A la suite d’un accident en 1998, un homme est opéré d’une fracture du tibia à Chartres. Il est ensuite suivi à l’AP-HP où une nouvelle intervention chirurgicale est pratiquée. A la suite de cette intervention, des prélèvements bactériologiques révèlent la présence d’un staphylocoque coagulase négative qui nécessite une nouvelle intervention en 2000. Le patient estime qu’il a été victime d’une infection nosocomiale et recherche la responsabilité de l’AP-HP. La Cour administrative d’appel de Versailles estime que l’introduction accidentelle d’un germe microbien dans l’organisme lors d’une intervention chirurgicale révèle une faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service hospitalier et engage la responsabilité de celui-ci envers la victime des conséquences dommageables de l’infection. Il en va toutefois autrement lorsque l’infection, si elle est déclarée à la suite d’une intervention chirurgicale, résulte de germes déjà présents dans l’organisme du patient avant l’hospitalisation et pour des faits antérieurs à la loi du 4 mars 2002. En l’espèce, les différentes constatations des médecins ayant suivi le patient laissent à penser que celui-ci était porteur d’un germe infectieux avant l’intervention à l’AP-HP, et notamment que l’infection aurait été contractée au moment de la première intervention à Chartres. En effet, le juge se base pour considérer qu’il y a eu infection sur un faisceau d’indices, et notamment l’existence d’une peau à caractère inflammatoire, l’évacuation spontanée de pus et de vieux sang, et une tuméfaction ainsi qu’un sepsis superficiel. Aussi, la Cour retient la responsabilité du Centre hospitalier de Chartres alors même que l’origine du germe n’a pas été clairement identifiée.
Audience du 30 mars 2010
Lecture du 13 avril 2010
Vu la requête, enregistrée le 30 janvier 2009, présentée pour M. Patrick B demeurant … par la SCP Gibier, Souchon. Festivi, Rivierre, avocat au barreau de Chartres M. B demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0612187 du 9 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris dont relève l'hôpital, à réparer les conséquences dommageables résultant de l'intervention chirurgicale qu'il a subie dans cet établissement le 27 mars 2000 ;
2°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 19 000 euros
3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris une somme de 700 euros au titre des frais d'expertise ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient qu'à la suite d'un accident dont il a été victime le 2 novembre 1998. il a été admis au centre hospitalier de Chartres en raison d'une fracture du quart inférieur du tibia droit et d'une
fracture du pilon tibial gauche ; que l'hôpital a procédé à une arthrodèse le 27 mars 2000 ; qu'il a été victime d'une infection nosocomiale, consécutive à son hospitalisation dans cet établissement :
que l'expert a confirmé l'existence de cette infection et n'a pas prétendu contrairement au tribunal administratif_ qu'elle était antérieure à l'intervention chirurgicale réalisée à l'hôpital ; que la
chronologie des faits démontre qu'il ne souffrait pas d'infection lors de cette intervention ; que c'est le prélèvement du 19 octobre 2001 qui a révélé l'infection que le tribunal administratif a déformé
les conclusionsdu médecin expert et n'a pas respecté la règle de la présomption de faute qui pèse sur l'hôpital qu'il a été déclaré inapte à son emploi et perçoit une pension d'invalidité ; qu'il subit
donc un préjudice professionnel important qu'en outre il participait auparavant à des courses de type marathon ; qu'il évalue les troubles qu'il subit dans ses conditions d'existence à la somme de 10
500 euros et est également fondé à demander les sommes de.6 000 euros et de 2 500 euros au titre des souffrances endurées et du préjudice esthétique ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 5 mars 2009, présenté pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, dont le siège est situé 3, avenue Victoria à Paris (75184) par Me Tsouderos. avocat au barreau de Paris ; elle conclut :
- à titre principal, au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
- à titre subsidiaire, à ce que le montant des indemnités réclamées par M. B soit ramené à de plus justes proportions ;
Elle soutient que le centre hospitalier de Chartres a procédé à une ostéosynthèse par plaque vissée au niveau du tibia gauche le 2 novembre 1998 puis à l'ablation de cette plaque le 4 octobre 1999 ;
que l'état de sa cheville s'est dégradé en novembre 1999 ; que l'arthrodèse a été réalisée par l'hôpital le 27 mars 2000: que les prélèvements bactériologiques effectués le 19 octobre 2001, à
l'occasion de l'ablation du matériel. ont mis en évidence un staphylocoque coagulase negative méti S ; que la présence de ce foyer d'ostéite a nécessité une nouvelle intervention chirurgicale le 10
janvier 2002 ; que, pour bénéficier de la présomption de faute, le patient doit démontrer que l'infection a été contractée au sein du centre hospitalier mis en cause ; qu'en l'espèce, l'expert a retenu
plusieurs éléments en faveur d'une contamination intervenue soit lors de la première intervention chirurgicale du 2 novembre 1998, soit lors de l'intervention suivante du 4 octobre 1999 ; qu'il
mentionne notamment le caractère de la fracture l'état des tissus constatés par le chirurgien lors de l'ablation du matériel un écoulement spontané en novembre 1999 et le point de départ de l'ostéite
; que la circonstance que les prélèvements réalisés au cours de l'intervention chirurgicale du 27 mars 2000 soient restés stériles peut s'expliquer par la circonstance qu'il s'agissait d'une infection
localisée à germe peu agressif. masquée par l'antibiothérapie prescrite par le médecin traitant du patient que M. B n'est pas fondé à soutenir que le seul fait que l'identification du staphylocoque ait
eu lieu à l'occasion d'une intervention chirurgicale réalisée à l'hôpital révèle, par elle-même, l'existence d'une faute d'asepsie imputable à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ; que les évaluations
du préjudice subi par le requérant sont excessives ;
Vu le mémoire enregistré le 16 avril 2009 présenté pour la Caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir dont le siège est situé 11, rue du docteur André Haye à Chartres (28034) par la SCP
Gueilhers et associés, avocat au barreau de Versailles ; elle conclut
-à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris au remboursement de la somme de 21 306..63 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de sa première demande, sous
réserve des prestations qui pourraient être versées à la victime ultérieurement ;
- à ce que soient mises à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris les sommes de 955 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et
de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-I du code de justice administrative ;
La Caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir soutient qu'il résulte des éléments du dossier que c'est bien à la suite de l'intervention du 19 octobre 2001. au cours de laquelle l'hôpital a
procédé à l'ablation du matériel de l'arthrodèse. que les prélèvements bactériologiques mettront en évidence une infection, révélée par la présence de staphylocoques ; qu'elle est donc fondée à
demander à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris le remboursement des frais médicaux et d'hospitalisation qu'elle a supportés, pour un montant de 12 812,37 euros, ainsi que le remboursement
des indemnités journalières qu'elle a versées à M. B entre le 26 septembre 2000 et le 1 novembre 2001 soit la somme de 8 494.26 euros ;
Vu le mémoire enregistré le 22 mars 2010, présenté pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris qui conclut au rejet des conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir par
les mêmes moyens que ceux invoqués dans son précédent mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale
Vu le code de justice administrative :
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2010 :
-le rapport de Mmc I3arnaba. premier conseiller,
- les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,
-et les observations de Mc de Bretn, substituant Me Tsouderos. pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et de Me Gueilhers, pour la Caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir ;
Considérant que M. B , alors âgé de 47 ans victime d'une chute de cinq mètres de hauteur le 2 novembre 1998, a été aussitôt transporté au centre hospitalier de Chartres où les examens ont révélé
une fracture non déplacée du tibia droit, qui a fait l'objet d'une immobilisation plâtrée, ainsi qu'une fracture comminutive du pilon tibial gauche, qui a nécessité une intervention chirurgicale
pratiquée le jour même, au cours de laquelle il a été procédé à une ostéosynthèse par plaque vissée que l'ablation du matériel d'ostéosynthèse a été réalisée dans cet établissement le 6 octobre 1999 ;
qu'en raison de douleurs persistantes. M. B s'est rendu en consultation à diverses reprises à l'hôpital où une intervention chirurgicale a été pratiquée le 27 mars 2000 pour la réalisation d'une
arthrodèse de la cheville gauche, suivie d'une nouvelle intervention le 19 octobre 2001 pour l'ablation du matériel : que les prélèvements bactériologiques effectués à cette occasion ont révélé la
présence d'un staphylocoque coagulase négative qui a nécessité une nouvelle intervention chirurgicale le 10 janvier 2002 pour l'exérèse du foyer d'ostéite chronique que M. B a recherché la
responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris estimant qu'il avait été victime d'une infection nosocomiale survenue lors de l'intervention susmentionnée du 27 mars 2000 dans les
services de l'hôpital qu'il fait appel du jugement du 9 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Considérant que l'introduction accidentelle d'un germe microbien dans l'organisme lors d'une intervention chirurgicale révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service
hospitalier et engage la responsabilité de celui-ci envers la victime des conséquences dommageables de l'infection ; qu'il en va toutefois autrement lorsque l'infection. si elle est déclarée à la suite
d'une intervention chirurgicale, résulte de germes déjà présents dans l'organisme du patient avant l'hospitalisation ;
Considérant que M. B soutient que l'infection nosocomiale dont il a été victime s'est produite à l'occasion de l'arthrodèse réalisée le 27 mars 2000 à l'hôpital en faisant valoir qu'elle a été découverte
postérieurement à cette intervention, lorsqu'ont été connus les résultats des prélèvements bactériologiques effectués le 19 octobre 2001, lors de l'opération réalisée dans ce même établissement, en
vue d'enlever les vis d'arthrodèse ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction et, notamment du rapport de l'expert désigné en référé qu'une tuméfaction au niveau de la malléole gauche était constatée dès le 9 décembre
1998, alors que M. B se trouvait dans un établissement de rééducation après avoir quitté le centre hospitalier de Chartres ; que, lors de l'ablation du matériel d'ostéosynthèse à laquelle a procédé cet
établissement le 6 octobre 1999 le chirurgien a relevé. dans le compte rendu opératoire, que la peau du patient présentait un caractère inflammatoire, luisant, bleuté et oedémateux ; que si les
prélèvements bactériologiques n'ont alors pas permis de retrouver la présence de germes, l'état de la cheville du patient s'est toutefois détérioré dans le courant du mois de novembre 1999,
conduisant le médecin traitant de M. B à. procéder à une incision et à prescrire un traitement local ainsi qu'un médicament ttritibi61:1 que M. B a indiqué à l'expert qu'il avait alors
constaté une évacuation spontanée de pus et de vieux sang ; que, s'étant rendu dans le service des urgences du centre hospitalier de Chartres, celui-ci a noté, le 14 novembre 1999, la présence
d'une tuméfaction au niveau de la cicatrice ;
que le praticien de l'hôpital qui a examiné B lors d'une consultation le 15 décembre 1999, a mentionné dans une correspondance destinée au médecin traitant de M. B que ce dernier avait présenté «
un sepsis superficiel » lors de l'ablation, le 6 octobre 1999 du matériel d'ostéosynthèse qui avait été installé le 2 novembre 1998 ; que le médecin traitant a constaté, le 27 décembre 1999 une
persistance de la rougeur cutanée ; qu'ainsi, alors même que les examens bactériologiques étaient négatifs en 1999 il résulte des investigations rte l'expert et ne saurait être contesté, que M. B a
présenté en permanence dès l'année 1999, des symptômes permettant d'évoquer un état infectieux ces symptômes ayant été observés, d'une part par le centre hospitalier qui a constaté un « placard
inflammatoire » le 4 octobre 1999, des tissus tuméfiés lors de l'ablation du matériel d'ostéosynthèse le ô octobre 1999 et la persistance d'une tuméfaction rouge le 14 novembre 1999, d'autre part
par le médecin traitant du patient qui a dû procéder à des soins locaux dans le courant du mois de novembre 1999 et, enfin par le praticien de l'hôpital consulté le 15 décembre 1999 ainsi qu'il a été
rappelé plus haut ; que le diagnostic d'une fistule interne ayant été évoqué au cours d'une nouvelle consultation le 17 septembre 2001. en raison de douleurs mécaniques et inflammatoires dont se
plaignait M. B, des prélèvements bactériologiques ont été effectués le 19 octobre 2001, lors de l'ablation des vis d'arthrodèse : que si un staphylocoque coagulase mati-sensible a pu être alors
identifié, l'introduction de ce germe ne saurait être regardée comme s'étant produite lors de l'intervention chirurgicale du 27 mars 2000 à l'hôpital eu égard à la présence d'un phénomène infectieux
qui s'est manifesté à diverses reprises dès 1999 ainsi qu'il est dit ci-dessus et dès lors au surplus que NI° 09VE00288
comme le relève l'expert, la fracture comminutive du pilon tibial gauche dont a été victime M. B constitue une lésion grave, située dans un environnement musculaire et cutané défavorable, exposé
aux risques d'une infection ; que le médecin expert fait d'ailleurs état dans son rapport, d'une infection nosocomiale « survenue au contact du matériel d'ostéosynthèse »
que dès lors, M. B doit être regardé comme ayant été porteur d'un foyer infectieux avant la réalisation de l'arthrodèse réalisée dans les services de l'hôpital le 27 mars 2000 ; que, par suite, il n'est
pas fondé à soutenir que l'infection dont il a souffert révèlerait, par elle-même, une faute dans l'organisation et le fonctionnement de cet établissement d'hospitalier ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes
que demandent M. B et la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de
faire droit aux conclusions de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris tendant au remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article l er: La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris tendant à l'application, à son profit, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Patrick B, à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et à la Caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2010 où siégeaient : M. BROTONS, président ;
Mme SIGNERIN-ICRE, président assesseur ;
.Mme BARNABA, premier conseiller ;
Lu en audience publique le 13 avril 2010.