REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée le 22 décembre 2000, la requête présentée pour M. Jacques X, demeurant ..., par maître Marie-Pierre Saget, avocat ;
M. X demande à la cour :
- d'annuler le jugement en date du 19 octobre 2000, en tant que par ce jugement le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 28 août 1996 par laquelle le ministre du travail et des affaires sociales a maintenu la suspension de sa rémunération et a refusé de lui confier des fonctions compatibles avec la mesure judiciaire dont il faisait l'objet ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
- d'annuler la décision du ministre du travail et des affaires sociales du 28 août 1996 ;
- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83- 634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mai 2004 :
- le rapport de M. Taoumi, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Boulard, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le tribunal administratif, dont le jugement est suffisamment motivé, pouvait, sans méconnaître les droits de la défense de M. X, ni violer la règle de la présomption d'innocence que ce dernier invoque, joindre les deux demandes introduites par M. X qui avaient trait à la situation d'un même agent pour y statuer par un seul jugement ; que la circonstance que le tribunal administratif ait indiqué de manière inexacte dans son jugement que maître Saget substituait maître Rodes constitue une erreur matérielle sans influence sur la régularité dudit jugement ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier doit être écarté ;
Sur le fond du litige :
Considérant que, si l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 dispose que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire peut prononcer la suspension d'un fonctionnaire, en cas de faute grave, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, et que le fonctionnaire suspendu conserve son traitement jusqu'à la décision prise à son égard, qui doit intervenir dans les quatre mois, ces dispositions ne font pas obligation à l'administration de prononcer la suspension qu'elles prévoient à la suite d'une faute grave et ne l'empêchent pas d'interrompre, indépendamment de toute action disciplinaire, le versement du traitement d'un fonctionnaire pour absence de service fait ;
Considérant que M. Jacques X, directeur du Centre Hospitalier Louis-Daniel Beauperthuy, a été mis en examen et placé en détention provisoire le 7 octobre 1995 ; que, le 14 juin 1996, il a bénéficié d'une ordonnance de mise en liberté assortie d'une mesure de contrôle judiciaire lui interdisant de se rendre au Centre Hospitalier Beauperthuy et de se livrer aux activités professionnelles ou sociales suivantes : toutes activités de direction , de sous-direction ou de comptabilité dans tout établissement public ou parapublic ; qu'informé de cette situation, le ministre de la santé publique et de l'assurance maladie a, par arrêté en date du 6 novembre1995, suspendu la rémunération de M. X pour absence de service fait à compter du 7 octobre 1995, date de son incarcération ; que par décision en date du 28 août 1996, le ministre du travail et des affaires sociales a rejeté la demande de M. X, formulée le 12 juillet 1996, tendant à la reprise d'activité et a maintenu la suspension de traitement pour service non fait ;
Considérant, en premier lieu, que le droit à rémunération des fonctionnaires est subordonné à l'exécution d'un service ; qu'en l'absence de service fait, l'autorité administrative était tenue de suspendre le traitement de l'intéressé, sans que cette décision de suspension de traitement revête le caractère d'une sanction ; que les moyens tirés de ce que la décision méconnaîtrait la règle de la présomption d'innocence et qu'elle serait entachée de détournement de pouvoir sont, en tout état de cause, inopérants ;
Considérant, en second lieu, que la demande de M. X en date du 12 juillet 1996 doit être regardée comme tendant à ce qu'il lui soit confié une activité compatible avec la mesure judiciaire prise à son encontre ; que toutefois, M. X, qui n'avait fait l'objet d'aucune mesure disciplinaire ni de suspension , mesures que l'administration n'était pas tenue de prendre, était en position statutaire régulière ; que le moyen tiré de ce que le ministre aurait méconnu son droit au travail manque en fait ; qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que la décision de refus de reprise du travail constituerait en réalité une sanction déguisée ; que le ministre, qui était tenu de respecter les prescriptions de l'ordonnance judiciaire précitée, ne pouvait lui confier l'exécution de ses anciennes fonctions ; que si M. X, qui demeurait affecté au Centre Hospitalier Beauperthuy, soutient que le ministre aurait pu lui confier des missions d'études ou de coordination d'études , il n'établit pas que lesdites missions , lesquelles devaient rester compatibles avec la mesure judiciaire dont le requérant était l'objet , étaient disponibles à la date de la décision attaquée et que le ministre se serait refusé à les lui confier ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande d'annulation de la décision du ministre du travail et des affaires sociales du 28 août 1996 ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Décide :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.