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Tribunal administratif de Melun du 25 octobre 2013, n°1109953/1(Information du patient – Présomption – Contestation – Preuve rapportée – Absence – Responsabilité)

Le juge administratif rappelle en l’espèce que l’obligation d’information qui pèse sur les praticiens concerne les risques fréquents ou graves normalement prévisibles ; que, « si Monsieur X soutient, sans être utilement contredit, ne pas avoir été informé des risques liés à l’intervention, il ressort cependant des termes du rapport d’expertise que la capsulite rétractile dont il a été victime dans les suites de l’intervention chirurgicale qu’il a subi est un aléa thérapeutique imprévisible ; s’agissant d’une complication imprévisible, aucun défaut d’information ne peut être retenu à l’encontre d’un établissement de santé ».

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

MELUN

N° 1109953/1

M. X

Mme Vergnaud

Rapporteur

M. Guillou

Rapporteur public

Audience du 4 octobre 2013

Lecture du 25 octobre 2013

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Melun

Vu, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Melun le 29 décembre 2011,

l'ordonnance du 21 décembre 2011 par laquelle le président de section du tribunal administratif

de Paris a transmis au tribunal administratif de Melun la requête de M. X;

Vu la requête, enregistrée le 29 septembre 2011, au greffe du tribunal administratif de

Paris, présentée pour M. Mustapha X, demeurant(…),

par Me Chergui, avocate; M. X demande au tribunal :

1°) de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de

180000 euros en réparation des préjudices subis suite à l'intervention chirurgicale visant à la

pose d'une prothèse totale de l'épaule droite le 29 mars 2004 à l'Hôpital X

2°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris une somme de

3 000 euros au titre des dispositions del'artic1e L. 761-1 du code de justice administrative;

Il soutient que la responsabilité de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est

engagée à raison des fautes commises lors de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le

29 mars 2004 à l'Hôpital X, la prothèse de son épaule droite étant mal

positionnée et trop courte ; qu'il a souffert de divers troubles, et notamment des douleurs

intenses, dans les suites immédiates de l'opération ; que son état s'est aggravé à son retour en

Algérie, nécessitant une nouvelle prise en charge médicale en France; qu'il a d'abord été traité

au titre des douleurs occasionnées par la prothèse mal positionnée; que son état a ensuite justifié

une nouvelle intervention chirurgicale qui s'est déroulée en octobre 2007 à l'Hôpital Y

; que cette reprise de sa prothèse a entrainé une ITT de 90 jours et une prise 'en

charge dans un centre spécialisé; qu'il a été de nouveau admis à l'Hôpital Y, les

suites opératoires ayant été suivies d'un abcès axillaire droit; que les conséquences médicales de

la pose d'une prothèse initiale mal positionnée ont été lourdes et ont occasionné plusieurs

opérations de son épaule droite entre 2007 et 2010 ; que les médecins consultés dans les suites de

sa première opération ont tous conclu à une faute médicale lors de l'intervention subie à

l'Hôpital X ; que la dégradation de son état et les interventions

chirurgicales entre 2007 et 2010 démontrent les insuffisances de l'expertise du 7 avril 2005 qui

conclut à l'absence de toute faute; que s'il s'agit d'un aléa thérapeutique, il n'a pas été informé

des risques préalablement à l'intervention de mars 2004; qu'il est dès lors fondé à demander

réparation des préjudices subis et notamment de son préjudice matériel au titre des frais

médicaux non pris en charge par la caisse d'assurance maladie pour un montant de 20 000 euros

à parfaire, au titre de son IPP de 35% pour un montant de 45 000 euros et au titre du

remboursement de ses frais de déplacements et d'hébergement, à hauteur de 20 000 euros à

parfaire; qu'au titre de son pretium doloris, il évalue son préjudice à la somme de 50 000 euros

et son préjudice esthétique à la somme de 20 000 euros; qu'il a subi des troubles importants

dans ses conditions d'existence puisqu'il a besoin d'une assistance pour les gestes de la vie

courante et ne peut plus travailler; qu'il est fondé à demander à ce titre la somme de 45 000

euros;

Vu la demande indemnitaire préalable, et le rejet de cette demande par l'Assistance

publique - Hôpitaux de Paris par courrier du 12 août 2011 ;

Vu l'ordonnance en date du 23 avril 2013 fixant la clôture d'instruction au 24 juin 2013,

en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2013, présenté par l'Assistance

publique - Hôpitaux de Paris qui conclut au rejet de la requête; l'Assistance publique fait valoir

que l'expertise remise le 7 avril 2005 indique que les choix thérapeutiques étaient adaptés, que

les soins et comportement de l'équipe médicale ont été conformes aux règles de l'art; que la

prothèse posée était conforme et que la complication était imprévisible; qu'aucune faute

médicale ou dans le fonctionnement du service n'a été relevée; que la capsulite rétractile de

l'épaule droite dont a souffert M. X en postopératoire constitue un aléa thérapeutique non

imputable à l'Hôpital X; qu'il existait un état antérieur constitué par un traumatisme

à l'épaule droite lors d'un accident de la circulation du 11 octobre 1997, une fracture du

scaphoïde de la main droite en 1998, une fracture du poignet en 1993 et une pathologie du nerf

médian droit remontant à 1998 ; que les problèmes neurologiques présentés par M. X sont en

relation avec cette état antérieur ;

Vu l'ordonnance en date du 14 juin 2013 rouvrant l'instruction, en application de

l'article R.613-4 du code de justice administrative;

Vu les pièces du dossier desquelles il ressort que la requête a été communiquée à la

CaIsse nationale des assurances sociales et des accidents du travail qui n'a pas produit

d'observations;

Vu l'ordonnance du 20 juillet 2004 par laquelle le président de la Sèmechambre du

tribunal de Melun a ordonné une expertise et désigné le professeur X en qualité

d'expert ;

Vu le rapport d'expertise du Professeur X enregistré au greffe du tribunal

administratif de Melun le 7 avril 2005 ;

Vu l'ordonnance du Il mai 2005 par laquelle le président du tribunal a taxé et liquidé

les frais d'expertise à la somme de 1 600 euros;

Vu les autres pièces du dossier;

Vu le code de la santé publique;

Vu le code de justice administrative;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Vergnaud, premier conseiller;

- et les conclusions de M. Guillou, rapporteur public;

1. Considérant que suite à un accident de la voie publique en octobre 1997, M. X

a présenté une ostéonécrose post traumatique invalidante de l'épaule droite, avec douleur et

raideur; qu'une indication opératoire d'arthroplastie de l'épaule droite ayant été posée, il a été

pris en charge à 1 'Hôpital X du 25 mars au 4 avril 2004 et l'opération de

pose d'une prothèse a été réalisée le 29 mars 2004 ; qu'à compter du 5 avril 2004, M. X a été

transféré au Centre de rééducation fonctionnelle de Chenevières où il a séjourné jusqu'au

8 mai 2004; que dans les suites de l'opération, il a souffert d'une raideur douloureuse de

l'épaule droite; qu'un bilan électromyographique a révélé un déficit dans le territoire C7 de type

pré ganglionnaire; que le 16 juin 2004, M. X sollicité réparation des préjudices qu'il

estimait avoir subis consécutivement à sa prise en charge par le service d'orthopédie et de

traumatologie de l'Hôpital X et a déposé une requête en référé expertise auprès du

tribunal administratif de Melun; qu'un expert a été désigné par ordonnance du 20 juillet 2004 et

que le rapport d'expertise a été déposé au tribunal le 7 avril 2005 ; que par une décision du

20 avril 2005, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris a rejeté la demande d'indemnisation de

M. X; que ce dernier a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande de contreexpertise

qui a été rejetée par ordonnance du 19 août 2005, confirmée en appel par la cour

administrative de Paris le 13 octobre 2006 ; que suite à l'aggravation de son état de santé, ayant

entrainé plusieurs interventions chirurgicales sur son épaule droite entre 2007 et 2010, et

notamment une reprise de prothèse en octobre 2007, une sepsis avec incision d'abcès en 2008 et

2009, suite à une infection survenue dans les suites de l'opération d'octobre 2007, la dépose de

la prothèse suite au diagnostic d'arthrite septique en juin 2009 et la pose d'une nouvelle prothèse

totale de l'épaule droite inversée en janvier 2010, M. X a présenté une nouvelle demande

d'indemnisation à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris le 11 Juillet 2011 ; que cette

demande a été rejetée par décision du 12 août 2011 ; qu'au regard des consultations médicales

ultérieures à son opération du 29 mars 2004, M. X impute l'évolution de son état de santé et

les conséquences dommageables qui en ont résulté à une erreur médicale commise à l’hôpital X liée au mauvais positionnement de la prothèse initialement posée; que

par ailleurs il soutient ne pas avoir été informé préalablement à l'opération des risques encourus;

que M. X demande par conséquent au tribunal de condamner l'Assistance publique -

Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 20 000 euros au titre des frais médicaux non pris en

charge par la caisse d'assurance maladie, une somme de 45 000 euros au titre de son invalidité,

une somme de 20 000 euros au titre du remboursement de ses frais de déplacements et

d'hébergement, une somme de 50 000 euros au titre de son préjudice de douleurs, une somme de

20 000 euros au titre de son préjudice esthétique et une somme de 45 000 euros au titre des

troubles dans ses conditions d'existence ;

Sur la responsabilité:

Sur la faute médicale:

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1. 1142-1 du code de la santé publique:

« l - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé,

les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout

établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de

prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables

d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) » ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que

dans les suites de l'intervention du 29 mars 2004 à l'Hôpital X, M. X a souffert

une capsulite rétractile post-opératoire de l'épaule droite; que ce rapport d'expertise mentionne

que la solution thérapeutique proposée à l' ostéonécrose de l'épaule droite de M. X résultant

d'un accident de la circulation survenu en 1997 était justifiée, que « le contrôle post-opératoire

montre un positionnement correct de cette prothèse humérale simple dont la taille choisie est

adéquate », que le « comportement des praticiens du centre hospitalier était conforme », que la

capsulite rétractile est « une complication imprévisible car pouvant survenir chez tout patient

opéré de ce type de chirurgie» et qu'il s'agit « d'un aléa thérapeutique non imputable à l'équipe

chirurgicale, ni au centre hospitalier Henri Mondor »; qu'il en résulte qu'aucune faute

médicale, de soins, dans l'organisation ou le fonctionnement du service n'a été commise ; que,

par suite, le moyen tiré de ce que la responsabilité pour faute de l'Assistance publique - Hôpitaux

de Paris serait engagée doit être écarté;

Sur le défaut d'information:

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1. 1111-2 du code de la santé publique:

« Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette iriformation porte sur les

différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité,

leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement

prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences

prévisibles en cas de refus.(. . .) / Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en

dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (. . .) En cas de

litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que

l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette

preuve peut être apportée par tout moyen. (. . .) » ;

5. Considérant que l'obligation d'information qui pèse sur les praticiens concerne

« les risques fréquents ou graves normalement prévisibles» ; que si M. X soutient, sans être

utilement contredit, ne pas avoir été informé des risques liés à l'intervention, il ressort cependant

des termes du rapport d'expertise que la capsulite rétractile dont a été victime le requérant dans

les suites de l'intervention est un aléa thérapeutique imprévisible ; que, s'agissant d'une

complication imprévisible, aucun défaut d'information ne peut être retenu à l'encontre de

1 'hôpital X ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à engager

la responsabilité de l'Assistance Publique - hôpitaux de Paris; que, par suite, ses conclusions

Indemnitaires doivent être rejetées;

Sur les dépens:

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais

d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 600 euros à la charge définitive de M. X;

Sur l'application de l'article 1. 761-1 du code de justice administrative:

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1. 761-1 du code de justice administrative:

«Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie

perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non

compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la

partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire

qu'il n’ya pas lieu à cette condamnation. » ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise

à la charge de l'Assistance Publique - hôpitaux de Paris, qui n'est pas la partie perdante dans la

présente instance, la somme demandée par M. X au titre des frais exposés par lui et non

compris dans les dépens ;

DECIDE:

Article 1 er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Les frais d'expertise sont mis à la charge définitive de M. X.

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Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. X, à l'Assistance

publique - Hôpitaux de Paris et à la caisse nationale des assurances sociales et des accidents du

travail relations internationales.