L’aide médicale d’Etat (AME) est une forme d’aide sociale dont peut bénéficier tout étranger résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, sans remplir la condition de séjour régulier, et dont les ressources ne dépassent pas un certain plafond. Elle donne droit à la prise en charge sans avance de frais et à 100 % d’un panier de soins comparable à celui des assurés sociaux (sauf exception), dans la limite des tarifs de la sécurité sociale. Le dispositif de soins urgents est une autre prestation d’aide sociale : elle permet l’accès aux soins des personnes ne remplissant pas les conditions d’accès à l’AME, lorsque la gravité de leur état de santé le justifie.
Au mois de juin 2019, une mission a été commandée à l’Inspection générale des finances (IGF) et à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) visant à présenter une analyse comparative européenne de la définition actuelle du panier de soins de l’AME et à resserrer celui-ci en vue d’une plus grande convergence européenne en la matière, l’AME représentant en 2019 un coût de 893 millions d’euros. Le rapport relève que depuis sa création en 1999, le dispositif AME est « peut-être le milliard le plus scruté de la dépense publique ».
Dans sa première partie, le rapport présente les sources du droit international, européen et national qui encadrent l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière. Il relève les spécificités du dispositif français (unicité nationale des dispositifs de prise en charge et libre accès aux soins en fonction des besoins) par comparaison avec les dispositifs mis en œuvre dans différents Etats européens (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Suède et Suisse).
Dans sa deuxième partie, le rapport expose les données chiffrées disponibles notamment en termes de bénéficiaires, de dépenses globales et des dépenses de soins liées à l’AME. Ainsi, en 2018, l’AME a bénéficié à 318 106 étrangers, ce nombre étant stable depuis 2015. Le bénéficiaire type de l’AME a moins de 40 ans (70,5% des bénéficiaires), est de sexe masculin et n’a pas d’ayants droits (81,3% des ouvrants droit). L’Île-de-France concentre 51,3% des bénéficiaires de l’AME, dont la majorité proviendrait d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne (2/3 des bénéficiaires). En termes de dépense, le coût de l’AME augmente de 1,4% par an depuis 2013 et représenterait 2 675 euros par bénéficiaire en 2018. Les soins hospitaliers représentent presque deux tiers de la dépense d’AME. Enfin, la mission expose certaines atypies dans la dépense de soins hospitaliers des bénéficiaires de l’AME, notamment pour les accouchements, l’insuffisance rénale et les cancers.
Dans sa troisième partie, le rapport affirme la nécessité de renforcer l’accès aux soins des étrangers irréguliers d’abord en réduisant les refus de soins en médecine de ville, « tout retard dans le recours aux soins [étant] de nature à aggraver la santé du patient ». Il évoque également le fait que les coûts de gestion administrative de l’AME et des soins urgents et vitaux représenteraient, pour les hôpitaux, environ 5% du montant total des dépenses encourues. Sur le plan de l’amélioration de l’efficacité et de l’efficience de ces dispositifs et de la diminution des renoncements aux soins, la proposition n° 11 consiste à faciliter la facturation des soins pour les hôpitaux, notamment en assurant une communication systématique des décisions des CPAM sur l’ouverture des droits AME ou en supprimant la condition préalable d’un refus d’AME pour la facturation en soins urgents.
Une contribution des bénéficiaires pourrait être envisagée, mais sous forme de mesure symbolique, d’autant que « faute de modélisations économiques disponibles à ce jour, on ne peut considérer l’introduction d’un ticket modérateur comme une mesure de rendement budgétaire ». Par ailleurs, la convergence du dispositif avec ceux existant chez nos voisins européens « supposerait une reconfiguration trop profonde […] pour être une perspective crédible à court ou moyen terme ».
La mission estime que l’AME n’étant « pas un outil de politique migratoire », une restriction du dispositif ne serait pas justifiée, en dehors de la priorité de la lutte contre la fraude et les abus des dispositifs d'accès aux soins pour les étrangers. Ces deux axes sont portés par neuf des quatorze propositions formulées au sein du rapport. A l'issue d'un comité interministériel sur l’immigration et l’intégration, la ministre en charge de la santé a annoncé le 6 novembre dernier une série de mesures en ce sens.