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Cour de cassation, 11 mars 2014, n° 13-15767 (Hospitalisation sous contrainte – décisions d’admission)

Monsieur X, mis en examen pour un double meurtre, et ayant fait l’objet d’une ordonnance de non-lieu en raison d’une schizophrénie paranoïde, a été placé d’office, le 8 janvier 1988, à l’hôpital psychiatrique Y par le préfet des Hauts de Seine et a fait l’objet de soins psychiatriques contraints sous forme d’une hospitalisation complète depuis cette date. Le 4 janvier 2012, le préfet de la Moselle a saisi le JLD aux fins d’obtenir la poursuite de cette hospitalisation à compter du 18 janvier 2012. Monsieur X fait grief à l’ordonnance de prolonger la mesure d’hospitalisation et de ne pas respecter les dispositions prévues à l’article L. 3211-12-1 I du code de la santé publique.  La cour de cassation rejette son pourvoi et rappelle que les délais prévus à l’article L. 3211-12-1 I ne sont pas applicables aux décisions d’admission prises avant le 1er août 2011 (date d’entrée en vigueur de la loi n°2011-803 du 5 juillet 2011).

 

Cour de cassation

chambre civile 1

Audience publique du mardi 11 mars 2014

N° de pourvoi: 13-15767

M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président), président
SCP Lesourd, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par un premier président (Metz, 30 janvier 2012), que M. X..., mis en examen pour un double meurtre, et ayant fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu en raison d'une schizophrénie paranoïde, a été placé d'office, le 8 janvier 1988, à l'hôpital psychiatrique de Sarreguemines par le préfet des Hauts-de-Seine et a fait l'objet de soins psychiatriques contraints sous forme d'une hospitalisation complète depuis cette date, que le 4 janvier 2012, le préfet de la Moselle a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins d'obtenir la poursuite de l'hospitalisation à compter du 18 janvier à 0 heure ;

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance de prolonger la mesure d'hospitalisation alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article L. 3211-12-1, I du code de la santé publique que l'hospitalisation complète ne peut se poursuivre que si elle est autorisée par le juge des libertés et de la détention avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la mesure d'admission (1°) ou de la modification d'une mesure antérieure (2°) ou d'un délai de six mois à compter de décisions judiciaires prises en la matière, et le IV du même texte dispose que « lorsque le juge des libertés et de la détention n'a pas statué dans les délais mentionnés au I, la mainlevée est acquise à l'issue de chacun de ces délais » ; que le contrôle de la Cour de cassation ne peut dès lors être exercé que si la décision attaquée précise la nature et la date de la décision de placement sous le régime de l'hospitalisation complète ; que cependant, on ne trouve les éléments nécessaires permettant à la Cour de cassation d'exercer son contrôle ni dans l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, ni dans celle du premier président ; qu'en conséquence, l'ordonnance attaquée manque de base légale au regard du texte susvisé ;

Mais attendu qu'en vertu des dispositions de l'article 18 de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011, créant l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, les délais prétendument méconnus ne sont pas applicables aux décisions de maintien en hospitalisation complète des personnes faisant l'objet, au 1er août 2011, de soins psychiatriques en application de décisions d'admission prises avant cette date ; que l'ordonnance ayant mentionné que M. X... avait fait l'objet de soins contraints sous forme d'hospitalisation complète depuis le 8 janvier 1988 et fait état des décisions ayant permis le maintien de cette mesure, compte tenu de sa dangerosité, le grief est inopérant ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille quatorze.

 

 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée du premier président de la cour d'appel de Metz d'AVOIR confirmé une ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant à l'égard de M. X... la poursuite de soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète à compter du 18 janvier 2012 ;

AUX MOTIFS QU'en application de l'article L3211-12-1 du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention peut constater ou ordonner la mainlevée de la mesure, soit lorsque les délais de saisine du juge n'ont pas été respectés, soit lorsque les conditions de l'hospitalisation complète ne sont plus remplies ; que selon les 1° et 2° du paragraphe 2 de l'article L3211-12 du même code, le juge ne peut ordonner la mainlevée d'une hospitalisation résultant d'une décision d'irresponsabilité pénale qu'après avoir recueilli deux expertises établies par des psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L3213-5-1 ; qu'en l'espèce, les délais de saisine ont été respectés et ne sont pas contestés ; qu'au soutien de sa requête, la préfecture a joint : l'arrêté de placement d'office de M. X... à l'hôpital psychiatrique de Sarreguemines pris le 8 janvier 1988 par le commissaire de la République du département des Hauts de Seine, l'ordonnance rendue le 18 janvier 1988 par un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nanterre prononçant au visa de l'article 64 ancien du code pénal un non-lieu du chef des faits d'assassinats reprochés à M. X..., un rapport d'expertise psychiatrique déposé le 2 juillet 1987 par les docteurs Y...et Z...; un rapport d'expertise psychiatrique déposé le 3 septembre 1987 par les docteurs A..., B...et C... ; un arrêté pris le 7 juillet 1992 prononçant le maintien de M. X... sous le régime de l'hospitalisation d'office ; un jugement prononcé le 31 octobre 2008 par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Puteaux plaçant M. X... sous le régime de la curatelle et désignant l'UDAF de Moselle en qualité de curateur des certificats médicaux mensuels de situation rédigés les 3 juillet 1992, 3 août 2011, 2 septembre 2011, 3 octobre 2011, 3 novembre 2011, 2 décembre 2011 et 3 janvier 2012 ; un avis de la commission de suivi médical établi le 14 octobre 2011 ; l'avis donné le 2 janvier 2012 par le collège prévu par l'article L 3211-9 du code de la santé publique ; qu'il résulte de l'ensemble de ces pièces que M. X... a été admis au bénéfice de soins contraints à la suite de faits de double meurtre commis alors qu'il était sous l'emprise d'un délire de persécution ; que selon les deux rapports d'expertise établis en 1987, M. X... souffre d'une schizophrénie paranoïde chronique d'évolution ancienne ; que sa curabilité, qualifiée, dans l'un des rapports, de très hautement aléatoire, nécessite des soins importants ; que les médecins psychiatres relèvent également son extrême dangerosité ; qu'ensuite les certificats mensuels de situation soulignent de manière concordante la persistance de cette pathologie ; que la commission de suivi médical a noté l'absence de toute critique des troubles mentaux ou du passage à l'acte, la continuité des idées de persécution et la dangerosité potentielle du sujet, le risque de réitération n'étant pas exclu ; que le collège de trois professionnels observe notamment : « sur le plan clinique, le diagnostic de schizophrénie paranoïde était déjà établi avant les faits mais il n'y a jamais pu y avoir de prise en charge ambulatoire régulière du fait de la méfiance et des idées délirantes du patient. L'évolution de la pathologie s'est faite vers un tableau de paranoïa avec délire structuré autour d'un persécuteur désigné, sthénicité, psychorigidité et refus de soins. Dans son délire, M. X... attribuait ces troubles psychiques au traitement subi à l'hôpital, en particulier la sismothérapie. Depuis les faits d'homicide, le tableau, au regard des éléments du dossier, n'a que peu évolué, sauf la sthénicité et la quérulence processive qui ont régressé au fil des années » ; que le collège décrit M. X... comme « un patient ritualisé, sans problèmes comportementaux. Les entretiens restent cependant laconiques et l'évocation des faits se heurte toujours au mutisme le plus total. M. X... apparaît surtout préoccupé par ses besoins concrets : ses demandes sont principalement utilitaires. Même si la critique de sa maladie est superficielle, la compliance aux soins est bonne ». Que lors de l'audience du 25 janvier 2012, M. X... a déclaré que son traitement est désormais très réduit et qu'il ne souffre plus de troubles mentaux ; qu'il attribue cependant toujours les faits d'homicide à des électrochocs qu'il aurait subis, invitant le magistrat à se référer à des mémoires qu'il aurait rédigés sur ce point ; que de l'ensemble de ces constatations, il s'évince que M. X... souffre toujours d'une maladie mentale d'une gravité telle que sa dangerosité demeure importante ; que comme l'a relevé le premier juge, l'intéressé présente des risques sérieux de compromission de la sûreté des personnes et d'atteinte grave à l'ordre public ; qu'en l'état de ces troubles avérés qui se sont encore manifestés lors de l'audience, il est inutile d'ordonner une mesure d'expertise ; que cette pathologie et les oins dont doit bénéficier M. X... rendent indispensables la poursuite de l'hospitalisation complète sous contrainte ; que partant, l'ordonnance déférée doit être confirmée dans toutes ses dispositions » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DU JUGE DES LIBERTES ET DE LA DETENTION : « Vu la décision en date du 8 janvier 1988 prise par M. le commissaire de la République du département des Hauts de Seine et portant admission depuis le 18 janvier 1988 de M. X... Jean Louis au bénéfice de soins contraints sous la forme d'une hospitalisation complète ; vu les décisions administratives successives portant maintien de cette mesure jusqu'à ce jour ; vu les certificats médicaux en date des 3 juillet 2011, 3 août 2011, 2 septembre 2011, 3 octobre 2011, 3 novembre 2011, 2 décembre 2011 et 3 janvier 2012 émanant des médecins en charge du suivi médical hospitalier du défendeur ; vu l'avis de la commission du suivi médical du 14 octobre 2011 ; vu l'avis du collège de trois professionnels rendu en date du 2 janvier 2012 et préconisant la poursuite des soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète ; qu'il résulte des certificats médicaux, avis et pièces produites à la procédure et des débats la preuve que M. X...  a été admis au bénéfice de soins contraints en suite de son comportement aux termes duquel il a perpétré un double meurtre sous l'emprise d'un délire de persécution ; que ce comportement révèle, selon les constatations médicales rappelées, une pathologie mentale de type schizophrénie paranoïde, rendant nécessaires des soins et ce d'autant plus que le consentement éclairé de M. X...  s'est révélé et se révèle encore impossible à recueillir, celui-ci n'adhérant qu'imparfaitement aux soins, la critique de sa maladie restant superficielle et l'évocation des faits se heurtant toujours au mutisme le plus total ; que par ailleurs, la pathologie de M. X...  présente des risques sérieux de compromission de la sûreté des personnes et d'atteinte grave à l'ordre public en ce que sa maladie n'a que peu évoluée depuis les faits d'homicide qu'il a commis et sa dangerosité demeure prégnante ; qu'en conséquence, il se déduit de ce constat que M. X...  souffre toujours d'un trouble mental rendant indispensable des soins appropriés sous le régime d'une hospitalisation constante sous contrainte dont la poursuite s'impose » :

ALORS QU'il résulte de l'article L. 3211-12-1, I du code de la santé publique que l'hospitalisation complète ne peut se poursuivre que si elle est autorisée par le juge des libertés et de la détention avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la mesure d'admission (1°) ou de la modification d'une mesure antérieure (2°) ou d'un délai de six mois à compter de décisions judiciaires prises en la matière, et le IV du même texte dispose que « lorsque le juge des libertés et de la détention n'a pas statué dans les délais mentionnés au I, la mainlevée est acquise à l'issue de chacun de ces délais » ; que le contrôle de la Cour de cassation ne peut dès lors être exercé que si la décision attaquée précise la nature et la date de la décision de placement sous le régime de l'hospitalisation complète ; que cependant, on ne trouve les éléments nécessaires permettant à la Cour de cassation d'exercer son contrôle ni dans l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, ni dans celle du premier président ; qu'en conséquence, l'ordonnance attaquée manque de base légale au regard du texte susvisé.