Un patient a été admis le 12 septembre 2009 dans un hôpital au service des urgences en état d'ivresse aiguë. Après une prise en charge par l'infirmière d'accueil et d'orientation, un médecin urgentiste après avoir constaté que les bilans cliniques d'usage étaient normaux, a considéré que le patient n'était pas en mesure de rentrer chez lui en raison d'un état agressif et des tentatives répétées de quitter les urgences.
Il a, en conséquence, été entravé sur son lit avec une ceinture de contention ventrale et des liens aux quatre membres. Après avoir mis le feu à ses attaches avec un briquet, le patient a été victime d'un incendie qui a enflammé ses vêtements.
Il a été atteint de brûlures sur 22 % de la surface corporelle dont 16,5 % au 3ème degré, notamment sur la partie gauche du thorax et à la main gauche. Après une longue prise en charge médicale, et huit interventions chirurgicales réparatrices, le patient a regagné son domicile le 21 juillet 2011, date à laquelle son état de santé sera considéré comme consolidé.
Le Tribunal administratif de Paris a condamné l’établissement de santé à verser, d'une part, au patient « la somme de 84 750 euros et, d'autre part, à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris la somme de 443 230,26 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 mai 2014 et de la capitalisation des intérêts à compter du 20 mai 2015 et à chaque date anniversaire de cette dernière date, ainsi que, au fur et à mesure de leur engagement et sur justificatifs, les frais pharmaceutiques de crème hydratante et les frais médicaux de quatre consultations d'un médecin généraliste et d'une consultation d'un médecin spécialiste en dermatologie par an, présentant un lien direct avec la faute commise en septembre 2009 et une indemnité forfaitaire de gestion de 1 037 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. »
L’établissement de santé a relevé appel du jugement sur plusieurs points notamment sur la responsabilité de l’établissement de santé.
En ce qui concerne la responsabilité de l’établissement de santé, le TA de Paris s'est fondé sur les circonstances qu’ « aucune prescription écrite de la contention par le médecin urgentiste, ni aucune trace écrite de la surveillance horaire qu'impose l'usage de ce matériel n'[avaient] été retrouvées dans le dossier médical de M.X; que, par suite, le seul fait qu'après avoir mis le feu à ses attaches avec son briquet, M. X ait été victime d'un incendie, et de brûlures d'une très grande intensité révèl[ait] de lui-même une faute dans le fonctionnement du service hospitalier de nature à engager la responsabilité de Y, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que M. X...n'aurait pu être ni déshabillé, ni fouillé en raison de son comportement particulièrement violent à l'égard du personnel soignant. »
La Cour d’appel relève que toutefois qu’il « ne résulte d'aucune disposition, notamment du code de la santé publique, que la prescription d'une mesure de contention puis les conditions de sa surveillance doivent faire l'objet d'une transcription par écrit, même si une telle transcription semble relever des bonnes pratiques en la matière et, en second lieu, l'absence de consignation par écrit de la contention subie par M. X n'est, en tout état de cause, pas à l'origine des dommages subis par ce dernier. Par suite, le Tribunal administratif de Paris ne pouvait, ainsi qu'il l'a fait, fonder la responsabilité de Y sur l'absence de prescription par écrit de la mesure de contention et de mention écrite de la surveillance dont aurait dû faire l'objet M.X. »
« Il résulte de l'instruction que M. X a été pris en charge par le service des urgences de l'hôpital Bichat dans un état d'ivresse aiguë caractérisé par un état d'agitation extrême. L'intéressé, qui n'a pu être sédaté compte tenu de contre-indications liées à son état d'ivresse, a tenté à plusieurs reprises de s'enfuir et s'est montré violent à l'égard du personnel soignant lequel a mis en place la mesure de contention, sans avoir préalablement procédé à la fouille de l'intéressé. Les bonnes pratiques en matière de contention, ainsi qu'il résulte des conclusions du rapport d'expertise, veulent que la contention se fasse sur un patient devant être partiellement déshabillé et ayant été préalablement fouillé. Or, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas sérieusement contesté que M. X n'a pas été fouillé ni partiellement déshabillé avant d'être placé sous contention, ce qui a permis que M. X conserve le briquet à l'origine du sinistre dont il a été victime. Ainsi, Y a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, dont elle ne saurait s'exonérer en invoquant la faute de la victime qui serait constituée par son comportement violent et son initiative de mettre le feu à ses liens dès lors que la contention et les mesures de fouille qui auraient dû l'accompagner avaient justement pour objet de prévenir les conséquences qui pouvaient résulter du comportement violent de M.X... Si Y soutient également que la faute commise n'a entraîné qu'une perte de chance de voir le préjudice se réaliser, ce moyen ne pourra, toutefois, qu'être écarté dès lors que la faute commise est à l'origine exclusive du dommage survenu. »