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Conseil d'État, 12 janvier 2005, Gilbert K. (faute médicale - appréciation - référence aux recommandations de bonnes pratiques de l'ANAES)


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Actualités Jurisanté n° 51 - Octobre 2005, page 39 et suivantes

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 avril et 11 août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Gilbert X, demeurant ... ; M. X demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision du 11 février 2003 de la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins ;
2°) statuant comme juge du fond, rejette les plaintes de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et du médecin conseil ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Struillou, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. X et de la SCP Boutet, avocat du médecin conseil près la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône,
- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que pour infliger à M. X, par sa décision du 11 février 2003, la sanction de l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de quatre mois, dont un mois avec le bénéfice du sursis, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins a relevé des manquements aux dispositions du code de déontologie et une méconnaissance de la nomenclature générale des actes professionnels ;

Sur les manquements aux dispositions du code de déontologie :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 du code de déontologie : Dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu'il estime les plus appropriées en la circonstance. / Il doit, sans négliger son devoir d'assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l'efficacité des soins. / Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles. ; qu'après avoir estimé, par une appréciation souveraine, qu'à de nombreuses reprises M. X avait coté des actes d'échographie dépourvus de justification médicale et prescrit des dosages sans indication médicale fondée, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins a pu juger, sans commettre d'erreur de qualification juridique, que ces comportements constituaient un manquement aux dispositions de l'article 8 du code de déontologie ;

Considérant, en second lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 145-1 du code de la sécurité sociale, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins est compétente pour connaître des fautes ainsi que de tous faits intéressant l'exercice de la profession relevés à l'encontre d'un médecin ; qu'aux termes de l'article 32 du code de déontologie, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science (...) ; que la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins a pu, sans commettre d'erreur de droit, estimer que M. X n'avait pas tenu compte pour dispenser ses soins à ses patients des données acquises de la science, telles qu'elles résultent notamment des recommandations de bonnes pratiques élaborées par l'agence nationale pour le développement de l'évaluation en médecine puis par l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, en s'abstenant de prescrire le dépistage systématique du cancer du col utérin chez ses patientes âgées de 25 à 65 ans et le renouvellement tous les trois ans de cet examen, et qu'il avait ainsi méconnu les dispositions des articles 8 et 32 du code de déontologie ;

Sur la méconnaissance de la nomenclature générale des actes professionnels :

Considérant que la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins, qui n'était pas tenue de rechercher si les manquements à la nomenclature générale des actes professionnels reprochés à M. X présentaient ou non un caractère intentionnel, a pu juger, sans commettre d'erreur de droit, que ces manquements pouvaient constituer des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

Sur le moyen relatif à l'application de la loi d'amnistie du 6 août 2002 :

Considérant qu'en jugeant que les faits reprochés à M. X constituaient un manquement à la probité et à l'honneur et devaient, par suite, être exclus de l'amnistie, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins a fait une exacte application des dispositions de la loi du 6 août 2002 portant amnistie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 11 février 2003, qui est suffisamment motivée, de la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins ;

Décide :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Gilbert X, au conseil national de l'ordre des médecins, au médecin conseil chef du service près la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.