Monsieur le Président,
La plupart des dispositions que comporte la directive 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail est déjà prévue par la législation française, qu'il s'agisse de l'interdiction de travail des enfants, de la réglementation de leur activité lorsque celle-ci est de nature culturelle, artistique ou sportive, de la protection en matière de sécurité et de santé. La France dispose par ailleurs d'une réglementation déjà conséquente en matière de durée du travail impliquant des ajustements sur les points suivants :
- renforcement de l'interdiction du travail de nuit existante pour les enfants de moins de seize ans (la directive impose de modifier l'article L. 213-8 du code du travail pour prévoir une interdiction du travail de nuit entre 20 heures et 6 heures - contre 22 heures à 6 heures actuellement - et de minuit à 4 heures pour les adolescents en cas de dérogation à l'interdiction du travail de nuit) ;
- renforcement de la période minimale de repos quotidien, actuellement fixée à douze heures par l'article L. 213-9 et qui devra passer à quatorze heures ;
- fixation du repos hebdomadaire à deux jours, si possible consécutifs, au lieu d'un jour actuellement (article L. 212-13) ;
- définition d'une pause de trente minutes au-delà de toute période de quatre heures et demie de travail quotidien, l'article L. 212-14 prévoyant déjà qu'aucune période de travail ininterrompue ne peut excéder quatre heures et demie ;
- encadrement du travail des jeunes dans une entreprise familiale pour le limiter aux activités occasionnelles, de courte durée pour des travaux qui ne sont pas considérés comme nuisibles, préjudiciables ou dangereux (actuellement, la combinaison des second alinéa de l'article L. 200-1 et sixième alinéa de l'article L. 211-1 pose le principe d'une interdiction d'emploi par des établissements familiaux) ;
- application de la directive aux jeunes effectuant des formations ou des stages en entreprise ;
- enfin, la durée du travail des enfants effectuant des travaux légers pendant les vacances scolaires devra passer à sept heures par jour, l'article L. 212-13 faisant référence à une durée quotidienne maximale de huit heures.
Ces dispositions devaient faire l'objet d'une transposition au plus tard le 22 juin 1996. Faute de support juridique adéquat, la France n'a pas opéré ces ajustements. La Commission a par conséquent engagé une procédure en manquement à son encontre devant la Cour de justice des Communautés européennes, qui a abouti à une condamnation le 18 mai 2000.
La loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail assure la transposition de certaines des dispositions de la directive. Il s'agit du repos hebdomadaire de deux jours si possible consécutifs, de l'application de la directive aux jeunes de moins de dix-huit ans accomplissant des stages ou des formations en entreprise sans pour autant être soumis à un contrat ou à une relation de travail et, enfin, de la prise en compte du temps consacré à la formation dans un établissement dans le décompte de la durée du travail.
Il convient donc, à travers la présente ordonnance, d'assurer la transposition des dispositions non encore inscrites dans le droit national.
L'article 1er concerne la pratique des stages en entreprise.
La loi du 19 janvier 2000 précitée clarifie la question de l'applicabilité des règles légales en matière de durée du travail aux jeunes effectuant des stages ou des périodes en entreprise en dehors d'un contrat ou d'une relation de travail.
L'ordonnance donne un fondement légal assuré à la pratique des stages en entreprise tels que les visites d'information ou les stages d'observation en entreprise effectués notamment par les élèves de troisième. Cette sécurisation législative s'avère nécessaire compte tenu des contentieux locaux nés d'une interprétation stricte de l'article L. 211-1 interdisant tout emploi de jeunes à quelque titre que ce soit. Elle impose l'existence d'une convention entre l'établissement scolaire ou l'établissement de formation et l'entreprise.
Le dernier alinéa de l'article 1er assure la transposition de la directive communautaire. La loi pose en effet le principe de l'interdiction des travaux nuisibles, préjudiciables ou dangereux pour les jeunes concernés par le travail familial, à charge pour le pouvoir réglementaire de procéder, par décret en Conseil d'Etat, à l'identification de ces travaux.
L'article 2 porte sur les points suivants :
- il limite la durée du travail des jeunes à sept heures par jour (contre huit heures dans l'article L. 212-13) et à la durée hebdomadaire légale (c'est-à-dire trente-cinq heures contre trente-neuf heures auparavant), ces limitations étant requises pour les moins de quinze ans. Pour les mineurs de plus de quinze ans travaillant dans une entreprise de vingt salariés ou plus, la durée quotidienne reste fixée à huit heures par jour et trente-neuf heures par semaine, jusqu'au 31 décembre 2001, pour tenir compte du calendrier de l'abaissement de la durée légale prévu par la loi du 19 janvier 2000 précitée ;
- il précise que les jeunes travailleurs et les jeunes stagiaires de moins de dix-huit ans doivent bénéficier d'un temps de pause de trente minutes au-delà de toute période de travail de quatre heures et demie, la législation actuelle (article L. 212-14) prévoyant qu'aucune période de travail ininterrompue ne peut excéder quatre heures et demie, sans préciser une durée minimale de pause ;
- il précise enfin que le repos quotidien minimal des enfants de moins de seize ans est d'au moins quatorze heures consécutives (l'article L. 213-9 fixe ce repos minimal à douze heures).
L'article 3 assure le renforcement de la législation française sur le travail de nuit des jeunes. L'article L. 213-8 du code du travail considère comme travail de nuit pour les jeunes de moins de dix-huit ans la plage 22 heures - 6 heures durant laquelle s'applique le principe de l'interdiction du travail de nuit, sauf dérogations exceptionnelles. La directive prévoit pour sa part une interdiction totale pour les enfants entre 20 heures et 6 heures et une interdiction de minuit à 4 heures pour les adolescents.
Une modification de la législation française s'avère donc nécessaire afin d'élargir la période d'interdiction du travail de nuit des enfants entre 20 heures et 22 heures et de porter ainsi cette période de 20 heures à 6 heures. Par ailleurs, il convient de prévoir l'interdiction du travail de nuit entre minuit et 4 heures pour les jeunes de moins de dix-huit ans en cas de dérogation à l'interdiction du travail de nuit accordée par l'inspection du travail.
En outre, l'article 3 étend le principe de l'interdiction du travail de nuit aux jeunes en formation.
Enfin, ce projet d'ordonnance exclut de son champ d'application les enfants du spectacle mentionnés au premier alinéa de l'article L. 211-6, qui restent soumis à un régime particulier de dérogation. En effet, l'interdiction de dérogation pour l'emploi de nuit d'un enfant de moins de seize ans (dernier alinéa du projet de modification de l'article L. 213-7) ne vise pas l'emploi des enfants dans le spectacle, où ils sont autorisés à effectuer des prestations nocturnes sous des conditions particulières (articles L. 211-6 et suivants du code du travail). Il est en effet nécessaire de permettre à un enfant de moins de seize ans de tourner dans un film ou de jouer dans une pièce de théâtre après 20 heures, dès lors que la double dérogation de droit commun du préfet et de l'inspecteur du travail a été accordée (article L. 211-7 et deuxième alinéa de l'article L. 213-7 du même code). Cette situation est rendue possible par le point 2 de l'article 5 de la directive, prévoyant que les Etats membres déterminent par voie législative ou réglementaire les conditions de travail des enfants dans le secteur artistique.
Le champ des dérogations visé à l'article L. 213-10 doit être modifié pour épouser celui qu'autorise l'article 13 de la directive qui renvoie au paragraphe 4 de l'article 5 de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 concernant la mise en oeuvre des mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail. Ce dernier champ vise des circonstances étrangères aux employeurs, anormales et imprévisibles, ou des événements exceptionnels dont les conséquences n'auraient pu être évitées malgré toute la diligence déployée. De plus, la directive du 22 juin 1994 précitée limite les dérogations à des travaux passagers qui ne souffrent aucun retard pour lesquels des travailleurs adultes ne sont pas disponibles.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.