REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur les deux moyens réunis, le premier, pris en ses trois branches :
Attendu que, dans une instance tendant à la liquidation et au partage des successions de leurs parents et à l'annulation d'une donation et d'une vente consenties à M. Y..., leur frère, MM. Y... et Mme Z... ont obtenu l'organisation d'une expertise ; que, sur la demande de l'expert, il a été décidé que celui-ci pourrait consulter le dossier médical de Mme A. ., leur mère, détenu par M. X..., médecin, qui a prétendu qu'il en était empêché en raison de son obligation au secret ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 15 mars 2000) d'avoir décidé que ce praticien ne pouvait opposer le secret médical à l'expert commis et devait lui communiquer les renseignements nécessaires à sa mission, alors, selon le premier moyen :
1° qu'en affirmant que les informations couvertes par le secret médical appartiennent au patient et à ses ayants-droit, pour en déduire que ces derniers pourraient obtenir la levée du secret médical pour servir leurs intérêts propres et particuliers, alors que le secret médical n'est pas un élément patrimonial, la cour d'appel a violé l'article 226-13 du Code pénal et l'article 4 du décret du 6 septembre 1995 portant Code de déontologie médicale ;
2° qu'en ordonnant au médecin traitant de communiquer à un expert judiciaire le dossier d'un patient défunt à seule fin de servir les intérêts des ayants-droit sans justifier d'une disposition législative contraignant, dans une telle hypothèse, à une telle communication le médecin traitant qui, en tant que dépositaire du secret médical de son patient, avait un intérêt légitime à s'y opposer, alors que le secret médical a un caractère général et absolu s'entendant comme l'impossibilité pour le juge civil d'accéder, fût-ce par l'intermédiaire d'un médecin expert désigné par lui, au dossier médical d'un patient décédé, à moins d'y avoir été autorisé par la loi strictement interprétée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 226-13 du Code pénal et 10 du Code civil ;
3° qu'en ne caractérisant pas en quoi l'accès aux informations contenues dans le dossier médical de Mme A était la seule voie possible pour établir son état d'insanité, alors que des limites légales au caractère absolu et général du secret médical ne peuvent être apportées que lorsque l'accès aux informations couvertes par le secret médical est nécessaire et indispensable à la manifestation de la vérité, c'est-à-dire lorsqu'il est la seule voie possible à son établissement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 226-13 du Code pénal et 10 du Code civil ; et alors que, selon le second moyen, en se contentant d'enjoindre au docteur X... de communiquer le dossier médical de Mme A. au docteur B, expert judiciaire, sans arrêter des mesures garantissant que ce dernier ne prendrait connaissance que des seules informations nécessaires et indispensables à l'établissement de l'état de santé mentale de la défunte au moment de la donation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 226-13 du Code pénal et 11 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 901 du Code civil, pour faire une donation, il faut être sain d'esprit ; que, par l'effet de cette disposition qui vaut autorisation au sens de l'article 226-14 du Code pénal, le professionnel est déchargé de son obligation au secret relativement aux faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de sa profession ; que la finalité du secret professionnel étant la protection du non-professionnel qui les a confiés, leur révélation peut être faite non seulement à ce dernier mais également aux personnes ayant un intérêt légitime à faire valoir cette protection ; qu'ayant relevé que les enfants de Mme A avaient un intérêt légitime à rechercher si, à l'époque où elle a consenti la donation critiquée, elle était saine d'esprit, les juges du fond n'ont fait qu'exercer leur office en prescrivant une mesure d'expertise dont, en décidant que l'expert ne devrait communiquer le dossier médical à aucune personne mais seulement le consulter afin de pouvoir répondre aux questions de sa mission, ils ont exactement fixé les modalités ; que le premier moyen est en sa troisième branche nouveau et mélangé de fait, M. X... et le Conseil régional de l'Ordre des médecins de Loire-Atlantique n'ayant pas soutenu que l'accès aux informations contenues dans le dossier devait être la seule voie possible pour établir l'insanité d'esprit de Mme A ; que le premier moyen est donc irrecevable en sa troisième branche et mal fondé, comme le second moyen, en ses autres griefs ;
PAR CES MOTIFS :REJETTE le pourvoi.