En transmettant, sans son accord, le dossier médical d’un patient au médecin expert de sa compagnie d’assurance, un établissement public de santé commet une faute de nature à engager sa responsabilité. Le patient peut demander réparation du préjudice moral occasionné par cette faute. |
Tribunal administratif de Nice
1re chambre
N° 0404779
Lecture du 9 mars 2007
Vu la requête, enregistrée le 1er octobre 2004, sous le n° 0404779, présentée pour M. X, demeurant […], par Maître Bocquet, avocat au barreau de Grasse ; il demande au tribunal de condamner le centre hospitalier d'Antibes à lui verser 40.000 euros à titre de dommages et intérêts et 1500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
soutient que :
- Par télécopie du 21 août 2000,1es services du docteur Darmon, relevant du centre hospitalier d'Antibes, ont communiqué au professeur , médecin mandaté par la compagnie d'assurances SURAVENIR l'intégralité du dossier médical de M. X, consistant dans les comptes-rendus d'hospitalisation le concernant antérieurs à 1998 ;
- Aucun accord écrit et express de M. Xn'avait été donné, de sorte que cette communication du dossier médical a été effectuée en violation des dispositions de l'article 6B de la loi du 17 juillet 1978, et a été constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Antibes ;
- Le professeur avait été mandaté de manière expresse par la compagnie d'assurances SURAVENIR, pour procéder à l'examen de M. Xsuite à la déclaration de sinistre formée par ce dernier le 14 avril 1998 dans le cadre de son contrat d'assurances invaliditéincapacitédécès souscrit auprès de la compagnie SURAVENIR ;
- Suite au dépôt du rapport d'expertise du professeur , la compagnie SURAVENIR a signifié son intention de prononcer à l'encontre de M. X la nullité du contrat d'assurances en application de l'article L.113-8 du code des assurances pour fausses déclarations de santé le 18 juin 1997 et le 15 juillet 1997 ;
- L'annulation du contrat d'assurances, et la suspension du versement des indemnités en faveur du requérant, résultent d'informations obtenues en violation du secret médical, et plus précisément des pièces médicales communiquées par le centre hospitalier d'Antibes ;
- La suspension du versement des indemnités dues à M. X par la compagnie d'assurances SURAVENIR lui a causé un préjudice considérable, l'intéressé, dans l'incapacité de reprendre toute activité professionnelle, devant faire face depuis l'annulation du contrat d'assurances le 19 septembre 2000 au paiement d'échéances d'un montant mensuel de 2242,60 euros ;
- Le requérant est fondé à demander réparation du préjudice moral et financier qui lui a été causé par la faute du centre hospitalier d'Antibes ayant consisté à communiquer des pièces médicales en violation des dispositions relatives au secret médical ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 août 2005, présenté pour le centre hospitalier d'Antibes par Maître Chas, avocat au barreau de Nice ; il conclut au rejet de la requête;
Il soutient que :
- Il n'y a pas eu de violation du secret médical ; il résulte en effet du jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 10 octobre 2003 que M. X était présent quand les documents médicaux le concernant ont été demandés au centre hospitalier d'Antibes ; le dit jugement a également admis que l'intéressé avait renoncé au secret médical à l'égard des médecins de la compagnie d'assurance SURAVENIR ;
- En tout état de cause, il n'existe pas de lien entre la faute reprochée au centre hospitalier d'Antibes et l'annulation du contrat d'assurances souscrit par le requérant, cette annulation ayant pour seule origine les fausses déclarations faites par le requérant ;
Vu la réclamation préalable ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi 78-753 17 Juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 février 2007 :
- le rapport de M. Portail, rapporteur ;
- les observations de Maître Bocquet, avocat au barreau de Grasse, pour le requérant, et de Maître Sophie Chas, avocat au barreau de Nice , pou le centre hospitalier d'Antibes ; - et les conclusions de M. DIEU commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions aux fuis d'indemnisation :
Considérant que M. X a souscrit un contrat d'assurances invalidité/ incapacité/décès auprès de la compagnie SURAVENIR, le 29 juillet 1997 ; que le 14 avril 1998 il a déclaré un sinistre à la compagnie SURAVENIR; que le 21 août 2000, les services du centre hospitalier d'Antibes ont communiqué par télécopie au médecin mandaté par la compagnie SURAVENIR le dossier médical de M. X ; qu'estimant au vu de ce dossier que M. X avait fait de fausses déclarations lors de la souscription du contrat d'assurances, la compagnie SURAVENIR a refusé de lui accorder sa garantie, en invoquant la nullité du contrat ; que le Tribunal de grande instance de Grasse a constaté cette nullité par un jugement du 10 octobre 2003 ; que,M. X soutient que son dossier médical a été transmis par le centre hospitalier d'Antibes au médecin mandaté par la compagnie d'assurances en méconnaissance du secret médical garanti par l'article 6 précité de la loi du 17 juillet 1978, et que le centre hospitalier d'Antibes a ainsi commis une faute à l'origine du refus de la compagnie d'assurance de lui assurer sa garantie ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal : « II- Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs :- dont la communication porterait atteinte au secret de la vie privée et des dossiers personnels, au secret médical ... » ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'un établissement public hospitalier ne peut légalement communiquer à un tiers le dossier d'un patient sans l'autorisation de celui-ci ;
Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier, que M. X ait donné son autorisation au centre hospitalier d'Antibes pour la transmission d'éléments de son dossier médical au professeur , médecin expert de sa compagnie d'assurance ; qu'en particulier, il n'est pas établi qu'il ait donné mandat au professeur pour solliciter cette communication ; que le centre hospitalier d'Antibes a donc transmis le dossier médical de M. X en violation des dispositions légales relatives à la protection du secret médical, et a donc commis une faute ;
Considérant que la violation du secret médical au respect duquel M. X était en droit de prétendre lui a occasionné un préjudice moral ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en condamnant le centre hospitalier d'Antibes à lui verser 500 euros ;
Considérant par contre que le refus de la compagnie SURAVENIR d'accorder à M. X sa garantie tire son origine non de la faute commise par le centre hospitalier d'Antibes en communiquant le dossier médical du requérant au professeur , mais des fausses déclarations de l'intéressé quant à ses antécédents médicaux lors de la souscription du contrat d'assurances ; que le lien de causalité entre la faute du centre hospitalier d'Antibes et le refus de la compagnie SURAVENIR d'accorder sa garantie à M. X n'est pas direct ; que le requérant n'établit donc pas que la faute reprochée au centre hospitalier d'Antibes serait à l'origine du préjudice financier dont il demande réparation, de sorte que ses conclusions tendant à la réparation dudit préjudice ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner le centre hospitalier d'Antibes à verser 500 euros à M. X ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. X tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Antibes à lui verser une somme en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE:
Article 1 er : Le centre hospitalier d'Antibes est condamné à verser à M. X la somme de 500 euros (cinq cents euros).
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. X et au centre hospitalier d'Antibes.
Délibéré après l'audience du 16 février 2007 à laquelle siégeaient :
M. Badie, président,
M. Portail, premier conseiller et M. Pascal premier conseiller, Assistés de MmeAlbu, greffière.
Lu en audience publique le 9 mars 2007.