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Cour de Cassation, Première chambre civile, 10 février 2016, n° 14-29521 (Soins psychiatriques sans consentement – Programme de soins – Non-respect – Hospitalisation complète)

Un patient, M. X., qui n’avait pas respecté un programme de soins, a fait l’objet d’une décision de placement en hospitalisation complète dont il a demandé la mainlevée au juge des libertés et de la détention (JLD). Il reproche à « l’ordonnance d'autoriser le maintien de cette mesure d'hospitalisation complète, alors, (…) que ni le juge de première instance ni celui d'appel n'ont précisé en quoi concrètement les conditions de fond d'une poursuite de l'hospitalisation complète et sans le consentement de M. X... étaient remplies ».  

Par cette décision, la Cour de cassation considère que « (…) si une personne ne peut être admise ni maintenue en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat, sous la forme d'une hospitalisation complète ou sous une autre forme, qu'à la condition qu'il soit constaté qu'elle souffre de troubles mentaux compromettant la sécurité des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public, les modalités de sa prise en charge peuvent être modifiées, sur proposition du psychiatre qui y participe, pour tenir compte de l'évolution de son état, notamment dans l'hypothèse où la mesure, décidée sous une autre forme que l'hospitalisation complète ne permet plus, du fait du comportement du patient, de lui dispenser les soins adaptés, sans qu'il soit alors nécessaire de constater qu'il a commis de nouveaux actes de nature à compromettre la sécurité des personnes ou à porter atteinte à l'ordre public. ».

Cour de cassation
chambre civile 1

Audience publique du mercredi 10 février 2016

N° de pourvoi: 14-29521

Mme Batut (président), président
Me Le Prado, SCP de Nervo et Poupet, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (Rennes, 24 octobre 2014), rendue par un premier président, et les pièces de la procédure, que M. X..., qui n'avait pas respecté un programme de soins, a fait l'objet d'une décision de placement en hospitalisation complète dont il a demandé la mainlevée au juge des libertés et de la détention ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur la troisième branche du moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance d'autoriser le maintien de cette mesure d'hospitalisation complète, alors, selon le moyen, que ni le juge de première instance ni celui d'appel n'ont précisé en quoi concrètement les conditions de fond d'une poursuite de l'hospitalisation complète et sans le consentement de M. X... étaient remplies ; que l'ordonnance attaquée est donc entachée d'un défaut de base légale au regard des articles L. 3211-12-1 et L. 3213-1 du code de la santé publique ;

Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des articles L. 3213-1, L. 3211-2-1, et L. 3211-11 du code de la santé publique que, si une personne ne peut être admise ni maintenue en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat, sous la forme d'une hospitalisation complète ou sous une autre forme, qu'à la condition qu'il soit constaté qu'elle souffre de troubles mentaux compromettant la sécurité des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public, les modalités de sa prise en charge peuvent être modifiées, sur proposition du psychiatre qui y participe, pour tenir compte de l'évolution de son état, notamment dans l'hypothèse où la mesure, décidée sous une autre forme que l'hospitalisation complète ne permet plus, du fait du comportement du patient, de lui dispenser les soins adaptés, sans qu'il soit alors nécessaire de constater qu'il a commis de nouveaux actes de nature à compromettre la sécurité des personnes ou à porter atteinte à l'ordre public ;

Et attendu qu'après avoir exposé les modalités du suivi en soins sans consentement de M. X..., parfois en programmes de soins, parfois en hospitalisation complète, en raison de ruptures de son traitement, l'ordonnance relève que, selon le certificat médical du 16 juillet 2014, il avait été nécessaire de lui faire réintégrer l'établissement en hospitalisation complète afin de garantir la poursuite des soins et la continuité du traitement antipsychotique ; qu'elle constate qu'un certificat du 4 août 2014 mentionnait qu'il tenait des propos délirants, que la conscience de ses troubles était altérée, entravant le consentement aux soins, de sorte qu'il était nécessaire de maintenir cette hospitalisation ; qu'elle ajoute que le certificat mensuel du 27 août 2014 indiquait que, si le comportement et le contact s'amélioraient, il n'existait toujours pas de reconnaissance des troubles et que la poursuite des soins n'était rendue possible que grâce à la mesure d'hospitalisation complète ; que le premier président a estimé que, selon l'avis médical du 17 octobre 2014, l'intéressé présentait un état clinique partiellement amélioré, avec diminution relative des attitudes inappropriées, mais que, faute de reconnaissance par le patient de ses troubles et de consentement aux soins, ceux-ci devaient se poursuivre sous la forme d'une hospitalisation complète ; qu'en l'état de ces énonciations, le premier président a caractérisé la nécessité de faire suivre à M. X... un traitement sous la forme d'une hospitalisation complète ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour M. X....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance rendue le 7 octobre 2014 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Rennes en ce qu'elle a autorisé le maintien de la mesure d'hospitalisation complète dont fait l'objet  X... ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte des pièces de la procédure soumise à notre appréciation que le centre hospitalier Y. a fait parvenir, par télécopie, les pièces complémentaires justifiant de la situation de  X... postérieurement à l'ordonnance du 9 juillet 2014, ayant prescrit la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète le concernant, pendant le délibéré ayant suivi l'audience du 7 octobre 2014 ; que le premier juge a immédiatement transmis au conseil de l'appelant les pièces concernées ; que ce dernier a alors pris des conclusions qu'il a fait parvenir au juge des libertés de la détention du tribunal de grande instance de Rennes, par télécopie, à 18h16 le 7 octobre 2016 ; qu'ainsi, la défense de Monsieur X... a pu être assurée, y compris par rapport à ces pièces nouvelles tardivement transmises par l'établissement hospitalier ; qu'aucune atteinte n'a été portée à ses droits ; que ce moyen sera rejeté ; que les moyens de nullités portant sur les actes de la procédure antérieure à l'ordonnance du 30 juillet 2014, par laquelle le juge des libertés de la détention du tribunal de grande instance de Rennes a prescrit le maintien de la mesure d'hospitalisation complète relative à  X... sont irrecevables ; qu'il sera observé que lors de l'audience à l'issue de laquelle cette décision a été rendue, même s'il n'était pas présent, l'appelant était représenté par un avocat ; qu'il appartenait à ce dernier de formuler toutes observations utiles et de soulever tous moyens pertinents concernant la régularité de la procédure suivie jusqu'alors ; que l'appelant n'a pas été privé du droit au double degré de juridiction, puisque les arguments et moyens qu'il soulève en cause d'appel, y compris s'agissant des pièces communiquées tardivement au premier juge, seront nécessairement appréciés par notre juridiction ; qu'au fond, il résulte de l'avis établi le 17 octobre 2014 par un psychiatre de l'établissement hospitalier d'accueil, transmis à la cour en application des dispositions de l'article L 3211-12-4 alinéa 2 du code de la santé publique, que l'état clinique de l'appelant est partiellement amélioré, avec diminution relative des attitude inappropriée, mais que faute de reconnaissance par l'intéressé de ces troubles et de consentement aux soins, ceux-ci doivent se poursuivre sous la forme d'une hospitalisation complète ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE selon l'article L 3213-1 du code de la santé publique, le représentant de l'État dans le département prononce par arrêté motivé, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public ; que selon l'article L 3211-12-1 du même code, l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge de la liberté et de la détention préalablement saisi par le représentant de l'État n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de 12 jours à compter de la mission ; que cette saisine est accompagnée d'un avis motivé rendu par un psychiatre ; que selon les articles L 3211-12 et R 3211-1 et suivants, la personne hospitalisée peut saisir le juge des libertés et de la détention d'une demande de mainlevée de son hospitalisation complète qui doit être examinée par ce dernier dans un délai de 12 jours ; qu'il appartient au juge des libertés et de la détention d'apprécier la régularité de la procédure et le bien-fondé de la mesure ; qu'en application de l'article L 3216-1 du code de la santé publique, l'irrégularité affectant une décision administrative n'entraîne la mainlevée que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet ; que sur les moyens d'irrégularité, le conseil de la personne hospitalisée a fait valoir que l'hospitalisation contrainte de Monsieur X... ne repose sur aucune base légale, au vu des pièces du dossier ; pendant le cours du délibéré, des pièces nous sont parvenues et ont été aussitôt transmises au conseil de Monsieur X..., afin de respecter le principe du contradictoire ; que le conseil de Monsieur X... a sur la base de ces éléments nouveaux, pris des conclusions qu'il a fait parvenir à la présente juridiction par voie de télécopie ce jour à 18h16 ; que ce faisant, il a assuré la défense de son client en présentant ses arguments sur la base de l'ensemble des pièces produites au dossier et dont on ne peut que déplorer le caractère tardif ; qu'il s'en déduit que le moyen tiré de la violation de l'alinéa 4 de l'article R 3211-12 du code de la santé publique ne saurait prospérer dès lors qu'il n'a pas été porté atteinte aux droits de Monsieur X...; que par ailleurs, il ressort des pièces produites que suivant ordonnance du 30 juillet 2014, le juge des libertés de la détention a autorisé le maintien de la mesure d'hospitalisation complète de Monsieur X... ; que cette décision rend irrecevable toutes éventuelles irrégularités antérieures de l'hospitalisation complète sous contrainte de Monsieur X... de sorte que le moyen tiré de la violation de l'article L 3211- 3 du code de la santé publique soulevé dans ses conclusions par le conseil de Monsieur X... ne saurait prospérer ; qu'au vu de l'entier dossier, la procédure n'est affectée d'aucune irrégularité ; que sur le fond, en l'espèce l'ensemble des certificats médicaux attestent que l'hospitalisation complète de Monsieur  X... doit se poursuivre nécessairement, suivant le régime des soins sans consentement ; qu'il convient donc de rejeter la requête tendant à la mainlevée de l'hospitalisation complète présentée par le conseil de Monsieur  X....

1°) ALORS QU'après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444 du code de procédure civile ; que le juge des libertés et de la détention, dans son ordonnance du 7 octobre 2014 a statué au vu de pièces produites en délibéré par le centre hospitalier ; que pour écarter le moyen tiré d'une atteinte aux droits de M. X..., la cour a considéré que le premier juge avait immédiatement transmis ces pièces au conseil de l'appelant et que ce dernier avait pris des conclusions en réponse ; qu'en se déterminant ainsi alors que la note en délibéré produite par le centre hospitalier n'avait pour objet ni de répondre au ministère public, ni de déférer à une demande du président, la cour d'appel a violé l'article 445 du code de procédure civile, ensemble l'article R 3211-12 du Code de la santé publique les droits de la défense et le principe du contradictoire ;

2°) ALORS QU'après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444 du code de procédure civile ; que le juge des libertés et de la détention, dans son ordonnance du 7 octobre 2014 a statué au vu de pièces produites en délibéré par le centre hospitalier ; que pour écarter le moyen tiré d'une atteinte aux droits de M. X..., la cour a considéré que le premier juge avait immédiatement transmis ces pièces au conseil de l'appelant et que ce dernier avait pris des conclusions en réponse ; qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si la note en délibéré produite par le centre hospitalier avait eu pour objet de répondre au ministère public ou de déférer à une demande du président, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 445 du code de procédure civile et R 3211-12 du code de la santé publique ;

3°) ALORS QUE ni le juge de première instance ni celui d'appel n'ont précisé en quoi concrètement les conditions de fond d'une poursuite de l'hospitalisation complète et sans le consentement de M. X... étaient remplies ; que l'ordonnance attaquée est donc entachée d'un défaut de base légale au regard des articles L3211-12-1 et L3213-1 du code de la santé publique.