La liberté de religion peut s’exprimer au sein de l’hôpital par l’accomplissement de divers actes rituels (prières quotidiennes, régime alimentaire spécifique,…). La circoncision est l’un de ces actes où le médecin est sollicité directement dans la pratique individuelle ou familiale du culte.
1. Le cadre juridique de la circoncision:
La compatibilité d’un acte médical avec la pratique religieuse apparaît avec une particulière acuité dans le cas des circoncisions justifiées par le seul respect des obligations rituelles pratiquées à l’hôpital public.
En effet, cette pratique semble contraire aux textes et principes suivants :
- Les articles L.6111-2 et L.6112-1 du code de la santé publique définissent limitativement les missions des établissements publics de santé (soins, enseignement et recherche). La doctrine et une jurisprudence constante s’accordent pour définir l’acte médical comme celui accompli par un professionnel de santé et destiné à guérir autrui.
Par conséquent, l’accomplissement par des professionnels de santé de circoncisions sans justification médicale n’entre à l’évidence dans aucune de ses missions ou de ses fonctions ;
- L’article L.1110-5 du code de la santé publique médicale paraît plus particulièrement incompatible avec un tel acte : il dispose que “ les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, faire courir au patient de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté ”.
- De même, l’article 40 du code de déontologie précise que “ le médecin doit s’interdire, dans les investigations et interventions qu’il pratique comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié ”.
Il apparaît ainsi qu’à défaut de finalité thérapeutique, au sens où le patient n’a a priori aucun bénéfice à retirer d’une opération sans finalité thérapeutique, le risque auquel le professionnel de santé expose le patient semble injustifié au sens de l’article précité ;
- En outre, les principes de laïcité et de neutralité du service public s’opposent à toute forme de substitution de praticiens hospitaliers aux ministres du culte pour l’accomplissement de rites religieux et ainsi qu’à la prise en charge de ces derniers par l’assurance maladie.
2. Le cadre médical de la circoncision :
Même contestée, la pratique de la circoncision qui ne fait pas partie des missions de l’hôpital public peut se rencontrer au sein des établissements publics de santé.
Le Conseil d’Etat a notamment conclu dans un arrêt en date du 3 novembre 1997 (Joseph Imbert d’Arles) qu’un établissement public engageait sa responsabilité lorsqu’un acte médical, nécessaire au diagnostic, au traitement du patient ou au contraire, dépourvu de finalité thérapeutique, présente un risque dont l’existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé (Cf. CE Assemblée, 09/04/1993, arrêt BIANCHI).
L’exécution de cet acte doit être la cause directe de dommages sans rapport avec l’état initial du patient comme avec l’évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d’extrême gravité.
Faut-il pour autant indemniser la famille d’un patient opéré d’une circoncision liée à des motifs religieux et pratiquée hors de toute prescription thérapeutique ? La réponse est affirmative, car en décider autrement eût constitué une rupture d’égalité entre les usagers du service public hospitalier. Dès lors que l'hôpital a admis l’entrée du patient ainsi que l’intervention litigieuse, la motivation religieuse ne peut plus ensuite, être prise en compte comme la solution à donner en cas d’accident thérapeutique.
Pour éviter tout contentieux, l’hôpital public peut-il refuser d’intervenir dans l’accomplissement d’un tel acte lorsque l’intervention médicale repose sur un seul motif religieux ?
Pour justifier l’accomplissement de la circoncision au sein d’un établissement de santé, certains praticiens hospitaliers pourraient invoquer au titre de justification médicale, les éléments suivants :
- Le 1er argument est d’ordre hygiénique : l’acte rituel de circoncision est habituellement réalisé sur de jeunes enfants par un non professionnel. De nombreux parents demandent par conséquent aux hôpitaux l’accomplissement de cette pratique sur leurs enfants. L’acte religieux n’étant pas sans danger puisqu’il peut s’ensuivre une septicémie, les médecins acceptent alors pour des raisons médicales la réalisation de cet acte.
- Le 2ème argument utilisé est beaucoup plus récent : de nouvelles recherches en pédiatrie ont révélé la sensibilité extrême du nourrisson à la douleur. Pour lutter contre celle-ci, les médecins préfèrent pratiquer l’acte de circoncision à l’hôpital sous anesthésie générale.
Face à de telles demandes, la plus grande prudence et diligence doivent fonder l’exercice médical des professionnels de santé.