La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a été saisie par deux requérantes s’agissant de l’interdiction d’exportation de gamètes ou d’embryons vers un autre pays en vue d’une procréation post mortem. Invoquant l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, les requérantes considèrent que « […] les refus litigieux qui se fondent sur l’interdiction de la procréation posthume posé par l’article L. 2141-2 du CSP et l’interdiction d’exporter des gamètes ou des embryons à des fins prohibés par la loi française prévue par l’article L. 2141-11-1 du même code emportent violation de leurs droits. ».
Par une décision rendue le 14 septembre 2023, la CEDH souligne tout d’abord le fait que la loi française interdit depuis 1994 l’insémination posthume et l’exportation des gamètes ou embryons à l’étranger s’ils sont destinés à être utilisés à des fins qui sont prohibées sur le territoire national. Que le processus législatif a abouti, récemment encore, en 2021, au maintien de cette interdiction. A cet égard, la Cour reconnait que l’interdiction litigieuse affecte la vie privée des requérantes, dès lors que la possibilité pour une personne d’exercer un choix quant au sort à réserver à ses embryons ou gamètes relève de son droit à l’autodétermination, et constitue une ingérence dans leur droit de tenter de procréer en recourant aux techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP).
Selon la CEDH, l’interdiction d’exportation de gamètes ou d’embryons, « qui revient à exporter l’interdiction de la procréation post mortem sur le territoire national », vise à faire obstacle au risque de contournement des dispositions du code de la santé publique posant cette interdiction. Elle note également que, jusqu’à l’intervention de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique, le législateur s’est efforcé de concilier la volonté d’élargir l’accès à l’AMP et le respect des préoccupations de la société quant aux questionnements éthiques délicats soulevés par la perspective d’insémination posthume.
La CEDH conclut que les autorités internes ont ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu et que l’État défendeur n’a pas outrepassé la marge d’appréciation dont il disposait. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Toutefois, la Cour reconnait que l’ouverture, depuis 2021, par le législateur de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules pose de manière renouvelée la pertinence de la justification du maintien de l’interdiction dénoncée par les requérantes.