REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 août et 26 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 15 juin 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 5 mars 1996 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier général de Neufchâteau à lui payer une somme de 80 166,13 F au titre de ses droits à allocation chômage, avec intérêts à compter du jour du dépôt de la requête, une somme de 10 000 F pour résistance abusive et une somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;
2°) d'annuler le jugement du 5 mars 1996 du tribunal administratif de Nancy ;
3°) de condamner le centre hospitalier général de Neufchâteau à lui payer la somme demandée, assortie des intérêts capitalisés au 26 décembre 2000 ;
4°) de condamner le centre hospitalier général de Neufchâteau à lui payer la somme de 12 000 F en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Bachellier, Potier de La Varde, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les dispositions du 1° de l'article L. 351-12 du code du travail ont étendu aux "agents non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, aux agents titulaires des collectivités territoriales ainsi qu'aux agents statutaires des autres établissements publics administratifs" le bénéfice du revenu de remplacement institué par l'article L. 351-1 du même code au profit des "travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi" ; que le même article L. 351-12 prévoit également qu'"un décret en Conseil d'Etat fixe les règles de coordination applicables pour l'indemnisation des travailleurs dont les activités antérieures prises en compte pour l'ouverture des droits ont été exercées auprès d'employeurs relevant, les uns de l'article L. 351-4, les autres du présent article" ; que ce décret, du 27 mars 1993, repris à l'article R. 351-20 du code du travail, dispose que : "Lorsque, au cours de la période retenue pour l'application du troisième alinéa de l'article L. 351-3, la durée totale d'emploi accomplie pour le compte d'un ou plusieurs employeurs affiliés au régime d'assurance a été plus longue que l'ensemble des périodes d'emploi accomplies pour le compte d'un ou plusieurs employeurs relevant de l'article L. 351-12, la charge de l'indemnisation incombe aux institutions gestionnaires du régime d'assurance. Dans le cas contraire, cette charge incombe à l'employeur relevant de l'article L. 351-12 ou à celui des employeurs relevant de cet article qui a occupé l'intéressé durant la période la plus longue (à)" ; qu'aux termes de l'article 28 du règlement annexé à la convention du 1er janvier 1993 relative à l'assurance-chômage, agréé par arrêté du ministre chargé de l'emploi du 4 janvier 1993 : "Les salariés privés d'emploi justifiant de l'une des périodes d'affiliation prévues à l'article 27 doivent : (à) f) n'avoir pas quitté volontairement (à) leur dernière activité professionnelle salariée ou une activité professionnelle salariée autre que la dernière dès lors que, depuis le départ volontaire, il ne peut être justifié d'une période d'affiliation d'au moins quatre-vingt onze jours ou d'une période de travail d'au moins 507 heures" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, d'une part, que, lorsqu'un salarié a, après avoir quitté volontairement un emploi, retrouvé un autre emploi dont il a été involontairement privé, il est attributaire de droits à indemnisation au titre de l'assurance-chômage dès lors qu'il a travaillé au moins quatre-vingt onze jours ou cinq cent sept heures dans ce dernier emploi et, d'autre part, que, dans cette hypothèse, celui des anciens employeurs de l'intéressé qui supporte la charge de l'indemnisation est celui qui, dans la période de référence prise en compte pour l'ouverture des droits, l'a occupé pendant la période la plus longue ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X..., ouvrier spécialisé titulaire au centre hospitalier général de Neufchâteau depuis le 22 janvier 1990, a quitté volontairement son emploi le 1er février 1993 ; qu'après s'être inscrit à l'Agence nationale pour l'emploi à cette même date en qualité de demandeur d'emploi, l'intéressé a été embauché le 15 février 1993 par une entreprise privée dans le cadre d'un contrat à durée déterminée qui a pris fin le 14 août 1993 ; que, cette perte involontaire d'emploi a ouvert à M. X... un droit à percevoir l'allocation d'assurance-chômage ; que celui des deux derniers employeurs de l'intéressé qui, au cours des vingt-quatre mois précédant le 14 août 1993 l'a employé pendant la plus longue période est le centre hospitalier général de Neufchâteau ; qu'il suit de là que la cour administrative d'appel de Nancy n'a pu, sans commettre d'erreur de droit, déduire de ces faits que la période d'activité de M. X... au centre hospitalier général de Neufchâteau ne pouvait être prise en compte pour l'ouverture de ses droits d'assurance-chômage au seul motif que l'intéressé y avait volontairement mis fin, alors que ce dernier avait ensuite travaillé dans une entreprise privée pendant une période de cent quatre-vingt un jours qui suffisait à lui ouvrir ses droits et privait de toute incidence sur ceux-ci la circonstance qu'il avait quitté volontairement son précédent emploi ; que son arrêt doit, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler immédiatement l'affaire au fond ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier général de Neufchâteau :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 : "(à Les délais de recours ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les décisions des 18 octobre 1993, 7 janvier 1994 et 23 août 1994 par lesquelles le directeur du centre hospitalier général de Neufchâteau a rejeté les demandes de M. X... tendant à ce que cet établissement lui verse les allocations de chômage en litige ne comportaient aucune indication relative aux voies et délais de recours ouverts à l'intéressé ; qu'il suit de là que M. X... demeurait recevable, le 24 octobre 1994, à saisir le tribunal administratif de Nancy de sa demande ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir tirée, par le centre hospitalier général de Neufchâteau, de la tardiveté de la demande de première instance de M. X... ne peut être accueillie ;
Sur le versement des allocations de chômage de M. X... :
Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'il résulte de la combinaison des dispositions législatives et réglementaires précitées et de celles du règlement annexé à la convention d'assurance-chômage du 1er janvier 1993 que les allocations de chômage auxquelles M. X... a droit en raison de la perte involontaire de son dernier emploi doivent, compte tenu de la durée pendant laquelle il a occupé cet emploi, lui être versées par celui de ses derniers employeurs qui l'a employé pendant la plus longue période, soit le centre hospitalier général de Neufchâteau ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, en conséquence, de renvoyer M. X... devant le centre hospitalier général de Neufchâteau pour qu'il soit procédé à la liquidation de ses droits ;
Sur les autres conclusions de la requête :
Considérant, d'une part, que M. X... a demandé devant le tribunal administratif que les allocations en litige soient assorties des intérêts au taux légal ; que rien ne s'oppose à ce qu'il soit fait droit à cette demande à compter du 24 octobre 1994, ainsi qu'à la capitalisation des intérêts à compter du 26 décembre 2000 ;
Considérant, d'autre part, que si M. X... a demandé au tribunal administratif que le centre hospitalier général de Neufchâteau soit condamné à lui verser la somme de 10 000 F (1 524,49 euros) pour "résistance abusive", il n'établit pas la réalité du préjudice que lui auraient causé les décisions du centre hospitalier général de Neufchâteau ; qu'ainsi, ces conclusions ne peuvent être accueillies ;
Considérant, enfin, que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier général de Neufchâteau à verser à M. X... la somme de 1 800 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 15 juin 2000 et le jugement du tribunal administratif de Nancy du 5 mars 1996 sont annulés.
Article 2 : M. X... est renvoyé devant le centre hospitalier général de Neufchâteau pour qu'il soit procédé à la liquidation des allocations d'assurance-chômage auxquelles il a droit, assorties des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 1994, capitalisés à compter du 26 décembre 2000.
Article 3 : Le centre hospitalier général de Neufchâteau versera à M. X... la somme de 1 800 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au centre hospitalier général de Neufchâteau et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.