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Cour administrative d’appel de Nancy, 29 janvier 2009, n° 07NC01065 (Responsabilité hospitalière – Infections nosocomiales – établissements de santé)

En l’espèce, une aide-soignante exerçant dans le service de chirurgie viscérale d’un centre hospitalier a été hospitalisée dans le même établissement des suites d’un épisode infectieux. Suite à la détérioration de son état de santé, la patiente a été transférée au sein d’un CHU où elle est décédée. Les consorts ont alors saisi la juridiction administrative d’une demande tendant à condamner le centre hospitalier à réparer les conséquences dommageables du décès de leur épouse et mère. La Cour administrative d’appel de Nancy rejette la requête au motif qu’il résulte de l’instruction que la patiente était atteinte d'une maladie congénitale se traduisant par de fréquents saignements de nez qui constituent l'origine vraisemblable de la pénétration dans le système sanguin de staphylocoques appartenant à une souche portée par une grande partie de la population. L’instruction révèle également que si certains des malades hospitalisés dans le service où était affecté cet agent  présentaient une staphylococcie, la bactérie en cause appartenait à une souche différente de celle relevée chez l'intéressée et que le lien de causalité entre son décès et son activité professionnelle ne peut être regardé comme établi. De plus, il n’apparaît pas dans l’instruction que la maladie congénitale dont elle était atteinte, connue de longue date, aurait constitué une contre-indication formelle à l’exercice de son activité d’aide-soignante. Enfin, la Cour administrative d’appel considère que les dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, aux termes desquelles les établissements hospitaliers sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère, ne sauraient trouver application en l’espèce, dès lors qu’elles ne concernent que la responsabilité des établissements à l’égard de leurs patients et non de leur personnel.

Cour Administrative d'Appel de Nancy
3ème chambre - formation à 3

N° 07NC01065

Inédit au recueil Lebon

M. VINCENT, président
M. Pierre VINCENT, rapporteur
M. COLLIER, commissaire du gouvernement
ROTH, avocat

Lecture du jeudi 29 janvier 2009

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 2 août 2007 et complétée par mémoires enregistrés les 5 octobre 2007 et 18 décembre 2008, présentée pour M. Jean-Louis X, M. Frédéric X et M. Jean-Christophe X, demeurant ensemble ..., par Me Roth ; les consorts X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501998 en date du 12 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à condamner le centre hospitalier François Maillot de Briey à réparer les conséquences dommageables du décès de leur épouse et mère, Mme Martine X ;

2°) de condamner ledit centre hospitalier à verser à M. Jean-Louis X une somme de 60 000 € au titre des troubles dans les conditions d'existence et de 25 000 € au titre du préjudice d'affection, ainsi qu'à verser respectivement à M. Frédéric X et à M. Jean-Christophe X une somme de 30 000 € au titre des troubles dans les conditions d'existence et de 20 000 € au titre du préjudice d'affection ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Briey une somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que les premiers juges ont commis une erreur de fait et de droit en écartant, au seul vu des suppositions de l'expert, les éléments objectifs qui établissent que Mme X était particulièrement vulnérable à la surinfection ;

- que l'établissement hospitalier a fait preuve de négligence en exposant sans précaution particulière Mme X, dont il connaissait la faiblesse chronique, à un risque particulier de contamination au sein du service de chirurgie B, où plusieurs cas d'infection à la bactérie sont régulièrement signalés ;

- qu'à supposer que la preuve du lien de causalité avec son activité dans ce service ne soit pas établie avec certitude, ils apportent les éléments propres à faire jouer une présomption de responsabilité, l'établissement hospitalier n'apportant par ailleurs pas la preuve négative dont la charge lui incombe ;

- que Mme X a été victime d'une maladie professionnelle contractée en service, qui oblige l'employeur à réparation intégrale ;

- qu'en écartant la présomption de responsabilité pesant sur le centre hospitalier en se fondant exclusivement sur l'allégation de l'expert selon laquelle Mme X était porteuse chronique d'un germe comme 30 % de la population, ce qui n'est pas établi, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;

- qu'une maladie nosocomiale se définit comme une infection contractée en milieu hospitalier et non comme infection par un germe méticillino-résistant ;

- que la responsabilité sans faute du centre hospitalier est également envisagée sur le fondement de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dès lors qu'il est probable que la maladie a été contractée en milieu hospitalier, ce qu'une prévention adaptée à la situation de Mme X aurait sans doute permis d'éviter ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2008, présenté pour le centre hospitalier de Briey par Me Pin ;

Le centre hospitalier de Briey conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 € soit mise à la charge des consorts X au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que les moyens énoncés par les requérants ne sont pas fondés ;

Vu l'ordonnance du président de la troisième chambre de la Cour, fixant la clôture de l'instruction au 18 décembre 2008 à 16 heures ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2009 :

- le rapport de M. Vincent, président de chambre,

- les observations de Me Roth, avocat des consorts X,

- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant que Mme X, aide-soignante dans le service de chirurgie viscérale du centre hospitalier François Maillot de Briey, a été hospitalisée le 31 juillet 2003 dans le même établissement des suites d'un épisode infectieux ; que le centre hospitalier a diagnostiqué une septicémie à staphylocoque auréus Méti S avec localisation endocardique, aortique et péricardite ; que, malgré l'administration d'une antibiothérapie, l'état hémodynamique de l'intéressée s'est dégradé, ce qui a justifié son transfert le 2 août 2003 au centre hospitalier universitaire de Nancy, où elle a subi deux interventions chirurgicales et où elle est décédée le 13 août d'un infarctus mésentérique post-interventionnel à une pancardite à staphylocoque auréus méti S ;

Considérant, en premier lieu, que si les consorts X invoquent une présomption de responsabilité du centre hospitalier de Briey en tant que l'infection de leur épouse et mère aurait pour origine l'exposition professionnelle à des agents bactériens, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert mandaté par la commission de réforme, laquelle a d'ailleurs émis un avis défavorable à la reconnaissance de la septicémie présentée par l'intéressée en tant que maladie professionnelle, d'une part, que Mme X était atteinte d'une maladie congénitale se traduisant par de fréquents saignements de nez, survenus notamment en juillet 2003, qui constituent l'origine vraisemblable de la pénétration dans le système sanguin de staphylocoques appartenant à la souche auréus Méti S, portés par une grande partie de la population, d'une part, que si certains des malades hospitalisés dans le service où était affectée Mme X présentaient également une staphylococcie, la bactérie en cause appartenait à une souche différente de celle relevée chez l'intéressée ; que si, comme l'admet expressément le centre hospitalier, l'un des malades hospitalisés en juillet 2003 était toutefois porteur du même germe que Mme X, il ressort des explications précises apportées par le centre hospitalier que l'infection dont celle-ci a été victime ne peut provenir d'un contact avec ce malade ; qu'il s'ensuit que le lien de causalité entre le décès de Mme X et son activité professionnelle ne peut être regardé comme établi ;
Considérant, en deuxième lieu, que si les requérants invoquent la négligence dont aurait fait preuve le centre hospitalier en tant qu'il aurait exposé l'intéressée à un risque de contamination sans précaution particulière, il ne résulte pas de l'instruction que la maladie congénitale dont elle était atteinte, connue de longue date, aurait constitué une contre-indication formelle à l'exercice de son activité d'aide-soignante ; que si le centre hospitalier n'a pas soumis Mme X à l'examen annuel du médecin du travail en 2002 et 2003, ce manquement est, eu égard à ce qui précède et en l'absence de l'invocation d'un quelconque changement des conditions de travail de celle-ci pendant cette période, en tout état de cause sans lien de causalité avec son décès ;

Considérant, en dernier lieu, que si les consorts X invoquent également les dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique aux termes desquelles les établissements hospitaliers sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère, ces dispositions ne sauraient trouver application en l'espèce, dès lors qu'elles ne concernent que la responsabilité des établissements à l'égard de leurs patients et non de leur personnel ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur requête ;

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Longwy :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Longwy précise ne pas intervenir à l'instance et conclut à ce que l'arrêt lui soit déclaré commun ; que la présente décision, qui rejette les conclusions des consorts X, est en tout état de cause insusceptible de préjudicier à ses droits ; qu'il s'ensuit que lesdites conclusions ne peuvent être accueillies ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Briey, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent les consorts X au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts X la somme que demande le centre hospitalier de Briey au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête des consorts X est rejetée, ainsi que les conclusions du centre hospitalier de Briey tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Longwy .

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Louis X, à M. Frédéric X, à M. Jean-Christophe X, au centre hospitalier François Maillot de Briey et à la caisse primaire d'assurance maladie de Longwy.