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Tribunal administratif de Dijon, 27 septembre 2007, n° 0102821 (Responsabilité d'un centre hospitalier pour signalement d'informations médicales erronées).

Le signalement à l'autorité judiciaire d'informations médicales erronées entraine la responsabilité de l'établissement hospitalier (en l'espèce des analyses biologiques laissant suspecter une grave toxicomanie chez une patiente venant d'accoucher et motivant le placement du nourrisson sur décision du procureur de la République confirmée par le juge des enfants).
Voir également : Tribunal des conflits, 23 avril 2007, n° 3451 (Compétence des tribunaux de l'ordre l'administratif concernant l'ation en réparation dirigée contre un centre hospitalier pour le signalement à l'autorité judiciaire d'informations médicales erronées).

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE DIJON

N° 0102821

Audience du 13 septembre 2007 Lecture du 27 septembre 2007

Vu l'arrêt en date du 23 avril 2007 par lequel le Tribunal des conflits a :

- désigné la juridiction administrative compétente pour connaître de la requête, enregistrée le 4 septembre 2001, présentée pour Mlle X, demeurant [...], par Me Colin, tendant à la condamnation du centre hospitalier régional et universitaire de Dijon à lui verser la somme de 50 000 francs en réparation du préjudice subi du fait des informations erronées transmises au procureur de la République par cet hôpital, sur les risques encourus par son enfant ; Mlle X demandait également au Tribunal de mettre à la charge du centre hospitalier régional et universitaire de Dijon une somme de 5 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;

- déclaré nul et non avenu le jugement en date du 7 février 2007 par lequel le Tribunal s'était déclaré incompétent au profit de la juridiction judiciaire ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle de Dijon en date du 22 juin 2001, admettant Melle X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance en date du 7 mai 2007 fixant la réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 août 2007, présenté pour Mlle X, tendant à la condamnation du centre hospitalier régional et universitaire de Dijon à lui verser la somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2001, date de sa réclamation préalable ou, subsidiairement, à compter du 4 septembre 2001, date d'enregistrement de sa requête, en réparation de son préjudice ; Me Colin demande que soit mise à la charge du centre hospitalier la somme de 4 000 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 septembre 2007, présenté pour le centre hospitalier régional et universitaire de Dijon, concluant au rejet de la requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 septembre 2007 :

- le rapport de Mme Dorion, rapporteur ;

- les observations de Me Colin, avocat de Melle X et de Me Curtil, avocat du centre hospitalier régional et universitaire de Dijon ;

-et les conclusions de M. Boissy, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le centre hospitalier régional et universitaire de Dijon a signalé le 11 avril 2000, au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Dijon, les résultats d'une analyse toxicologique pratiquée sur les urines de l'enfant Y, né le 27 mars 2000, révélant des traces d’opiacés, d'amphétamines et de benzodiazépines, de nature à faire suspecter une toxicomanie chez la mère ; que l'enfant a fait l'objet le même jour d'un placement provisoire au foyer ... sur décision du procureur de la République, confirmée le 13 avril 2000 par le juge des enfants ; que, devant les dénégations de Mlle X, de nouvelles analyses ont été pratiquées le 12 avril 2000 sur la mère et le 21 avril 2000 sur l'enfant, qui se sont révélées négatives ; que mainlevée de la mesure de placement a été ordonnée le 25 avril 2000 ; que Mlle X recherche la condamnation du centre hospitalier régional et universitaire de Dijon à réparer le préjudice que lui a causé le placement de son enfant pendant deux semaines, durant la période capitale d'éveil qui suit la naissance ;
Considérant qu'une contre analyse pratiquée sur le prélèvement d'urines du 7 avril 2000 a montré que les résultats transmis le 11 avril au parquet étaient erronés ; que cette erreur est de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier ; que le préjudice dont Mlle X demande réparation présente un lien de causalité avec la faute commise par le centre hospitalier ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le centre hospitalier régional et universitaire de Dijon à verser à Mlle X une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : « Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. / (..) » ; que Mlle X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Colin, avocat de Mile X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Dijon la somme de 1 500 euros ;

DECIDE:

Article 1 er : Le centre hospitalier régional et universitaire de Dijon est condamné à verser à Mlle X la somme de 3 000 (trois mille) euros.

Article 2 : Le centre hospitalier régional et universitaire de Dijon versera à Me Colin une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Colin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mlle Xet au centre hospitalier régional et universitaire de Dijon.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2007, à laquelle siégeaient :

M. Heckel, président,

M. Delespierre et Mme Dorion, premiers conseillers.

Lu en audience publique le 27 septembre 2007.

Le rapporteur, O. DORION

Le président, B. HECKEL

Le greffier, S. PIERRE

La République mande et ordonne au préfet de la Côte d'Or en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.