La loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse fixe désormais avec plus de précision, le cadre juridique des IVG pratiquées à la demande d’une mineure, et plus précisément les conditions de réalisations de ces IVG. Ces conditions soulèvent les interrogations suivantes :
1- le consentement de la mineure à l’acte médical d’interruption volontaire de grossesse
2- l’information de la famille
3- les actes médicaux liés aux complications d’une IVG
4- le rôle de l’adulte référent
5- la responsabilité des gynécologues et des anesthésistes
6- l’abandon de la condition de résidence.
1. Le consentement de la mineure à l’acte médical d’interruption volontaire de grossesse
Principe : la loi du 4 juillet 2001 pose une dérogation à l’application de la règle générale du consentement des titulaires de l’autorité parentale ou du représentant légal, à la réalisation d’un acte médical.
Cette dérogation est expressément prévue au troisième alinéa de l’article L.2212-7 du Code de la santé publique ci-dessus énoncé.
Conséquences :
- L’acte médical d’interruption volontaire de grossesse ainsi que les actes médicaux et les soins qui y sont exclusivement rattachés peuvent n’avoir été consentis que par la mineure dûment accompagnée du majeur référent. C’est pourquoi la patiente peut être anesthésiée et opérée sans l’autorisation parentale de principe.
- De même une anesthésie, qu’elle soit générale ou locale, doit se définir comme un acte médical directement lié à l’interruption volontaire de grossesse. L’acte médical principal (IVG) étant décidé de façon autonome par la mineure, l’acte médical nécessaire à la réalisation de l’IVG, en l’occurrence une anesthésie, peut être corrélativement considéré comme consenti par la mineure seule.
La loi de juillet 2001 habilite donc le spécialiste à pratiquer l’acte anesthésique même si le consentement des représentants légaux de la mineure n’a pas été recueilli. Toutefois, l’anesthésiste n’est absolument pas délié de son obligation d’information sur les risques liés à ce type d’intervention auprès de sa patiente et peut également tenter de convaincre la mineure d’informer ses parents (ou son représentant légal).
2. L’information de la famille
Principe : l’information de la famille n’est plus nécessaire dans l’hypothèse où la mineure souhaite conserver le secret à son égard.
Néanmoins, dans l’hypothèse où la famille “ apprend les faits et se manifeste agressivement au niveau du centre de planification familiale ”, il y a lieu de faire prévaloir l’intérêt de la mineure, et d’opposer le secret professionnel à ses proches.
Cette attitude permet là encore, de respecter l’esprit de la loi du 4 juillet 2001 et son objectif principal : permettre à une jeune femme mineure de mettre un terme à une grossesse non désirée.
Dérogation : dans le cas où la famille bien qu’agressive, est susceptible d’avoir une écoute attentive, rien ne fait obstacle à ce que le praticien l’informe sur les circonstances de l’intervention au titre de ses obligations déontologiques, sous réserve de l’accord de la mineure.
3. Les actes médicaux liés aux complications d’une IVG
C’est un point sur lequel il convient d’interpréter les termes de la loi du 4 juillet 2001 avec prudence notamment dans l’hypothèse où la mineure désire garder le silence vis-à-vis de ses représentants légaux, ou celle dans laquelle leur consentement n’a pas été obtenu.
Principe : l’alinéa 3 de l’article L.2212-7 modifié du Code de la santé publique précise que “ Si la mineure ne veut pas effectuer cette démarche ou si le consentement n’a pas été obtenu, l’interruption de grossesse ainsi que les actes médicaux et les soins qui lui sont liés peuvent être pratiqués à la demande de l’intéressée, [demande] présentée dans les conditions prévues au premier alinéa. Dans ce cas, la mineur se fait accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix ”.
Conséquences : la mineure, préalablement informée sur les risques attachés à l’intervention qu’elle doit subir, peut consentir seule à l’acte médical d’interruption volontaire de grossesse ainsi qu’aux actes médicaux et de soins qui y sont directement rattachés, y compris en cas de complications.
En tout état de cause, toute nouvelle intervention chirurgicale ou tout nouvel acte médical consécutif à une complication post-opératoire liée à l’interruption volontaire de grossesse, obligent le médecin à ne recueillir que le seul consentement de la mineure, préalablement et dûment informée des soins qu’elle devra subir.
Ce point trouve confirmation par le nouvel article L.1111-5 alinéa 1er du code de la santé publique, introduit par la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui dispose :
“ Par dérogation à l’article 371-2 du code civil, le médecin peut se dispenser d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale sur les décisions médicales à prendre lorsque le traitement ou l’intervention s’impose pour sauvegarder la santé d’une personne mineure, dans le cas où cette dernière s’oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l’autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé. Toutefois, le médecin doit dans un premier temps s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Dans le cas où le mineur maintient son opposition, le médecin peut mettre en oeuvre le traitement ou l’intervention. Dans ce cas le mineur se fait accompagner d’une personne majeure de son choix ”.
4. Le rôle de l’adulte référent
La loi du 4 juillet 2001 a introduit de nouvelles dispositions relatives au rôle de l’adulte référent dans l’accompagnement de la mineure non émancipée devant subir une interruption volontaire de grossesse, modifiant ainsi les articles L.2212-4 et L.2212-7 du Code de la santé publique.
Toutefois, ces modifications ne portent que très exceptionnellement atteinte au principe du recueil du consentement des titulaires de l’autorité parentale ou du représentant légal, et illustrent surtout la volonté du législateur de trouver un nouvel équilibre entre les règles de capacité applicables aux mineurs et la situation particulière de détresse dans laquelle est susceptible de se trouver une jeune fille qui se verrait imposer une grossesse non désirée.
Ainsi, aux termes des articles L.2212-4 et L.2212-7 modifiés du CSP, “ il est systématiquement proposé, avant et après l’interruption volontaire de grossesse, à la femme majeure une consultation avec une personne ayant satisfait à une formation qualifiante en conseil conjugal (...). Pour la femme mineure non émancipée, cette consultation préalable est obligatoire et l’organisme concerné doit lui délivrer une attestation de consultation. Si elle exprime le désir de garder le secret à l’égard des titulaires de l’autorité parentale ou de son représentant légal, elle doit être conseillée sur le choix de la personne majeure mentionnée à l’article L.2212-7 susceptible de l’accompagner dans cette démarche ” (art. L.2212-4 CSP).
“ (...) Si la femme mineure non émancipée désire garder le secret, le médecin doit s’efforcer, dans l’intérêt de celle-ci, d’obtenir son consentement pour que le ou les titulaires de l’autorité parentale ou, le cas échéant le représentant légal soient consultés ou vérifier que cette démarche a été faite lors de l’entretien mentionné à l’article L.2212-4. Si la mineure ne veut pas effectuer cette démarche ou si le consentement n’est pas obtenu, l’interruption volontaire de grossesse ainsi que les actes médicaux et les soins qui lui sont liés peuvent être pratiqués à la demande de l’intéressée dans les conditions prévues au premier alinéa. Dans ce cas la mineure, se fait accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix (...) ” (art.L.2212-7 CSP)
Dès lors, sans se substituer aux titulaires de l’autorité parentale ni au représentant légal de la mineure, et dans la seule hypothèse où la mineure souhaite garder le secret vis-à-vis de ses représentants légaux ou que ceux-ci ont refusé de donner leur consentement, le majeur référent doit accompagner la patiente dans toutes ses démarches, y compris administratives. L’hôpital devra alors s’assurer préalablement de la majorité de ce dernier. C'est la raison pour laquelle, sous réserve des prescriptions légales ci-dessus énoncées, l’admission d’une jeune femme mineure venant pour une IVG peut être effectuée par l’intermédiaire du majeur choisi par la patiente.
·De même, et s’agissant de la sortie de la patiente, conformément à l’esprit de la loi du 4 juillet 2001, il revient au majeur référent choisi par l’adolescente d’être présent lors de sa sortie de l’hôpital, d’effectuer là encore les démarches administratives nécessaires et de la raccompagner chez elle. A défaut d’accompagnement, compte tenu de la particulière vulnérabilité (physique et psychologique) de la jeune fille, il est fortement déconseillé de la laisser sortir seule de l’hôpital après une telle intervention.
Si aucune solution ne peut être trouvée, il convient de saisir le substitut du procureur de la République chargé des mineurs.
5. La responsabilité des gynécologues et des anesthésistes
La responsabilité des anesthésistes et des gynécologues ayant pratiqué une interruption volontaire de grossesse dans les circonstances prévues par la loi du 4 juillet 2001 et conformément à leurs obligations légales et déontologiques susévoquées, ne saurait être engagée en l’absence de faute qui leur serait imputable.
6. L’abandon de la condition de résidence
A l’occasion de la nouvelle codification de la partie législative du Code de la santé publique, résultant de l’ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000, et afin d’adapter la loi française aux dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme, les conditions spécifiques d’accès à l’interruption volontaire de grossesse antérieurement fixées pour les femmes étrangères (ancien article L.162.11 du Code de la santé publique), ont été supprimées.
En conséquence, les modalités particulières de résidence antérieurement fixées par le décret n° 75-354 du 13 mai 1975 ne sont plus en vigueur. La réalisation d’une interruption de grossesse concernant une femme étrangère n’est donc soumise à aucune condition de durée et de régularité de séjour en France.