Un établissement public de santé a fait l’objet d’un recours syndical relatif aux conditions d’attribution de la prime de service à ses agents contractuels. En effet, dans cette espèce, un syndicat a contesté le refus du directeur d’un centre hospitalier opposé au versement de la prime de service aux agents contractuels. Arguant de difficultés budgétaires et de l’attente de consignes ministérielles, le directeur de cet hôpital a en effet, lors d’un comité technique d’établissement, réitéré une nouvelle fois la nécessité dans laquelle il se trouvait de rejeter la demande collective du syndicat de voir verser la prime de service prévue par l'arrêté interministériel du 24 mars 1967 relatif à l'attribution de primes de service aux personnels de certains établissements d'hospitalisation, de soins et de cure publique, aux agents contractuels travaillant dans l'établissement. Ce syndicat a obtenu l’annulation de ce refus et le centre hospitalier a fait appel de ce jugement. Par cet arrêt, la cour administrative d’appel a considéré que le recours présenté par le syndicat contre cette décision constituait un litige relatif à la situation individuelle d'agents publics et ne concernait ni l'entrée ou la sortie du service, ni la discipline. Il a ainsi estimé que le jugement du tribunal administratif est intervenu en premier et dernier ressort. La cour a, par la suite, renvoyé le recours du centre hospitalier au Conseil d'Etat qui pourrait profiter de cette occasion pour trancher un problème récurrent et ancien.
Cour Administrative d'Appel de Nancy
3ème chambre - formation à 3
N° 08NC00171
Inédit au recueil Lebon
M. DESRAME, président
M. Olivier TREAND, rapporteur
M. COLLIER, commissaire du gouvernement
CABINET WEDRYCHOWSKI GUIBERT-MENGUS TORRO JUNG, avocat
Lecture du jeudi 16 octobre 2008
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu I°), la requête, enregistrée le 4 février 2008 au greffe de la Cour sous le n° 08NC00171, complétée par des mémoires enregistrés les 31 mars et 5 mai 2008, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH par Me Torro, avocat ; le CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0601166 en date du 11 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg, à la demande du syndicat Sud santé-sociaux du centre hospitalier Marie-Madeleine de Forbach, a, d'une part, annulé la décision en date du 7 mars 2006 par laquelle le directeur du directeur du CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH a décidé de rejeter la demande du syndicat tendant au versement d'une prime de service aux agents contractuels de l'établissement et, d'autre part, a enjoint au directeur de « déterminer les droits des agents contractuels au paiement de la prime de service » ;
2°) de rejeter les demandes formées par le syndicat Sud santé-sociaux du CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge du syndicat Sud santé-sociaux du CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le recours dirigé contre le jugement relève d'un appel devant la Cour et non d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat, contrairement à ce qu'a indiqué à tort le tribunal dans la lettre de notification du jugement attaqué ; le litige soumis au tribunal ne portait pas sur la situation individuelle mais sur la situation collective faite aux agents contractuels de l'établissement non individuellement déterminés ;
- le jugement est entaché d'omission à statuer ; dans son dispositif, le tribunal, qui n'avait pas donné totalement satisfaction au syndicat requérant, a oublié de rejeter le surplus des conclusions de la requête ;
- la demande d'annulation de la décision du 7 mars 2006 était irrecevable et devait être rejetée, le syndicat requérant étant sans qualité pour former une demande présentant un caractère collectif ; les conclusions à fins d'injonction devaient connaître le même sort ;
- subsidiairement, la prime de service ne pouvait bénéficier qu'aux seuls agents participant au service public hospitalier ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés les 11 mars,16 avril et 2 mai 2008, présentés pour le Syndicat Sud santé-sociaux du CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH par son président, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la décision attaquée avait un caractère réglementaire puisqu'elle a été soumise au comité technique d'établissement qui, en vertu des dispositions du statut de la fonction publique hospitalière, est consulté obligatoirement sur « les critères de répartition de certaines primes et indemnités » ; la contestation du jugement relevait donc d'un pourvoi devant le Conseil d'Etat ;
- tous les agents contractuels avaient adressé une demande de versement de la prime de service au directeur du centre hospitalier ; ils étaient donc individuellement déterminés ;
- le tribunal n'a pas prononcé d'injonction de verser la prime aux agents contractuels mais s'est borné à demander à l'établissement de déterminer les droits des agents contractuels ;
- le syndicat avait intérêt à demander l'annulation de la décision du 7 mars 2006 ; il défendait les droits de ses membres conformément à ses statuts ;
Vu la lettre en date du 24 avril 2008 du président de la troisième chambre de la Cour qui avertit les parties que la décision est susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public ;
Vu II°), la requête, enregistrée le 25 février 2008 au greffe de la Cour sous le n° 08NC00304, complétée par des mémoires enregistrés les 17 mars et 25 avril 2008, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH par Me Torro, avocat ;
Le CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH demande à la Cour de décider, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, qu'il sera sursis à exécution du jugement n° 0601166 en date du 11 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg, à la demande du syndicat Sud santé-sociaux du CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH, a, d'une part, annulé la décision en date du 7 mars 2006 par laquelle le directeur du directeur du CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH a décidé de rejeter la demande du syndicat tendant au versement d'une prime de service aux agents contractuels de l'établissement et, d'autre part, a enjoint au directeur de « déterminer les droits des agents contractuels au paiement de la prime de service » ;
Il soutient que :
- sa requête à fin de sursis, qui n'a qu'un caractère accessoire conformément aux dispositions de l'article R. 811-17-1 du code de justice administrative, ne peut être tardive dès lors que le recours au fond a été introduit dans le délai de recours ; or, le jugement a été notifié le 14 décembre 2007, la requête d'appel au fond ayant été formée le 4 février 2008 ;
- les moyens sérieux soulevés permettent d'obtenir tant l'annulation du jugement que le rejet des conclusions présentées en première instance par le syndicat Sud santé-sociaux du CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH ; les demandes présentées devant le tribunal étaient irrecevables ; tant les conclusions d'excès de pouvoir que les conclusions à fins d'injonction ne pouvaient être formées de manière recevable par un syndicat ; de plus, le jugement est entaché d'une omission à statuer ;
- le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision du 7 mars 2006 n'est pas nouveau en appel et avait été soulevé en première instance ; en tout état de cause, l'appelant, défendeur en première instance, est susceptible de soulever des moyens fondés sur une cause juridique distincte de celle qu'il a invoquée devant les premiers juges ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés les 10 et 27 mars 2008, présentés pour le Syndicat Sud santé-sociaux du CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH par son président, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- les moyens invoqués ne sont pas sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement ; son exécution n'aurait pas de conséquences difficilement réparables ;
- le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'annulation dirigées contre la décision du 7 mars 2006 du directeur du CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH, qui refuse de verser à des agents des sommes qui leur seraient dues, est nouveau en appel ;
- il était recevable à demander l'annulation d'une décision dès lors que cette dernière avait été soumise au comité technique d'établissement, qui se prononce sur les « critères de répartition de certaines primes et indemnités » ; le jugement est fondé puisqu'il s'appuie sur des jurisprudences récentes ;
le recours émanait d'un membre du comité technique d'établissement ; la requête n'est donc pas collective ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu le décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnées à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu l'arrêté interministériel du 24 mars 1967 relatif à l'attribution de primes de service aux personnels de certains établissements d'hospitalisation, de soins et de cure publique.
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2008 :
- le rapport de M.Tréand, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées enregistrées sous les n° 08NC00171 et 08NC00304 sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : « Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue en première instance. Toutefois, dans les litiges énumérés aux 1°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8° et 9° de l'article R. 222-13, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. Il en va de même pour les litiges visés aux 2° et 3° de cet article sauf pour les recours comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes d'un montant supérieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 (..) » ; qu'aux termes de l'article R. 222-13 du même code : « Le président du Tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller ou ayant une ancienneté minimale de deux ans statue en audience publique et après audition du commissaire du gouvernement : (..) 2° sur les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques (..), à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie de service » ;
Considérant que lors du comité technique d'établissement du 7 mars 2006, en raison des difficultés budgétaires de l'hôpital et dans l'attente de consignes ministérielles, le directeur du CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH a, à titre d'information, réitéré une nouvelle fois la nécessité dans laquelle il se trouvait de rejeter la demande collective du syndicat Sud santé-sociaux du CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH de voir verser la prime de service prévue par l'arrêté interministériel du 24 mars 1967, relatif à l'attribution de primes de service aux personnels de certains établissements d'hospitalisation, de soins et de cure publique, aux agents contractuels travaillant dans l'établissement ; que le recours présenté par le syndicat Sud santé-sociaux du CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH contre cette décision constitue un litige relatif à la situation individuelle d'agents publics et ne concerne ni l'entrée ou la sortie du service, ni la discipline ; que le Tribunal administratif de Strasbourg en a connu dès lors en premier et dernier ressort ; qu'il y a lieu en conséquence de renvoyer au Conseil d'Etat le jugement des conclusions du centre hospitalier requérant dirigées contre le jugement du 11 décembre 2007 ;
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes n°s 08NC00171 et 08NC00304 du CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH dirigées contre le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 11 décembre 2007 sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH et au syndicat Sud santé-sociaux du CENTRE HOSPITALIER MARIE-MADELEINE DE FORBACH.