Revenir aux résultats de recherche

Cour de Cassation, 14 décembre 1999, Editions X (secret médical - interdiction de la diffusion d'un ouvrage)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur les quatre moyens, réunis et pris en leurs diverses branches, du pourvoi principal de la société Les Editions X  et de M. Y. :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Les Editions X, éditeur de l'ouvrage intitulé " Le Grand Secret ", dont M. X. est coauteur, à verser des dommages-intérêts aux consorts Z., et d'avoir confirmé la mesure d'interdiction de diffusion du livre pour violation du secret médical ; qu'il est reproché à la cour d'appel, d'une part, de s'être fondée sur la violation, par M. X., du secret médical, sans distinguer entre les révélations relevant de ce secret et celles visant la vie privée de M. Z, d'autre part, d'avoir accordé aux héritiers une indemnisation pour les conséquences de la publication, soit un préjudice postérieur au décès, encore, d'avoir privé leur décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et de la liberté d'expression sur les sujets politiques, en l'état, surtout, des révélations faites par ailleurs sur la vie privée de M. Z.., enfin, d'avoir omis de distinguer dans l'indemnisation ce qui relevait du préjudice subi du fait de la violation du secret médical, de ce qui relevait du préjudice personnellement éprouvé par les héritiers ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que toutes les informations publiées avaient été recueillies par M. X. à l'occasion de son activité de médecin personnel de M.Z., de sorte qu'elles relevaient du secret médical pussent-elles constituer, en outre, une atteinte au respect dû à la vie privée ; qu'ayant constaté que la violation du secret médical était établie par un jugement pénal, les juges du second degré, qui ont retenu que l'exercice de la liberté d'expression pouvait donner lieu à certaines restrictions, notamment pour la protection des droits d'autrui, ont légalement justifié leur décision en décidant, souverainement, que la cessation de la diffusion de l'ouvrage était seule de nature à mettre fin à l'infraction pénale et au préjudice subi, qu'ils ont souverainement évalué, sans avoir à faire la distinction visée par le pourvoi ;

Qu'aucun des moyens n'est donc fondé ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi incident des consorts Z. :

Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel d'avoir déclaré irrecevable la demande des consorts Z. fondée sur l'atteinte à la vie privée de leur auteur, alors que, d'une part, les ayants droit reçoivent le droit d'agir au nom de leur auteur pour voir sanctionner l'atteinte à la vie privée commise au moment et immédiatement après son décès, alors même qu'ils sont directement atteints dans leur propre vie privée, et alors que, d'autre part, la recevabilité de l'action des héritiers tendant à obtenir réparation du préjudice porté par l'atteinte à la vie privée de leur auteur est nécessairement liée à celle de l'atteinte portée à leur propre vie privée caractérisée par la cour d'appel, de sorte qu'il y aurait violation des articles 9 du Code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu que le droit d'agir pour le respect de la vie privée s'éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit ; que le moyen ne peut donc être accueilli en aucune de ses branches ;

Mais sur le second moyen du même pourvoi incident :

Vu l'article 1351 du Code civil ;

Attendu que pour mettre hors de cause M. Y., l'arrêt attaqué énonce que ses agissements ne sont pas détachables de ses fonctions de dirigeant social et ne constituent pas, sur le plan civil, une faute distincte de celle reprochée à la société Les Editions X ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que M. Y. avait été condamné pénalement pour complicité de la violation du secret médical commise par M. X., et que l'action engagée au civil par les consorts Z. tendait à la réparation du préjudice résultant de l'infraction, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a mis hors de cause M. Y., l'arrêt rendu le 27 mai 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.