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Conseil d’Etat, 10 mars 2016, n°383617 (Soins sous contrainte – Responsabilité hospitalière – Faute – Défaut de surveillance – Suicide – Indemnisation – Evaluation – Motivation)

 M. X a été admis le 31 janvier 2004 au sein d’un centre hospitalier dans le cadre d’une procédure d’hospitalisation à la demande d’un tiers. Dans la nuit du 31 janvier au 1er février 2004, il a quitté cet établissement avant de mettre fin à ses jours. Par un jugement du 12 février 2013, devenu définitif sur ce point, le Tribunal administratif de Grenoble a retenu que l’absence de surveillance de M. X constituait une carence fautive de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier et a condamné l’établissement à verser la somme de 33389 euros à la veuve de M. X au titre de son préjudice d’affection et des frais d’obsèques. Mme X a fait appel de ce jugement. La cour administrative d’appel de Lyon a, le 12 juin 2014, fixé l’indemnisation du préjudice économique de Mme X à 120 000 euros, préjudice qui n’avait pas été retenu en première instance. Le centre hospitalier se pourvoit en cassation.  La Cour de cassation annule l’arrêt du 12 juin 2014 considérant que la cour administrative d’appel a entaché son arrêt d’une insuffisance de motivation : « il ressort des mentions de l’arrêt attaqué qu’après avoir évalué respectivement à 8550 et 11300 euros les revenus annuels de M. et Mme X. et fixé à 50% la part des revenus de la victime consacrée à l’entretien de son épouse, la cour administrative d’appel de Lyon s’est fondée sur l’ensemble des circonstances de l’espèce pour fixer forfaitairement l’indemnisation de Mme X. à 120 000 euros ; qu’en statuant ainsi, sans avoir précisé le raisonnement qui l’avait conduite à retenir ce dernier chiffre à partir des premiers éléments qu’elle mentionnait, la cour a entaché son arrêt d’une insuffisance de motivation

 

Conseil d'État

N° 383617   
ECLI:FR:CESJS:2016:383617.20160310
Inédit au recueil Lebon
5ème SSJS
M. Marc Lambron, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
LE PRADO, avocat

lecture du jeudi 10 mars 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


Vu la procédure suivante :

Mme X...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier ... à l'indemniser des préjudices ayant résulté pour elle du décès de son époux à la suite de sa prise en charge dans cet établissement le 31 janvier 2004. Par un jugement n° 1002099 du 12 février 2013, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier ... à lui verser la somme de 3 389, 06 euros au titre des frais d'obsèques et la somme de 30 000 euros au titre du préjudice d'affection, et rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de la perte des revenus de M.X....

Par un arrêt n° 13LY00882 du 12 juin 2014, la cour administrative d'appel de Lyon, statuant sur la requête de Mme X..., a fixé l'indemnisation du préjudice économique de Mme X...à 120 000 euros et a porté en conséquence à 153 389, 06 euros l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier...

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 août et 7 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier .... demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Lambron, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier ... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X..a été admis le 31 janvier 2004 au centre hospitalier  dans le cadre d'une procédure d'hospitalisation à la demande d'un tiers ; que, dans la nuit du 31 janvier au 1er février 2004, il a quitté cet établissement avant de mettre fin à ses jours ; que, par un jugement du 12 février 2013, devenu définitif sur ce point, le tribunal administratif de Grenoble a retenu que l'absence de surveillance de M. X...constituait une carence fautive de nature à engager l'entière responsabilité du centre hospitalier ... ; que, par le même jugement, le tribunal a fixé à 33 389,06 euros l'indemnité qu'il a condamné le centre hospitalier ... à verser à Mme X..., veuve de la victime, au titre de son préjudice d'affection et des frais d'inhumation de son mari ; que le centre hospitalier ... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 juillet 2014 de la cour administrative d'appel de Lyon, statuant sur l'appel de Mme X..., en tant que cet arrêt a mis en outre à la charge de l'établissement une somme de 120 000 euros au titre du préjudice économique ayant résulté de la perte des revenus de M.X... ;

2. Considérant qu'il ressort des mentions de l'arrêt attaqué qu'après avoir évalué respectivement à 8 550 et 11 300 euros les revenus annuels de M. et Mme X...et fixé à 50% la part des revenus de la victime consacrée à l'entretien de son épouse, la cour administrative d'appel de Lyon s'est fondée sur l'ensemble des circonstances de l'espèce pour fixer forfaitairement l'indemnisation de Mme X... à 120 000 euros ; qu'en statuant ainsi, sans avoir précisé le raisonnement qui l'avait conduite à retenir ce dernier chiffre à partir des premiers éléments qu'elle mentionnait, la cour a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation ; qu'il y a lieu, par suite, de prononcer l'annulation de cet arrêt en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice économique ayant résulté pour Mme X... de la perte des revenus de son conjoint ;

D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 12 juin 2014 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice économique ayant résulté pour Mme X...de la perte des revenus de son conjoint.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon dans la limite de la cassation prononcée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier .... et à Mme X...