REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 31 mars 2000, complétée par les mémoires enregistrés les 25 septembre 2000 et 9 février 2001, présentée pour M. Hervé X, élisant domicile ..., agissant en son nom propre et en sa qualité de représentant légal de ses deux filles mineures Marie-Cécile X et Laure-Anne X, par Me Bloch, avocat ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9916 en date du 18 janvier 2000 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Nancy à lui verser, pour lui même une somme de 1 115 575 F, et pour chacune de ses filles, une somme de 140 000 F de dommages et intérêts, en réparation des préjudices subis à raison du décès de sa compagne et mère de ses enfants survenu le 2 mai 1994 ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Nancy à lui verser lesdites sommes, ainsi qu'une somme de 200 000 F au titre des frais de scolarité de ses filles ;
3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Nancy à lui verser une somme de 30 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en jugeant que le centre hospitalier n'avait commis aucune faute de surveillance ;
- le transfert de Mlle Y en unité spécialisée aurait dû intervenir plus tôt ;
- il existe une présomption de faute dans l'organisation et le fonctionnement du service du seul fait que le malade ait pu échapper à la surveillance ;
- le préjudice moral est certain tant pour lui que pour ses filles ;
- le préjudice économique, qui résulte de la perte de revenus pour le foyer, et les préjudices patrimoniaux résultant des troubles dans les conditions d'existence sont établis ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 mai 2000, présenté par la caisse primaire d'assurance maladie de Nancy déclarant ne pas intervenir au litige ;
Vu les mémoires, enregistrés les 14 juin et 11 juillet 2000 et le 25 mai 2001, présentés pour la Caisse des dépôts et consignations, tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Nancy à lui verser une somme de 528 725, 94 F au titre du capital représentatif de la rente versée à la date du 1er avril 2001, majorée des intérêts au taux légal à compter de cette date et à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Nancy à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés les 19 juin et 11 décembre 2000, présentés pour le centre hospitalier universitaire de Nancy par Me Clément, avocat, tendant au rejet de la requête et à la condamnation de M. X à lui verser une somme de 8 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Le centre hospitalier universitaire de Nancy soutient que :
- le transfert dans un autre service ne pouvait avoir lieu antérieurement à la date prévue compte-tenu de l'état de la malade ;
- aucune obligation particulière ne pesait sur l'établissement du fait de son absence de spécialisation ;
- des précautions supplémentaires de surveillance avaient été mises en place compte-tenu de l'état de la malade ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2005 :
- le rapport de Mme Monchambert, président,
- les observations de Me Tallarico pour Me Bloch, avocat de M. X, et de Me Vautrin pour la SCP Lagrange et associés, avocat du centre hospitalier universitaire de Nancy,
- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue d'une hospitalisation de trois semaines dans le service de neurochirurgie du centre hospitalier universitaire de Nancy consécutive à une tentative de suicide le 6 avril 1994, Mlle Y a été transférée le 28 avril 1994 au sein du même établissement dans une chambre du service d'ophtalmologie dépendant, sur le plan médical, du service de neurochirurgie en attendant son transfert dans le service de psychologie médicale prévu pour le 2 mai suivant à 14 heures ; que le 2 mai 1994, dans les minutes qui ont suivi son retour d'une consultation d'ophtalmologie vers 13 heures, Mlle Y s'est jetée par la fenêtre d'une chambre voisine de celle qu'elle occupait et est décédée sur le coup ; que son compagnon a demandé au centre hospitalier universitaire de Nancy réparation des préjudices subis du fait de la faute qu'aurait commise cet établissement en ne surveillant pas de façon appropriée la malade et de celle commise à raison du transfert tardif dans le service de psychologie médicale ; que par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande ;
Considérant, d'une part, que l'établissement hospitalier a pris en compte l'état de santé de Mlle Y, lors de son transfert au service d'ophtalmologie, tant sur le plan physiologique qu'en raison de son comportement qui pouvait laisser penser qu'elle pouvait, à nouveau, tenter de se suicider, en plaçant cette malade dans une chambre dont les fenêtres étaient verrouillées et en lui administrant les soins appropriés à son état ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas établi, ainsi que l'ont d'ailleurs relevé les premiers juges, que Mlle Y aurait manifesté dans les heures qui ont précédé son décès un comportement nécessitant un renforcement de la surveillance alors exercée selon les seules exigences du placement libre, voire un transfert accéléré ; qu'il résulte de l'instruction qu'à son retour de consultation, elle a été reconduite dans sa chambre par une infirmière qui n'a relevé aucun trouble de comportement ; que dans ces conditions, alors qu'elle était apparue sereine à la perspective de son transfert, rien ne permettait de laisser penser que Mlle Y profiterait de ce court laps de temps pour gagner la chambre voisine ; que contrairement à ce que soutient M. X, la circonstance que la fenêtre de cette chambre n'était pas verrouillée n'est pas constitutive, eu égard aux caractéristiques de l'établissement, d'un défaut d'aménagement des locaux ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, dans les circonstances dans lesquelles le suicide de Mlle Y s'est produit, cet accident ne saurait être imputé ni à une faute médicale, ni à une absence de surveillance du personnel ou à un défaut d'organisation du service et que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que M. X, partie perdante, puisse se voir allouer les sommes qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par le centre hospitalier universitaire de Nancy ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire de Nancy tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hervé X, au centre hospitalier universitaire de Nancy, à la caisse des dépôts et consignations et à la caisse primaire d'assurance maladie de Nancy.