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Cour administrative d’appel de Bordeaux, 30 juin 2008, n° 06BX00646 (Fonctionnaire hospitalier - alcoolisme - accusations infondées - condamnation)

En l’espèce, la directrice d’un institut de formation des cadres de santé, fonctionnaire hospitalier, a été convoquée à un entretien avec le directeur du centre hospitalier, au cours duquel lui ont été présentés divers témoignages attestant de son état alcoolique pendant son service. La cour administrative d’appel de Bordeaux a condamné cet établissement public de santé pour accusations infondées à l’encontre de l’un de ses fonctionnaires. Elle relève en effet que les accusations d’alcoolisme ainsi lancées à l’encontre de cet agent ont été présentées comme vraies alors qu’elles se sont révélées dépourvues de fondement et que ces accusations formalisées par un écrit, permettant ainsi la conservation et la diffusion, étaient de nature à nuire à la réputation de cet agent, à supposer même que la diffusion de ce document ait été restreinte à cet agent et à sa hiérarchie.

Cour Administrative d'Appel de Bordeaux

N° 06BX00646   

Inédit au recueil Lebon

5ème chambre (formation à 3)

M. DE MALAFOSSE, président
Mme Dominique BOULARD, rapporteur
M. POUZOULET, commissaire du gouvernement
SCP CELICE BLANCPAIN, avocat


Lecture du lundi 30 juin 2008

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu l'ordonnance en date du 6 février 2006, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat attribue à la cour administrative d'appel de Bordeaux le jugement de la requête présentée pour le CENTRE HOSPITALIER CHARLES PERRENS ;

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 20 décembre 2005, ainsi que les mémoires, enregistrés les 10 avril 2006 et 20 avril 2006 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER CHARLES PERRENS, dont le siège est situé 121 rue de la Béchade à Bordeaux (33076) ; le CENTRE HOSPITALIER CHARLES PERRENS demande :

1°) l'annulation du jugement en date du 20 octobre 2005, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à payer à Mme X une somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral et une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) le rejet de la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2008 :


- le rapport de Mme Boulard, président assesseur ;
- les observations de Me Thevenin, avocat de Mme X ;
- et les conclusions de M. Pouzoulet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, saisie d'une demande indemnitaire présentée à l'encontre du CENTRE HOSPITALIER CHARLES PERRENS par Mme X, directrice de l'institut de formation des cadres de santé géré par cet établissement, le tribunal administratif de Bordeaux a, par un jugement du 20 octobre 2005, admis la responsabilité pour faute du centre hospitalier et l'a condamné à verser à son agent la somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral ; que le CENTRE HOSPITALIER CHARLES PERRENS fait appel de ce jugement ; que, par la voie de l'appel incident, Mme X demande que soit rehaussé le montant de l'indemnité réparant son préjudice ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de réfuter chacun des arguments présentés en défense par le centre hospitalier, ont suffisamment exposé les raisons qui les ont conduits à admettre la responsabilité fautive du centre en relevant que les « affirmations formulées sans preuve à l'encontre » de l'intéressée étaient en l'espèce de nature « à porter atteinte à sa réputation » ; qu'en particulier, ils ont pu, au vu des éléments de l'instruction, écarter le fait que le procès-verbal à l'origine du dommage invoqué par Mme X n'avait « connu qu'une publicité très limitée » sans s'expliquer davantage sur ce point, alors même que le centre hospitalier affirmait, sans autre précision quant au sort fait à ce document, qu'il n'avait fait l'objet d'aucune publicité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté ; que la circonstance que l'expédition du jugement ne comporte pas l'analyse des mémoires est sans incidence sur la régularité de ce jugement ;

Au fond :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X, fonctionnaire hospitalier nommée directrice de l'institut de formation des cadres de santé depuis 1997, a été convoquée à un entretien qui s'est tenu le 10 juillet 2002 avec le directeur du CENTRE HOSPITALIER CHARLES PERRENS, auquel assistait un directeur adjoint de ce centre ; qu'il lui a été alors fait plusieurs reproches, tenant essentiellement à des dysfonctionnements dans les services de l'institut, retranscrits par un procès-verbal sous forme de questions - réponses ; que, contrairement à ce que soutient le CENTRE HOSPITALIER CHARLES PERRENS, le directeur de ce centre ne s'est pas contenté de faire état, au cours de cet entretien, de rumeurs quant au comportement de Mme X imputé à une consommation d'alcool, mais a présenté des « témoignages » de membres du personnel qui, selon lui, pouvaient « être confirmés par des étudiants » comme démontrant qu'elle consommait habituellement « de l'alcool en cours de journée » et lui a ordonné de rencontrer dès le lendemain le médecin du travail pour la délivrance d'un « certificat d'aptitude », puis lui a adressé ce procès-verbal en lui demandant d'en « valider » les termes ; que les accusations d'alcoolisme ainsi lancées à l'encontre de Mme X, ont été présentées comme vraies, alors qu'elles se sont révélées dépourvues de fondement comme l'a prouvé le bilan sanguin prescrit par le médecin du travail et auquel l'intéressée s'est soumise dès le 12 juillet 2002, qui n'a fait apparaître aucun signe d'imprégnation alcoolique ; que ces accusations formalisées par un écrit, ce qui en permettait la conservation et la diffusion, étaient de nature à nuire à la réputation de cet agent, à supposer même que la diffusion de ce document ait été restreinte à Mme X et à sa hiérarchie, comme le prétend le centre hospitalier sans pour autant soutenir qu'il se serait abstenu de le verser au dossier de son agent ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la responsabilité fautive du CENTRE HOSPITALIER CHARLES PERRENS à l'égard de Mme X ; que, pour atténuer sa responsabilité, le centre hospitalier ne peut se prévaloir des autres reproches adressés à Mme X dont le bien-fondé, au regard de la situation professionnelle et privée de cet agent et de la situation générale de l'institut, n'est pas établi ;

Considérant que l'appel incident de Mme X, suffisamment motivé, est recevable ; que, toutefois, Mme X n'apporte pas suffisamment d'éléments en appel de nature à démontrer que l'évaluation faite par les premiers juges de son préjudice moral, dont la réalité est établie, serait insuffisante ; que n'est pas de nature à révéler une telle insuffisance le moyen tiré de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dont la méconnaissance ne servait de fondement ni à la réclamation préalable de Mme X ni à sa demande initiale devant les premiers juges ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le CENTRE HOSPITALIER CHARLES PERRENS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser une indemnité de 1 500 euros, d'autre part, que Mme X n'est pas fondée à soutenir que cette indemnité serait insuffisante ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le CENTRE HOSPITALIER CHARLES PERRENS à verser la somme de 1 300 euros à Mme X en remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, de condamner Mme X à rembourser les frais de cette nature exposés par le centre hospitalier ;

DECIDE :


Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER CHARLES PERRENS est rejetée.


Article 2 : L'appel incident de Mme X est rejeté.


Article 3 : Le CENTRE HOSPITALIER CHARLES PERRENS versera la somme de 1 300 euros à Mme X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.