Au mois d’aout 2005, un patient qui souffrait de rectorragies a été pris en charge par le service de gastro-entérologie d’un CHU où une gastroscopie et une coloscopie ont été réalisées. Ces examens n’ont pas fait apparaître de lésions. Par la suite, un toucher rectal et une anuscopie réalisés au mois de décembre 2007 ont mis en évidence une tumeur cancéreuse du rectum des suites de laquelle le patient est décédé, le 7 décembre 2008.
L’épouse et les enfants du patient, agissant en leurs noms personnels et au nom de leurs enfants mineurs (petits enfants du patient) ont saisi le tribunal administratif d’une demande tendant à la condamnation du CHU à leur verser des indemnités en leur qualité d’ayants droit ainsi qu’au titre de leur préjudice propre. Les ayants droit soutenaient que le patient avait subi une perte de chance de survie ou, au moins une perte de chance de rallonger son espérance de vie, causée par un diagnostic défaillant du CHU lors de la prise en charge en août 2005 du fait de la mauvaise préparation lors de la coloscopie et d’une absence de toucher rectal et d’endoscopie rigide.
Par un jugement du 11 juin 2015 le tribunal administratif a rejeté les demandes indemnitaires des ayants droit. Ces derniers ont interjeté appel de cette décision devant la cour administrative d’appel (CAA).
En premier lieu, la CAA relève que s’il est mentionné dans le compte rendu d’examen de la coloscopie réalisée dans le CHU en août 2005 que la préparation du patient était de mauvaise qualité et n’avait pas permis une exploration satisfaisante du côlon droit et du bas-fond caecal situés en amont, une meilleure exploration n’aurait pas été susceptible de mettre en évidence une tumeur du bas-rectum située en aval. « Cette faute n’a donc pu, en tout état de cause, être à l’origine d’une perte de chance pour le patient d’un diagnostic plus précoce de la tumeur du bas-rectum qui a causé son décès ».
En second lieu, la CAA considère que si l’attestation produite par le CHU visant à établir qu’un toucher rectal a bien été réalisé est insuffisante pour permettre d’estimer qu’un tel examen, qui n’a pas été spécifiquement mentionné dans le compte rendu de la coloscopie, a effectivement été réalisé lors de l’admission du patient au mois d’août 2005, elle relève par ailleurs, qu’en tout état de cause, le médecin qui a adressé le patient au service de gastro-entérologie du CHU avait réalisé le 8 juin 2005 un toucher rectal et un examen biologique qui n’avaient fait apparaître aucune anomalie. De plus, l’expert désigné en première instance concluait qu’il est « tout à fait impossible » de savoir si la tumeur existait au mois d’août 2005 ni quand elle est apparue. Par ailleurs, le CHU soutient que depuis plus de 20 ans la rectoscopie rigide n’est plus pratiquée, et produit des recommandations émises en 2004 dans lesquelles l’ANAES émettait des préconisations en matière de recto-sigmoîdoscopie souple. Enfin, la CAA relève plusieurs éléments qui ne corroborent pas, dans les semaines qui ont suivi les examens réalisés en août 2005, la persistance de douleurs chez le patient qui accréditerait l’hypothèse de l’existence de la tumeur dès cette époque.
La CAA en conclut dès lors que « dans ces conditions, l’existence de la tumeur dès le mois d’août 2005 ne peut être regardée comme suffisamment probable pour que le lien de causalité entre les fautes relevées par l’expert et le diagnostic tardif de la tumeur dont souffrait le patient, deux ans et de demi plus tard, puisse être considéré comme établi ». La responsabilité du CHU n’est donc pas retenue.