déplacé, marqué par des propositions licencieuses et des propos tour à tour obscènes, dévalorisants ou menaçants ; que le trouble occasionné par cette attitude contraire à la dignité a porté atteinte à la sérénité et à la qualité du travail d'équipe, en occasionnant divers problèmes dans la transmission d'informations, y compris concernant la prescription de soins, et ainsi gravement perturbé le bon fonctionnement du service public hospitalier ; que, dans ces conditions, en prononçant la suspension de M. X, alors même que les poursuites pénales engagées contre ce dernier pour harcèlement sexuel et moral avaient d'ores et déjà été classées sans suite, ces incriminations ne paraissant pas suffisamment caractérisées, le ministre de la santé et des solidarités n'a pas pris une mesure étrangère à l'intérêt du service ni fait une appréciation manifestement erronée des faits portés à sa connaissance ;
Considérant enfin que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.