REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'arrêt n° 99MA00857 en date du 16 mai 2002 par lequel la Cour administrative d'appel de Marseille a ordonné une expertise médicale par un collège de trois experts avant de statuer sur la requête présentée pour Mme X demeurant ... par Me Michaud, avocat, enregistrée au greffe de la Cour le 14 mai 1999 par laquelle elle demande à la Cour d'annuler le jugement n° 94-1248 en date du 5 février 1999 du tribunal administratif de Nice ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 25 mars 2004, présenté pour le Centre hospitalier d'Antibes par Me LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
Le centre hospitalier persiste dans ses précédentes écritures par les mêmes moyens en faisant en outre valoir qu'aucune faute ne peut lui être reprochée que ce soit dans l'acte médical lui-même, la surveillance postopératoire ou dans l'information des risques de l'opération au terme du rapport déposé par le collège d'experts désigné par la Cour ; que la seule cause des complications subies par Mme X réside dans la mauvaise qualité de son ossature et que l'opération pratiquée était la seule à pouvoir être réalisée ;
Vu le mémoire en réplique enregistré le 28 avril 2004, présenté pour Mme Marguerite X par Me BENSA, avocat ;
La requérante demande que la Cour, à titre principal, déclare nul le rapport d'expertise déposé par le collège d'experts, et à titre subsidiaire, condamne le centre hospitalier à lui verser la somme de 13 000 euros au titre de l'ITT, 3 000 euros au titre du préjudice esthétique, 18 000 euros au titre du pretium doloris et 3 000 euros au titre du préjudice d'agrément en réparation des conséquences dommageables nées de l'intervention pratiquée le 27 août 1991, outre une somme de 3 000 euros au titre des frais d'instance ; elle sollicite également la condamnation du centre hospitalier aux entiers dépens ;
Elle soutient, à titre principal, que le rapport déposé le 22 décembre 2002 doit être déclaré nul dans la mesure où il n'a été signé que par deux des trois experts désignés par la Cour et qu'il ne mentionne pas la présence du docteur BAFFERT, lequel devait assister aux opérations d'expertise ; à titre subsidiaire, elle fait valoir que la déviation de sa jambe a pour origine l'utilisation d'un matériel inadapté lors de l'intervention du 27 août 1991 et que la seconde intervention subie le 29 janvier 1992 qui s'est effectuée avec un matériel adéquat a permis d'améliorer son état ; que le premier expert avait totalement exclu que l'ostéoporose puisse être à l'origine des complications post-opératoires et que si tel était le cas, l'intervention n'aurait jamais dû être pratiquée ; que les séquelles dont elle souffre trouvent leur origine dans une série de fautes commises lors de l'intervention et lors des soins dispensés après celle-ci ; que d'autre part, elle n'a pas été informée des conséquences éventuelles de l'acte médical et elle a ainsi perdu une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé ; qu'enfin, elle a subi des dommages très importants ;
Vu le mémoire en réplique enregistré le 5 mai 2004, présenté pour la Caisse primaire d'assurances maladie des Alpes-Maritimes par Me Depieds, avocat ;
Elle demande que la Cour condamne le Centre hospitalier d'Antibes à lui verser la somme de 6 630,30 euros au titre des prestations versées à Mme X avec intérêts de droit suite à l'accident dont elle a été victime le 24 août 1991, outre une somme de 760 euros sur le fondement des dispositions du 5ème alinéa de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;
Vu le mémoire enregistré le 7 mai 2004, présenté pour le Centre hospitalier d'Antibes par Me LE PRADO, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
Le centre hospitalier persiste dans ses précédentes écritures par les mêmes moyens en faisant en outre valoir que la prétendue absence de signature de l'un des trois experts n'a entraîné aucun préjudice à la requérante, que les experts n'avaient pas à mentionner la présence du premier expert et à supposer le rapport irrégulier, il est loisible au juge de le retenir en tant qu'élément d'information ; que d'autre part, l'indication opératoire était justifiée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance portant clôture de l'instruction au 7 mai 2004 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2004 ;
- le rapport de Mme MASSE-DEGOIS, conseillère ;
- les observations de Me Le Floch substituant Me Depieds pour la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes ;
- et les conclusions de M. TROTTIER, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X, victime d'un accident de circulation, a été transportée au Centre hospitalier d'Antibes en vue d'y subir le 27 août 1991 une ostéosynthèse de la fracture de la jambe gauche ; que suite à cette intervention chirurgicale, elle a porté un plâtre cruro-pédieux circulaire pendant une durée de deux mois pour ensuite suivre une rééducation sans appui ; que les examens post-opératoires ont révélé un genu valgum par effondrement du plateau labial externe qui lui a occasionné des lombalgies, des douleurs externes au niveau du genou lors de la marche et des épisodes d'hydarthrose passagers ; qu'imputant cet état à une série de fautes médicales avant, pendant et après l'intervention chirurgicale, Mme X, a saisi le tribunal administratif de Nice en vue d'obtenir la réparation de ses préjudices ; que les premiers juges ont rejeté la requête en l'absence de faute médicale aussi bien avant, qu'au cours de l'intervention, que lors du suivi post-opératoire ; qu'eu égard à la contestation sérieuse des con
clusions du rapport d'expertise déposé en première instance, la Cour a nommé un collège de trois experts en vue de procéder à une expertise médicale avant de statuer sur l'appel de Mme X ;
Sur la régularité du rapport d'expertise :
Considérant que Mme X soutient dans ses dernières écritures que le rapport rédigé par le collège d'experts désigné par la Cour serait irrégulier faute d'avoir été signé de l'un de ses auteurs et de mentionner les nom et qualité du professeur Nazarian ; que toutefois, suite à une régularisation intervenue le 24 février 2004, ce moyen manquant en fait, ne saurait prospérer ; que d'autre part, contrairement à ce que soutient la requérante, le docteur Baffert ne devait pas assister aux opérations d'expertise aux termes de l'article 4 de la décision du 16 mai 2002 procédant à une expertise médicale ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X qui présentait une fracture complexe du plateau tibial externe lors de son admission à l'hôpital d'Antibes a, à la suite d'un bilan pré-opératoire radiologique complet, été opérée selon une technique classique par un chirurgien compétent et confirmé et que l'indication opératoire était justifiée ; que le matériel d'ostéosynthèse utilisé était adapté et correctement placé ; que l'ostéoporose majeure de la patiente est pour partie responsable de l'évolution de la consolidation, qu'il n'y a pas eu de reprise précoce de l'appui, que l'effondrement osseux est lié à la fracture elle-même et que les soins comme la surveillance post-opératoire ont été diligents ; qu'ainsi, la responsabilité du Centre hospitalier d'Antibes ne peut être recherchée sur le fondement de la faute médicale ou de la faute dans l'organisation du service avant, pendant ou après l'intervention litigieuse ;
Considérant toutefois que lorsque l'acte médical, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de cette obligation ; qu'en l'espèce, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que Mme X ait été informée du risque connu d'apparition des complications inhérent à l'intervention chirurgicale pratiquée le 27 août 1991 ; que ce défaut d'information constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité du Centre hospitalier d'Antibes à l'égard de Mme X ;
Considérant cependant, qu'il résulte de l'instruction, qu'en l'absence de traitement chirurgical, l'intéressée aurait développé une arthrose majeure avec indication de prothèse totale du genou ce qui aurait abouti à une évolution plus grave que celle constatée chez la patiente ; que, d'autre part, l'indication opératoire était justifiée ; que par suite, la faute commise par le Centre hospitalier d'Antibes n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance pour Mme X de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; qu'aucune indemnisation ne peut, en conséquence, être due à ce titre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ni Mme Marguerite X ni la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes Maritimes ne sont fondées à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête à fin d'indemnité présentée par Mme X ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise exposés tant en première instance, pour un montant de 304,90 euros (2 000 F), qu'en appel, pour un montant de 1 378,40 euros, à la charge définitive du Centre hospitalier d'Antibes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le Centre hospitalier d'Antibes, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés ;
Sur les dispositions tendant à l'application de l'article L.376-1 du code de la santé publique :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.376-1 du code de la santé publique, de condamner le Centre hospitalier d'Antibes à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes la somme de 760 euros qu'elle demande ;
Décide :
Article 1er : La requête de Mme Marguerite X est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes sont rejetées.
Article 3 : Les frais d'expertise s'élevant à la somme de mille six cents quatre vingt-trois euros et trente centimes (1 683,30 euros) sont mis à la charge définitive du Centre hospitalier d'Antibes.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marguerite X, au Centre hospitalier d'Antibes et à la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes.